C'est toujours le même phénomène avec Nadine Monfils. Elle me transporte loin des soucis et c'est tout ce que je vous souhaite aussi.
Avec Crimes dans les Marolles (vous aurez remarqué le pluriel annonciateur d'une cascade) elle nous embarque tous en Belgique, en première classe. Elle a relevé le défi que lui a lancé Nathalie Carpentier .... créatrice en 2016 de sa propre maison d’éditions French Pulp éditions, d'écrire une enquête faisant revivre le personnage culte de Léo Malet.
French Pulp se consacre uniquement à la littérature populaire française et francophone et possède déjà un fonds de plus de 2.000 titres. Trois ouvrages en format poche provenant du fonds et deux grands formats d’auteurs contemporains sont publiés chaque mois.
Le principe de cette nouvelle collection, initié il y a un peu plus d'un an et déjà riche de 5 opus, à commencer par Terminus Nord, sous la plume de Jérôme Leroy, est de faire rajeunir le détective, désormais né en 1976, et de lui confier une enquête par arrondissement de Paris qui se déroule dans les années 2010-20 (sachant que dans le passé il n'en a jamais mené dans le 7e, 11e, 18e, 19e et 20e).
Nestor devenu quadragénaire a toujours son bureau rue des Petits-Champs, à l’agence Fiatlux. Il a beau avoir rajeuni, il n'est pas rompu aux arcanes informatiques de notre époque. Il faut entendre comment il parle de son téléphone : Mon casse-bonbons émet un Ting. Message (p.93). Il se fera aider par Mansour, lequel excelle à naviguer sur les réseaux sociaux, maitrise le piratage de données, et entretient avec lui des rapports amicaux : j'aime bien l'idée que ce jeunot m'appelle gamin. Ça met du soleil sur ma tartine (p.56).
Nadine Monfils est montmartroise dans l'âme. Elle aurait pu faire sillonner Nestor dans les rues de son quartier mais elle a eu l'autorisation de déroger et de l'envoyer en Belgique (qu'elle connait tout aussi bien) en l'associant à un de ses acteurs fétiche (elle en a beaucoup parce qu'elle connait de près ce milieu), en l'occurrence Guy Marchand, mais ç'aurait pu être ... Bouli Lanners, ... quoique trop belge peut-être.
Guy Marchand est son ami avant d'être une star. Elle le fait lui aussi chanter (p.82) le début de son célèbre Taxi de nuit. Le clin d'oeil est multiple puisque le personnage de Nestor Burma a été incarné à la télévision par ... Guy Marchand et que les deux compères se rendent au Brussels International Fantastic Film, ce BIFFF dont la 37ème édition se tient pile en ce moment (du 9 au 21 avril 2019) à Bozar, ... où Nadine fut membre du Jury européen en 2008, et du Jury thriller l'année suivante. Le programme couronne toujours le cinéma fantastique, la science-fiction et l'épouvante. C'est tout à fait le cadre qui convient à une énigme pour Nestor Burma, en l'occurrence cette fois très librement inspirée de l'affaire Léopold Storme.
Les références au cinéma sont multiples, sans aucune surprise, à travers la citation de noms comme ceux des acteurs Bouli Lanners, Benoît Poelvoorde, Yolande Moreau, Emilie Dequenne et celui -que l'on trouve dans chacun de ses livres- qu'elle se permet de transformer en JCVD (Jean-Claude Vandamme dont son personnage de Mémé Cornemuse est raide dingue amoureuse dans la série éponyme). De réalisateurs -pas forcément belges- comme Jean-Jacques Jeunet ou Luc Besson (Prix de la critique pour Le Dernier Combat au BIFFF en 1983). Et de scénarios de films comme Orange mécanique qui est l'élément central de l'intrigue, ou encore celui de Fellini où toutes les fresques disparaissent au moment où l'air entre dans les catacombes (Fellini Roma, si connu qu'elle n'en donne pas le nom, p.58 ).
Le plus savoureux est peut-être l'hommage que Nadine fait à la variété en attribuant un extrait de chanson à chacun des chapitres, dont les mots résonnent parfois très différemment du souvenir qu'on en a conservé.
