La création d'ADN a été présentée pour la première fois en juillet 2014 lors du festival "Le moulin à paroles" à Orléans, pour enchaîner avec une tournée d’été dans les Hautes-Alpes et les Alpes de Hautes Provence.
Il a provoqué une forte émotion et depuis suit son petit bonhomme de chemin sans production, ni publicité, par le bouche à oreilles, et avec le soutien de thérapeutes, de professeurs de yoga, de personnes pratiquant la méditation, bref de tous ceux qui sont en train d'adopter un nouveau courant de pensée que l'on pourrait résumer par une phrase : Si nos pensées créent notre réalité alors éduquons nos pensées.
Le spectacle peut se produire sous l'égide de la Compagnie des Saïs dans des endroits qui ne sont pas des salles de théâtre : église, grange, plein air ... Mais vous pouvez le voir actuellement à Paris au Petit Gymnase, tous les samedis à 16h 00.
Mariane Zahar n'est pas bouddhiste, mais comme bon nombre d’entre nous, elle perçoit que l'hyper rationalisme et le cynisme de bon ton si typique à l’Occident ne sont pas une fin en soi.
Elle découvre à l'âge de 20 ans Alexandra David Neel, une femme extraordinaire dont la quête de spiritualité et les aventures sont propres à nourrir toutes les audaces des femmes. Cette exploratrice est connue comme orientaliste, tibétologue, chanteuse d'opéra, journaliste, écrivaine franc-maçonne et bouddhiste. Elle fut, en 1924 la première femme d'origine européenne à séjourner à Lassa au Tibet. Elle est aussi celle qui a importé le bouddhisme en Europe et par sa vie extraordinaire a certainement contribué à ouvrir la voie pour la libération de la femme. Elle est morte à près de 101 ans, le 8 septembre 1969, à Dignes-les-Bains.
Mariane Zahar se glisse sous le châle d'Alexandra dont elle reprend les principes pour nous offrir un portrait sans concession ni fioritures. Elle le fait avec sa propre personnalité puisqu'elle s'est enrichi des travaux de Max Planck et Albert Einstein pour argumenter et éclairer les propos défendus par l'ethnologue.
C'est audacieux puisque dans la réalité le courant n'est pas passé entre Alexandra David Néel et Albert Einstein qui l’appelait "Madame je sais tout". Ils auraient eu tant de choses à se dire et à échanger, l’une sur la doctrine secrète du bouddhisme, l’autre sur la physique quantique pour enfin réaliser qu’ils avaient découvert le même secret en prenant des voies apparemment opposées. C'est ce que cette auteure-interprète démontre.
Le titre du spectacle, par ses simples initiales, évoque évidemment l'ADN, cet acide désoxyribonucléique, qui est une macromolécule biologique présente dans toutes les cellules ainsi que chez de nombreux virus, contenant toute l'information génétique, appelée génome, permettant le développement, le fonctionnement et la reproduction des êtres vivants. Alexandra David Néel avait en quelque sorte un nom prédestiné pour être associée à la physique quantique.
Ça commence dans un noir intense. On découvre un petit bout de femme assise en tailleur, enfouie sous un lourd manteau tibétain qui la recouvre toute entière. Sa voix nous saisit d'emblée. Elle affirme que le temps n'existe pas. Elle est immobile, en méditation très profonde, et nous dit pourtant que son coeur fait des saltos de joie. On aurait envie de nous méfier mais elle déjoue nos suspicions en convenant que ses propos sont incohérents et qu'elle en train de parler comme un môme. Pour ajouter plus tard qu'elle déroge aujourd'hui à la règle qu'elle s'est imposée, faire du prosélytisme.
A la fin du spectacle elle nous aura ébranlés. Mais avant elle déroule ses pensées (que nous peinons parfois à suivre mais peu importe ...) et nous convaincra que la seule réalité est l'amour et qu'il faut agir pour faire de notre siècle un monde meilleur. Chacun sortira de la salle intensément changé.
On a véritablement le sentiment d'avoir rencontré cette Alexandra parce que le jeu est plus qu'une évocation. C'est une incarnation. Alors que sa vie est exceptionnelle,la comédienne pointe les étapes avec humilité (ce qui caractérisait sans nul doute l'exploratrice) : je ne fais dans mes écrits que relater mes observations et traduire les textes sacrés.
