On sait qu'il existe des produits d'exception mais nous avons finalement peu d'occasion de les savourer, et qui plus est en compagnies des hommes dont la passion et la volonté ont permis de maintenir ... et je pèse mes mots parce que le terme de restaurer conviendrait peut-être davantage.
Car on parle de renaissance pour qualifier le phénomène. La race pure gasconne était promise à s'éteindre dans les années 1980 puisqu'il ne restait plus que 34 truies et 2 verrats. C'était une question d'années. Le Noir de Bigorre si emblématique de ce terroir allait disparaitre en raison de ses soit-disant défauts : trop lent, trop gras et pas assez productif comparativement à l'élevage en batterie.
Pourtant quelques éleveurs, charcutiers, salaisonniers ont fait le pari d'inverser la tendance. Il faut les entendre raconter cette aventure qui aujourd'hui est un succès puisque le Porc Noir de Bigorre et le Jambon Noir de Bigorre deviennent des produits protégés en Europe. Ils bénéficiaient déjà de l’AOC (Appellation d’Origine Contrôlée) depuis 2015. L'AOP est une protection accrue pour garantir l’excellence des produits avec lesquels la filière pourra séduire de nouveaux ambassadeurs.
Il y a de quoi faire la fête et je vous garantis que ceux qui ont oeuvré à cette réussite ont le sens du partage, de la bonne humeur et un solide appétit. J'ai eu l'honneur d'être invitée à une soirée célébrant la bonne nouvelle et je m'en souviendrai longtemps.
C'était Réveillon avec un bon mois d'avance chez J Go, un restaurant dont le premier établissement a ouvert à Toulouse sous l'impulsion de Fabien Galthié et qui conserve toujours les producteurs de qualité, en viande comme en légumes. Tout le monde ici est passionné et défend les valeurs de la Gascogne, chaque serveur pour commencer, tous en tablier rouge et très impliqués, et bien entendu aussi le patron, Denis Meliet qui a beau avoir l'habitude que quelques jambons soient accrochés au-dessus du bar, est ému en nous confiant que voir un tel alignement de cochons pendus lui fait battre le cœur. C’est le lien avec les générations d’avant, avec la petite quinzaine de producteurs qui avaient conservé la race et qui, à l’envers de tous, ont cru à l’impossible et qui en vivent. Ils sont aujourd’hui 60, ce qui est très satisfaisant quand on voit toutes les spécialités régresser. Le Noir lui se déploie. C’aurait été une catastrophe de le perdre.
Un des intérêts de l’histoire c’est l’aventure humaine qui est derrière et que relate Armand Touzanne, président de la confrérie du Noir de Bigorre (et ancien directeur du Consortium) avant de conclure que l'animal est le fruit du relief, du climat, aimable comme les gens, pas sauvage car il viendra vous saluer si vous vous aventurez sur leurs pâturages.
Comment voulez-vous qu'on n'ait pas envie de se rendre sur place ? Le désir est renforcé avec la dégustation de jambon d'âges différents, 20, 24 et 36 mois d’affinage, et de saucisson tranché avec célérité.
Marie-Claire Uchan, Directrice du Consortium a conclu que ce produit est le résultat d’un tryptique magique, un territoire, des hommes, un savoir-faire pour obtenir un jambon d’exception et une viande extraordinaire au menu ce soir.
Et je peux témoigner que nous nous sommes régalés. J'ai découvert des recettes que je ne soupçonnais même pas et en attendant d'aller en Gascogne je vous recommande le J Go où rien n'est surgelé et tout travaillé dans les règles de l'art, et dans une ambiance chaleureuse.
C'est au premier étage, où l'on a l'habitude de servir les menus, que la soirée s'est poursuivie. Nous n'avons pas résisté à la tentation de tendre la main vers les morceaux de lard en passant devant la cuisine ouverte, avant de s'installer à une table.
On enchaine avec un bouillon de porc noir, haricots tarbais. Les légumes sont fondants, le bouillon, servi brûlant, a un goût extraordinaire.
Voici des mini légumes de Jean-Luc Garbage, voile de lard glacé au miel. Ce maraîcher d'exception les cueille à la main. il a commencé par la culture des fleurs, qu'il poursuit bien sur et on a la chance de gouter quelques feuilles très parfumées.
Grande surprise avec le Boudin de Noir, pois chiches, pesto de capucine. Cet abat est dense comme de la viande. On dirait un boudin noir comme celui que l'on connait, mais qui aurait été enrichi de rillettes. Il dégage un parfum de cannelle et de girofle.
Ce sera ensuite Topinambour dans un beurre de saindoux, cuit façon Tatin, feuille d'huitre. Les portions ne sont pas gargantuesques, heureusement car les plats se succèdent à un rythme soutenu., tous moelleux et savoureux comme l'est aussi une Butternut rôtie au lard de Noir de Bigorre, graines de courge, poivre Amarante.
Chou de Jean-Luc Garbage, farci au confit de porc Noir de Bigorre, est un régal.
Il est suivi de l'Epaule de porc, 5 heures au sel, puis dessalée et rôtie 5 autres heures avec un chou vert. C'était le "jambon blanc " de l'époque, nous dit Denis Meliet qui passe de table en table sans en oublier une. Il nous rappelle que dans ce cochon, 35% du gras est un gras saturé donc bon pour la santé.
Arrivent les desserts, avec une assiette de Moelleux miel noix et de Tatins pomme-coing réalisés non pas avec du beurre mais avec de la graisse de Noir de Bigorre.
Puis un Cake au chocolat avec un saindoux retravaillé. Et même des merveilles frites dans le saindoux (non photographiées).
Au terme de la soirée on comprend encore mieux les paroles de Jean-Luc Altesse, un des éleveurs présents. Nul doute que le Noir de Bigorre a mérité de revenir à la mode. Il est légitimement dans l’air du temps parce que les producteurs l'élèvent dans le respect du bien-être animal issu d’une filière structurée de manière originale et conjuguant harmonie et excellence. S'il ne fallait retenir que trois mots ce serait : passion, patience et partage.
Je vous recommande chaleureusement ce restaurant, que vous optiez pour un menu à l'étage ou que vous préfériez une des formules rapides proposées dans la partie "bistrot" de l'établissement, en vous installant au long comptoir, pour un large choix de grignotages, et un vin au verre, en toute modération comme il se doit.
J'GO Paris Drouot4 rue Drouot 75009 Paris 01 40 22 09 09
Je vous encourage tout autant à cuisiner le Noir de Bigorre, et je vais vous donner ci-après quelques idées.
D'abord on peut le savourer en le picorant, à l'apéritif ou en entrée, en l'achetant déjà finement tranché. Je l'ai aussi utilisé pour enrichir un risotto en suivant une recette de Juan Arbealez que j'ai donnée ici.
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