Le récit commence au temps où Bruxelles brusselait (Jacques Brel) et se poursuit quand la lune trop blême pose un diadème sur tes cheveux roux ... Vous vous souvenez de cette si jolie Complainte de la Butte (Montmartre, évidemment) chantée par Cora Vaucaire ?
Plus tard (p.50) la suggestion de Fermer les volets et ne plus changer l'eau des fleurs ... nous rappellera ce Canoé rose, beau à tomber par terre (c'est elle qui le dit, un peu plus loin) écrit et interprété par Viktor Lazlo dont le pseudonyme provient du nom d'un des personnages du film Casablanca (là c'est moi qui le dis).
La drogue m'a mis la main dessus, j'suis foutu (p. 53) chanta Michel Jonasz en 1978. Et puis Sugar's sweet, so is she, bye bye blackbird par Julie London, mais aussi par Miles Davis en 1954, Peggy Lee l'année suivante et Joe Cocker en 1969. Malgré tout nos secrets resteront bien gardés (Louane, 2015 p. 68). J'ai trouvé dans mon carnet à spirales tout mon bonheur en lettres capitales (p.72 encore Jonaz). Il n'y a rien de plus sacrilège que brûler une lettre d'amour (Sylvie Vartan p. 107). Chaque hommage est judicieux. Je n'ai qu'un reproche à faire, l'absence de play-list à la fin du roman, franchement ça manque.
Nadine pilote le détective dans les Marolles. Son roman pourrait avoir sa place parmi les guides touristiques, spécialisé bars et bières, et Dieu qu'elle me donne envie de retourner à Bruxelles, son livre en poche, pour visiter tous les estaminets, à commencer par Goupil Le Fol, rue de la Violette, derrière la Grand-Place, qui n'est pas pour le touriste lambda (il faut découvrir son juke-box, ses grands verres ...). J'irai plus tard chez Willy, qui fait partie du "folklore" des Marolles et où Nestor revient s'attarder à la fin de son enquête pour oublier la noirceur du monde (p. 174).
Nadine donne ses meilleures adresses et nous émoustille les papilles. Elle ressuscite les effluves du chocolat Cote d'Or dont l'odeur sucrée envahissait tout le quartier quand on descendait à la gare du Midi (p.76) avant le déménagement de l'usine en Suisse.
Evidemment, on touille son café ... et on fait son chic quand on veut se faire beau pour épater la galerie (p.80). Nous voilà en familiarité avec les expressions belges qui sont traduites si nécessaire. Les *** de fin de chapitre sont une mine. J'ai appris plein de choses. J'ignorais que la Petite tonkinoise de Joséphine Baker était familière à tous les belges. Elle confirme mon désir de prendre le Thalys pour m'entendre enfin traiter de Dikke Mite car s'agissant de mots doux je suis restée au bibele alsacien. C'est déjà ça.
Mais il n'est pas nécessaire de connaitre toutes les références pour apprécier le roman. Nadine est à l'instar de son personnage, poète, à ses heures, pas perdues, car elles ne le sont jamais quand on ronronne les mots (p. 14). Elle a toujours ... un petit rêve à tremper dans les illusions du jour. Regarder les gens pressés courir vers ce qui va les tuer lentement : le train-train quotidien. L'ennui est une mante religieuse. Et a passé sa vie à lui échapper (p. 11).
Je lui attribue les pensées qu'elle place dans la bouche de son personnage car je sais bien qu'elle se cache (à peine) derrière lui. Marcher le nez au vent t'amène à penser à des tas de choses. Ici à Bruxelles, ils diraient que je fais du stoemp avec les mots (p.114 ).
Il y a beaucoup de poésie dans son écriture. Mais aussi du surnaturel et du fantastique, ... en toute logique quand on connait ses goûts cinématographiques. Elle fait dire à Nestor Burma : la vraie sagesse est d'accepter que l'impensable soit possible (p.151) et elle le démontre.
