J'ai fait la connaissance de Thomas Flahaut le soir où il a résumé son roman devant les lecteurs des 68 premières fois (une communautés de lecteurs passionnés ayant choisi de se focaliser sur des premiers romans) et ce qu'il a dit le soir là m'a convaincue de le lire d'urgence.
Ostwald est le récit d'une fuite, mais aussi du délitement des liens sociaux, et peut-être la fin d’une certaine culture ouvrière. C’est la mort d’un modèle qui n’ayant plus de raison d’être ne peut être transmis. Les deux frères du roman sont confrontés aux fantômes du passé, et doivent s’inventer un avenir.
Une usine ferme. La ville qu'elle faisait vivre agonise. La ville meurt. L'auteur donne tout de suite la réponse (p. 9) à la question qui ouvre le livre. La perte du travail du père, employé des usines belfortaises d'Alstom à la fabrication des motrices de TGV, a pour conséquence le divorce des parents. Le père quitte le noyau familial et s'installe à Ostwald.
A cet épisode tragique se superpose une autre catastrophe, l'explosion de la centrale de Fessenheim alors que Noël se trouve avec son frère chez sa mère. Tout le monde s'enfuit. La région est vidée comme le siphon d'un évier, écrit Thomas Flahaut. Évacués de Belfort avec le reste de la population, Noël et son frère, Félix, se retrouvent dans un camp improvisé en pleine forêt, celle-là même où ils se promenaient, enfants, avec leur père, et dont ils vont s'enfuir après avoir été témoins d’une agression.
Les deux évènements sont (malheureusement) vraisemblables, et on espère que le livre n'est pas un roman d'anticipation mais de simple avertissement. Cela semble tellement plausible ... que je n'ai pas mis en doute la fermeture de l'usine et j'ai cru que seule la seconde tragédie avait été inventée.
L'errance des deux frères dans un paysage dévasté m'a rappelé La route de Cormac Mc Carthy (publié d'ailleurs chez le même éditeur, l'Olivier). Ils traversent l’Alsace déserte dans laquelle subsistent de rares présences, des clochards égarés, une horde de singes échappés d’un zoo ... On tourne autour dans la France des aires d'autoroute et des centres commerciaux ...
Tout ce qu'il nous reste à faire, c'est prendre la Golf et rouler dans le silence. Jusqu'à ce que quelque chose arrive, une rencontre, un accident, une panne d'essence. Jusqu'à échouer quelque part (p. 149).
La famille n'existe plus vraiment, mais nous avançons ensemble (p. 151).
J'analyse la nécessité des deux fils de retrouver le père comme la quête du passé, et celle de se retrouver, d'effacer en quelque sorte ces deux catastrophes qui marquent l'explosion de leur monde. L'auteur a 26 ans. L'avenir lui semble peu enthousiasmant au regard d'un présent qui est déjà apocalyptique et qui, du coup, phagocyte son imaginaire et sa vision du monde.
Seule la famille résiste à ses yeux, mais ne finira-t-elle pas, elle aussi par céder ? A l'instar des vitres du Parlement européen, devenu camp retranché d'un bivouaque de fortune, avant d'exploser dans un incendie. Peut-être est-ce la morale de ce roman en forme de fable.
Thomas Flahaut est né en 1991 à Montbéliard (Doubs). Après avoir étudié le théâtre à Strasbourg, il s’installe en Suisse pour suivre un cursus en écriture littéraire à la Haute école des arts de Berne. Aujourd’hui diplômé, il vit, étudie et travaille à Lausanne, où il a cofondé le collectif littéraire franco-suisse Hétérotrophes.
Ostwald de Thomas Flahaut, aux éditions de l'Olivier, en librairie depuis le 24 août 2017
Ostwald est le récit d'une fuite, mais aussi du délitement des liens sociaux, et peut-être la fin d’une certaine culture ouvrière. C’est la mort d’un modèle qui n’ayant plus de raison d’être ne peut être transmis. Les deux frères du roman sont confrontés aux fantômes du passé, et doivent s’inventer un avenir.
Une usine ferme. La ville qu'elle faisait vivre agonise. La ville meurt. L'auteur donne tout de suite la réponse (p. 9) à la question qui ouvre le livre. La perte du travail du père, employé des usines belfortaises d'Alstom à la fabrication des motrices de TGV, a pour conséquence le divorce des parents. Le père quitte le noyau familial et s'installe à Ostwald.
A cet épisode tragique se superpose une autre catastrophe, l'explosion de la centrale de Fessenheim alors que Noël se trouve avec son frère chez sa mère. Tout le monde s'enfuit. La région est vidée comme le siphon d'un évier, écrit Thomas Flahaut. Évacués de Belfort avec le reste de la population, Noël et son frère, Félix, se retrouvent dans un camp improvisé en pleine forêt, celle-là même où ils se promenaient, enfants, avec leur père, et dont ils vont s'enfuir après avoir été témoins d’une agression.
Les deux évènements sont (malheureusement) vraisemblables, et on espère que le livre n'est pas un roman d'anticipation mais de simple avertissement. Cela semble tellement plausible ... que je n'ai pas mis en doute la fermeture de l'usine et j'ai cru que seule la seconde tragédie avait été inventée.
L'errance des deux frères dans un paysage dévasté m'a rappelé La route de Cormac Mc Carthy (publié d'ailleurs chez le même éditeur, l'Olivier). Ils traversent l’Alsace déserte dans laquelle subsistent de rares présences, des clochards égarés, une horde de singes échappés d’un zoo ... On tourne autour dans la France des aires d'autoroute et des centres commerciaux ...
Tout ce qu'il nous reste à faire, c'est prendre la Golf et rouler dans le silence. Jusqu'à ce que quelque chose arrive, une rencontre, un accident, une panne d'essence. Jusqu'à échouer quelque part (p. 149).
La famille n'existe plus vraiment, mais nous avançons ensemble (p. 151).
J'analyse la nécessité des deux fils de retrouver le père comme la quête du passé, et celle de se retrouver, d'effacer en quelque sorte ces deux catastrophes qui marquent l'explosion de leur monde. L'auteur a 26 ans. L'avenir lui semble peu enthousiasmant au regard d'un présent qui est déjà apocalyptique et qui, du coup, phagocyte son imaginaire et sa vision du monde.
Seule la famille résiste à ses yeux, mais ne finira-t-elle pas, elle aussi par céder ? A l'instar des vitres du Parlement européen, devenu camp retranché d'un bivouaque de fortune, avant d'exploser dans un incendie. Peut-être est-ce la morale de ce roman en forme de fable.
Thomas Flahaut est né en 1991 à Montbéliard (Doubs). Après avoir étudié le théâtre à Strasbourg, il s’installe en Suisse pour suivre un cursus en écriture littéraire à la Haute école des arts de Berne. Aujourd’hui diplômé, il vit, étudie et travaille à Lausanne, où il a cofondé le collectif littéraire franco-suisse Hétérotrophes.
Ostwald de Thomas Flahaut, aux éditions de l'Olivier, en librairie depuis le 24 août 2017
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