On la sent malgré tout féministe au-delà de ce qu'il était alors imaginable. Elle a raison de pointer que dans les années 1910 les femmes qui se risquaient à la Sorbonne étaient régulièrement poussées dans les escaliers. Les hommes ne supportaient pas ces impudentes voulant gagner leur vie autrement que par leur sexe. Que pouvaient-ils penser d'Alexandra qui depuis 1894 sillonnait la merveilleuse, éternelle Asie, Ceylan puis l'Inde, le Tibet, et qui était déterminée à y retourner, avec pour objectif Lhassa la ville sainte interdite aux étrangers ... et aux femmes ! Elle sera la première à y entrer en 1924.
Les faits historiques sont nécessaires à la compréhension de son exceptionnel chemin de vie et sont faciles à assimiler. Elle est née en 1868 à Saint-Mandé, mais ce qu'on sait peu c'est qu'elle a commencé comme cantatrice, avant de se passionner pour le bouddhisme.
Elle s'adresse à nous depuis ce qu'elle appelle sa caverne ermitage, située dans l'Himalaya, à 4000 mètres d'altitude, en août 1916 alors qu’elle suit l'enseignement du Lama Gonchen de Lachen, qui fût un des guides importants dans son évolution initiatique. La lumière change alors qu'elle avoue (et c'en est presque comique) qu'elle a fait croire à tout le monde qu'elle était venue pour enseigner l'anglais. En fait elle se livre à une initiation. Son secrétaire l'a suivi à 13 ans. Elle en fera son fils adoptif.
Elle fait l'apologie du silence et de la contemplation. Etre là en paix est une ironie du sort parce qu'elle sait qu'en Europe la guerre fait des ravages.
Alexandra est facétieuse. J'aurais été une misérable épouse, concède-t-elle en riant. Son mari Nochi vit à Tunis. Ils s'écrivent. Semblent s'entendre quoique sans aucune quête spirituelle commune. Il s'agit (aussi) d'une forme de sagesse.
On entend le vent souffler. Elle dit ressentir d'étranges sensations. Un jeu de lumières nous révèle ses tremblements. La voilà qui se lève, danse, tape du pied, ses bras retombent.
Nous sommes avec elle dans le dénuement de sa caverne mais aussi dans ce monde qui découvre l'électricité (qui permet le cinéma), l'aspirine, où émergent Freud et Jung dont elle se sent très proche. On mesure l'ampleur de ces bouleversements sur lesquels elle insiste en laissant entendre qu'à notre époque les découvertes technologiques sont sans doute encore plus étonnantes, ... avant de laisser tomber qu'elles ne pourront sans doute pas suffire à faire le bonheur. Il faut se tourner vers l’esprit nous dit-elle, et nous sommes prêts à entendre sa démonstration.
Elle a une fine gestuelle quand elle évoque les particules dont nous sommes chacun constitués. Citant Einstein elle insiste : C’est le mouvement qui crée les objets. Il y a autant de réalités que d’observateurs, ce qui équivaut à remettre en question l’existence même de notre réalité. Nous ne sommes que mémoire (de nos ancêtres, de lignées, d'autres formes de vie) ... si bien que nous ne sommes pas coupables de ce que nous sommes, mais cela ne nous empêche pas d'être juste responsables de ce que nous devenons.
Tout ne serait qu'illusion ? Le spectacle s'achève sur un message d'amour, absolu, universel, qui pourrait constituer la fondation de la création d'un monde meilleur. Puis c'est le noir qui envahit la salle comme une flamme qui s’éteint.
Mais qui reste vaillante dans nos esprits. Il faut saluer la comédienne dont la présence est intense et légère à la fois, pas du tout donneuse de leçon, mais porteuse d'espoir. A la limite d'un chamane, mais en nous laissant libres puisque nous sommes nos propres gourous nous n’avons besoin de personne d’autre.
Elle nous donne envie de nous plonger dans les livres publiés par Alexandra David Néel, en commençant peut-être par le texte de la pièce qui est en vente à la sortie (dix euros).
Ecrit et interprété par Mariane Zahar
Tous les samedis à 16h00
Au Petit Gymnase 36 boulevard Bonne Nouvelle 75010 Paris
Les photos qui ne sont pas logotypées A bride abattue sont de Claire Ratzki que je remercie
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