L'intrigue démarre au cours d’une soirée, quand Nestor rencontre la petite amie de Léo Straum, condamné à 26 ans de réclusion pour être accusé d’avoir assassiné ses parents et sa soeur. Il s’est réveillé au milieu de leurs cadavres et déclare ne plus se souvenir de rien. Il parait pourtant que dans la famille Straum, tout le monde s’aimait et baignait dans le bonheur avant de baigner dans le sang. Burma décidera de fourrer son nez dans cette histoire d'amour contrarié. Quand on perd ceux qui comptent le plus pour nous et qu'on s'aime, on peut encore avoir l'espoir de les retrouver là-haut. Mais s'ils ne veulent plus vous parler, c'est fini pour toujours (p.104).
La découverte d'une plante mexicaine (que je ne connais pas malgré la fréquence de mes séjours dans ce pays), la salvia, dite sauge des devins, qui pousse dans les forêts tropicales et qui est la seule substance naturelle connue qui peut faire vivre, à doses élevées, des expériences de décorporation, voire même une dissolution de l'ego (p.55) le mettra sur une piste.
Mais la résolution sera complexe : Un meurtre c'est la conséquence de pleins d'actes qui viennent de toutes parts, pas seulement du tueur. C'est un effet dominos et le monsieur le sait très bien, n'est-ce-pas ? Mon frère n'a pas de sang sur les mains, mais il en a sur le coeur (p.150).
On suivra dans des quartiers sombres un Nestor convaincu que les lieux sont imprégnés de l'âme de ceux qui y ont vécu et qui croit aux maisons hantées. (...) si le bonheur est contagieux, la poisse l'est bien plus encore (p.59). Nadine a raison : L'enfer est une épicerie avec des bocaux remous de bonbons fourrés au néant (p.175).
Le détective viendra à bout de l'affaire en composant parfois avec la loi. Il entretient d'assez mauvais rapports avec la police officielle, toujours prête à le soupçonner. Il est plus jeune mais son caractère n'a pas changé. Il peut choquer à l'occasion, prêt à chourer une baignoire sabot : Elle irait bien chez moi. Faudra que je pense à demander à des potes truands de venir la piquer la nuit avec leur camionnette (p. 64). Ce qui le retiendra ce ne sera pas la morale mais la distance depuis son domicile parisien.
Il a conservé son franc-parler, sa séduction et son propre code d'honneur, devenant sous la plume de Nadine un brin un philosophe, ... (p. 54) Il m'a fallu des années, -et encore je ne suis pas guéri- pour pouvoir m'asseoir dans un fauteuil en plein jour et lire un bon bouquin sans me sentir inutile ou coupable de "ne rien faire", marqué à vie par l'obligation de travailler depuis l'enfance, quand son père lui reprochait ses lectures d'un : T'as pas autre chose à foutre ?
J'ai moi aussi entendu pareille critique et j'aime aussi Nadine pour sa manière de nous alléger de nos fantômes. Je l'apprécie aussi pour son humour que je perçois jusque dans les remerciements à son petit chien Léon (un adorable toutou) et à ses enfants avec une formule que je pourrais (mais oui) reprendre à mon compte : merci à mes fils que j'adore même s'ils ne lisent pas toujours mes livres, je les écris aussi pour eux.
J'aime toute entière Nadine Monfils à l'instar de son affection pour les Belges qu'elle nous dit indomptables. C'est pour ça que je les aime. Sont pas dans le moule, n'ont pas d'étiquette. Ce sont des gens simples, gentils, souvent très talentueux dans plein de domaines, parce que libres (p.17).
L'enquête devient un remake de who's who autour d'Arno, Stromae, Viktor Lazlo (que j'ai reçue au micro de Needradio), d'Annie Cordy (p.30), et de peintres dont le plus grand pour elle est Léon Spilliaert qu'elle me donne envie de découvrir, moi qui suis restée bloquée sur l'homme au chapeau boule (Magritte).
Sans oublier le plus grand des poètes wallons (et je l'approuve encore), Julos Beaucarne dont son Burma a épinglé une citation au-dessus de son bureau, histoire de garder les pieds sur terre : A force de péter trop haut, le cul prend la place du cerveau.
Il sera aussi question de bonheur. Le mode d'emploi, Nestor en trouve la recette dans un livre "pour nanas" : Débarrassez-vous de toutes ces choses qui ne signifient plus rien pour vous (p.70).
Je vous en ai beaucoup dit, je vous laisse, j'ai mis en route un stoemp et une chose comme ça n'attendra pas.
Avec Crimes dans les Marolles (vous aurez remarqué le pluriel annonciateur d'une cascade) elle nous embarque tous en Belgique, en première classe. Elle a relevé le défi que lui a lancé Nathalie Carpentier .... créatrice en 2016 de sa propre maison d’éditions French Pulp éditions, d'écrire une enquête faisant revivre le personnage culte de Léo Malet.
French Pulp se consacre uniquement à la littérature populaire française et francophone et possède déjà un fonds de plus de 2.000 titres. Trois ouvrages en format poche provenant du fonds et deux grands formats d’auteurs contemporains sont publiés chaque mois.
Le principe de cette nouvelle collection, initié il y a un peu plus d'un an et déjà riche de 5 opus, à commencer par Terminus Nord, sous la plume de Jérôme Leroy, est de faire rajeunir le détective, désormais né en 1976, et de lui confier une enquête par arrondissement de Paris qui se déroule dans les années 2010-20 (sachant que dans le passé il n'en a jamais mené dans le 7e, 11e, 18e, 19e et 20e).
Nestor devenu quadragénaire a toujours son bureau rue des Petits-Champs, à l’agence Fiatlux. Il a beau avoir rajeuni, il n'est pas rompu aux arcanes informatiques de notre époque. Il faut entendre comment il parle de son téléphone : Mon casse-bonbons émet un Ting. Message (p.93). Il se fera aider par Mansour, lequel excelle à naviguer sur les réseaux sociaux, maitrise le piratage de données, et entretient avec lui des rapports amicaux : j'aime bien l'idée que ce jeunot m'appelle gamin. Ça met du soleil sur ma tartine (p.56).
Nadine Monfils est montmartroise dans l'âme. Elle aurait pu faire sillonner Nestor dans les rues de son quartier mais elle a eu l'autorisation de déroger et de l'envoyer en Belgique (qu'elle connait tout aussi bien) en l'associant à un de ses acteurs fétiche (elle en a beaucoup parce qu'elle connait de près ce milieu), en l'occurrence Guy Marchand, mais ç'aurait pu être ... Bouli Lanners, ... quoique trop belge peut-être.
Guy Marchand est son ami avant d'être une star. Elle le fait lui aussi chanter (p.82) le début de son célèbre Taxi de nuit. Le clin d'oeil est multiple puisque le personnage de Nestor Burma a été incarné à la télévision par ... Guy Marchand et que les deux compères se rendent au Brussels International Fantastic Film, ce BIFFF dont la 37ème édition se tient pile en ce moment (du 9 au 21 avril 2019) à Bozar, ... où Nadine fut membre du Jury européen en 2008, et du Jury thriller l'année suivante. Le programme couronne toujours le cinéma fantastique, la science-fiction et l'épouvante. C'est tout à fait le cadre qui convient à une énigme pour Nestor Burma, en l'occurrence cette fois très librement inspirée de l'affaire Léopold Storme.
Les références au cinéma sont multiples, sans aucune surprise, à travers la citation de noms comme ceux des acteurs Bouli Lanners, Benoît Poelvoorde, Yolande Moreau, Emilie Dequenne et celui -que l'on trouve dans chacun de ses livres- qu'elle se permet de transformer en JCVD (Jean-Claude Vandamme dont son personnage de Mémé Cornemuse est raide dingue amoureuse dans la série éponyme). De réalisateurs -pas forcément belges- comme Jean-Jacques Jeunet ou Luc Besson (Prix de la critique pour Le Dernier Combat au BIFFF en 1983). Et de scénarios de films comme Orange mécanique qui est l'élément central de l'intrigue, ou encore celui de Fellini où toutes les fresques disparaissent au moment où l'air entre dans les catacombes (Fellini Roma, si connu qu'elle n'en donne pas le nom, p.58 ).
Le récit commence au temps où Bruxelles brusselait (Jacques Brel) et se poursuit quand la lune trop blême pose un diadème sur tes cheveux roux ... Vous vous souvenez de cette si jolie Complainte de la Butte (Montmartre, évidemment) chantée par Cora Vaucaire ?
Plus tard (p.50) la suggestion de Fermer les volets et ne plus changer l'eau des fleurs ... nous rappellera ce Canoé rose, beau à tomber par terre (c'est elle qui le dit, un peu plus loin) écrit et interprété par Viktor Lazlo dont le pseudonyme provient du nom d'un des personnages du film Casablanca (là c'est moi qui le dis).
La drogue m'a mis la main dessus, j'suis foutu (p. 53) chanta Michel Jonasz en 1978. Et puis Sugar's sweet, so is she, bye bye blackbird par Julie London, mais aussi par Miles Davis en 1954, Peggy Lee l'année suivante et Joe Cocker en 1969. Malgré tout nos secrets resteront bien gardés (Louane, 2015 p. 68). J'ai trouvé dans mon carnet à spirales tout mon bonheur en lettres capitales (p.72 encore Jonaz). Il n'y a rien de plus sacrilège que brûler une lettre d'amour (Sylvie Vartan p. 107). Chaque hommage est judicieux. Je n'ai qu'un reproche à faire, l'absence de play-list à la fin du roman, franchement ça manque.
Nadine donne ses meilleures adresses et nous émoustille les papilles. Elle ressuscite les effluves du chocolat Cote d'Or dont l'odeur sucrée envahissait tout le quartier quand on descendait à la gare du Midi (p.76) avant le déménagement de l'usine en Suisse.
Evidemment, on touille son café ... et on fait son chic quand on veut se faire beau pour épater la galerie (p.80). Nous voilà en familiarité avec les expressions belges qui sont traduites si nécessaire. Les *** de fin de chapitre sont une mine. J'ai appris plein de choses. J'ignorais que la Petite tonkinoise de Joséphine Baker était familière à tous les belges. Elle confirme mon désir de prendre le Thalys pour m'entendre enfin traiter de Dikke Mite car s'agissant de mots doux je suis restée au bibele alsacien. C'est déjà ça.
Mais il n'est pas nécessaire de connaitre toutes les références pour apprécier le roman. Nadine est à l'instar de son personnage, poète, à ses heures, pas perdues, car elles ne le sont jamais quand on ronronne les mots (p. 14). Elle a toujours ... un petit rêve à tremper dans les illusions du jour. Regarder les gens pressés courir vers ce qui va les tuer lentement : le train-train quotidien. L'ennui est une mante religieuse. Et a passé sa vie à lui échapper (p. 11).
Je lui attribue les pensées qu'elle place dans la bouche de son personnage car je sais bien qu'elle se cache (à peine) derrière lui. Marcher le nez au vent t'amène à penser à des tas de choses. Ici à Bruxelles, ils diraient que je fais du stoemp avec les mots (p.114 ).
Il y a beaucoup de poésie dans son écriture. Mais aussi du surnaturel et du fantastique, ... en toute logique quand on connait ses goûts cinématographiques. Elle fait dire à Nestor Burma : la vraie sagesse est d'accepter que l'impensable soit possible (p.151) et elle le démontre.
L'intrigue démarre au cours d’une soirée, quand Nestor rencontre la petite amie de Léo Straum, condamné à 26 ans de réclusion pour être accusé d’avoir assassiné ses parents et sa soeur. Il s’est réveillé au milieu de leurs cadavres et déclare ne plus se souvenir de rien. Il parait pourtant que dans la famille Straum, tout le monde s’aimait et baignait dans le bonheur avant de baigner dans le sang. Burma décidera de fourrer son nez dans cette histoire d'amour contrarié. Quand on perd ceux qui comptent le plus pour nous et qu'on s'aime, on peut encore avoir l'espoir de les retrouver là-haut. Mais s'ils ne veulent plus vous parler, c'est fini pour toujours (p.104).
La découverte d'une plante mexicaine (que je ne connais pas malgré la fréquence de mes séjours dans ce pays), la salvia, dite sauge des devins, qui pousse dans les forêts tropicales et qui est la seule substance naturelle connue qui peut faire vivre, à doses élevées, des expériences de décorporation, voire même une dissolution de l'ego (p.55) le mettra sur une piste.
Mais la résolution sera complexe : Un meurtre c'est la conséquence de pleins d'actes qui viennent de toutes parts, pas seulement du tueur. C'est un effet dominos et le monsieur le sait très bien, n'est-ce-pas ? Mon frère n'a pas de sang sur les mains, mais il en a sur le coeur (p.150).
On suivra dans des quartiers sombres un Nestor convaincu que les lieux sont imprégnés de l'âme de ceux qui y ont vécu et qui croit aux maisons hantées. (...) si le bonheur est contagieux, la poisse l'est bien plus encore (p.59). Nadine a raison : L'enfer est une épicerie avec des bocaux remous de bonbons fourrés au néant (p.175).
Le détective viendra à bout de l'affaire en composant parfois avec la loi. Il entretient d'assez mauvais rapports avec la police officielle, toujours prête à le soupçonner. Il est plus jeune mais son caractère n'a pas changé. Il peut choquer à l'occasion, prêt à chourer une baignoire sabot : Elle irait bien chez moi. Faudra que je pense à demander à des potes truands de venir la piquer la nuit avec leur camionnette (p. 64). Ce qui le retiendra ce ne sera pas la morale mais la distance depuis son domicile parisien.
Il a conservé son franc-parler, sa séduction et son propre code d'honneur, devenant sous la plume de Nadine un brin un philosophe, ... (p. 54) Il m'a fallu des années, -et encore je ne suis pas guéri- pour pouvoir m'asseoir dans un fauteuil en plein jour et lire un bon bouquin sans me sentir inutile ou coupable de "ne rien faire", marqué à vie par l'obligation de travailler depuis l'enfance, quand son père lui reprochait ses lectures d'un : T'as pas autre chose à foutre ?
J'ai moi aussi entendu pareille critique et j'aime aussi Nadine pour sa manière de nous alléger de nos fantômes. Je l'apprécie aussi pour son humour que je perçois jusque dans les remerciements à son petit chien Léon (un adorable toutou) et à ses enfants avec une formule que je pourrais (mais oui) reprendre à mon compte : merci à mes fils que j'adore même s'ils ne lisent pas toujours mes livres, je les écris aussi pour eux.
J'aime toute entière Nadine Monfils à l'instar de son affection pour les Belges qu'elle nous dit indomptables. C'est pour ça que je les aime. Sont pas dans le moule, n'ont pas d'étiquette. Ce sont des gens simples, gentils, souvent très talentueux dans plein de domaines, parce que libres (p.17).
L'enquête devient un remake de who's who autour d'Arno, Stromae, Viktor Lazlo (que j'ai reçue au micro de Needradio), d'Annie Cordy (p.30), et de peintres dont le plus grand pour elle est Léon Spilliaert qu'elle me donne envie de découvrir, moi qui suis restée bloquée sur l'homme au chapeau boule (Magritte).
Sans oublier le plus grand des poètes wallons (et je l'approuve encore), Julos Beaucarne dont son Burma a épinglé une citation au-dessus de son bureau, histoire de garder les pieds sur terre : A force de péter trop haut, le cul prend la place du cerveau.
Il sera aussi question de bonheur. Le mode d'emploi, Nestor en trouve la recette dans un livre "pour nanas" : Débarrassez-vous de toutes ces choses qui ne signifient plus rien pour vous (p.70).
Je vous en ai beaucoup dit, je vous laisse, j'ai mis en route un stoemp et une chose comme ça n'attendra pas.
Les nouvelles enquêtes de Nestor Burma - Crimes dans les Marolles de Nadine Monfils, French Pulp éditions
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