Le désir attrapé par la queue a été écrit par Pablo Picasso en janvier 1941, en pleine Seconde guerre mondiale, alors que les préoccupations des Français étaient focalisées sur la faim, le froid, l'amour, l'éloignement des amis et ... bien entendu aussi l'occupation allemande.
Le Musée des Armées a programmé quelques représentations les samedi et dimanche (voir horaires à la fin de l'article) en écho à l'exposition Picasso et la guerre. J'ai assisté à une avant-première dans des conditions particulières puisque juste après, alors que nous étions en pleine découverte de l'exposition j'ai été prévenue de l'incendie de Notre-Dame.
Nous étions quasiment devant la reproduction du tableau de Guernica qui fait référence à l'horreur de la destruction de la ville. J'avoue avoir eu du mal à me concentrer ensuite sur cette exposition que je reviendrai voir parce qu'elle a de quoi passionner les visiteurs. Je vais néanmoins m'efforcer de retracer l'essentiel de la proposition artistique de l'Hôtel national des Invalides.
Le désir attrapé par la queue
On connait Picasso peintre, également sculpteur. On le devine poète mais on sait moins qu'il a écrit deux pièces de théâtre, certes fort peu jouées. C'est donc une excellente idée de présenter Le désir attrapé par la queue, d'abord parce qu'elle est très peu connue, ensuite parce qu'elle s'inscrit dans le thème de l'exposition et enfin parce qu'elle est savoureuse pour peu qu'on apprécie le surréalisme, le second degré, la dérision.
L'acoustique de la très belle Salle Turenne (où j'étais déjà venue pour un défilé de haute-couture), est difficile pour un orateur, mais les comédiens sont tout à fait intelligibles sur la scène improvisée au centre de la pièce, par leur talent et sans doute aussi la mise en scène fougueuse et astucieuse de Thierry Harcourt qui les fait occuper tout l'espace disponible en l'ouvrant sur trois cotés. La partie chantée est elle aussi très réussie.
Il est parti de la photo de la lecture faite par Brassaï et dans une mise en scène d’Albert Camus, qui a eu lieu dans l'atelier des Grands-Augustins de Picasso le 16 Juin 1944 en l'honneur de Max Jacob mort au camp le 5 mars 1944 (photo © RMN-Grand Palais / Brassaï).
On se surprend à oublier Delphine Depardieu pour ne voir que Simone de Beauvoir. Stephan Peyran est un Jean-Paul Sartre tout à fait crédible, à l'instar de Laurent Arcaro en Albert Camus. On connait moins le physique de Raymond Queneau mais Axel Blind ne démérite en rien. Quant à Robin Betchen, le doute est impossible. Il est Pablo Picasso.
Son rôle est central et Thierry Harcourt l'a doté de quelques répliques de présentation des personnages et de l’action afin de placer le spectateur dans les meilleures prédispositions pour trouver du sens à ce théâtre dit de l'absurde.
Les costumes ont été habilement conçus pour évoquer l'époque et les personnages.
Le texte est difficile car il a été écrit sans ponctuation, selon le principe de l’écriture automatique. Une double-page est révélée dans l'exposition temporaire. Il a probablement été long à apprendre mais les comédiens l'ont restitué sans faillir. Ce qui pourrait sembler n'avoir ni queue ni tête est devenu un moment poétique et ... savoureux où les aliments deviennent des personnages, comme Mironton ou Bourguignon, la Tarte, ou l'Oignon ... qui réciproquement vont s'aimer ou se dévorer.
On peut y voir une farce. C'est bien davantage. En acceptant d'entrer dans la pensée décalée de Picasso on se surprend à effectuer -a posteriori- semblable acte de résistance et les derniers mots prennent tout leur sens : Lançons de toutes nos forces des vols de colombe contre les balles !
A chacun ses démons. Ceux de l'époque étaient allemands.
Le désir attrapé par la queue, une pièce de Pablo PicassoNous étions quasiment devant la reproduction du tableau de Guernica qui fait référence à l'horreur de la destruction de la ville. J'avoue avoir eu du mal à me concentrer ensuite sur cette exposition que je reviendrai voir parce qu'elle a de quoi passionner les visiteurs. Je vais néanmoins m'efforcer de retracer l'essentiel de la proposition artistique de l'Hôtel national des Invalides.
Le désir attrapé par la queue
On connait Picasso peintre, également sculpteur. On le devine poète mais on sait moins qu'il a écrit deux pièces de théâtre, certes fort peu jouées. C'est donc une excellente idée de présenter Le désir attrapé par la queue, d'abord parce qu'elle est très peu connue, ensuite parce qu'elle s'inscrit dans le thème de l'exposition et enfin parce qu'elle est savoureuse pour peu qu'on apprécie le surréalisme, le second degré, la dérision.
L'acoustique de la très belle Salle Turenne (où j'étais déjà venue pour un défilé de haute-couture), est difficile pour un orateur, mais les comédiens sont tout à fait intelligibles sur la scène improvisée au centre de la pièce, par leur talent et sans doute aussi la mise en scène fougueuse et astucieuse de Thierry Harcourt qui les fait occuper tout l'espace disponible en l'ouvrant sur trois cotés. La partie chantée est elle aussi très réussie.
Il est parti de la photo de la lecture faite par Brassaï et dans une mise en scène d’Albert Camus, qui a eu lieu dans l'atelier des Grands-Augustins de Picasso le 16 Juin 1944 en l'honneur de Max Jacob mort au camp le 5 mars 1944 (photo © RMN-Grand Palais / Brassaï).
On se surprend à oublier Delphine Depardieu pour ne voir que Simone de Beauvoir. Stephan Peyran est un Jean-Paul Sartre tout à fait crédible, à l'instar de Laurent Arcaro en Albert Camus. On connait moins le physique de Raymond Queneau mais Axel Blind ne démérite en rien. Quant à Robin Betchen, le doute est impossible. Il est Pablo Picasso.
Son rôle est central et Thierry Harcourt l'a doté de quelques répliques de présentation des personnages et de l’action afin de placer le spectateur dans les meilleures prédispositions pour trouver du sens à ce théâtre dit de l'absurde.
Les costumes ont été habilement conçus pour évoquer l'époque et les personnages.
Le texte est difficile car il a été écrit sans ponctuation, selon le principe de l’écriture automatique. Une double-page est révélée dans l'exposition temporaire. Il a probablement été long à apprendre mais les comédiens l'ont restitué sans faillir. Ce qui pourrait sembler n'avoir ni queue ni tête est devenu un moment poétique et ... savoureux où les aliments deviennent des personnages, comme Mironton ou Bourguignon, la Tarte, ou l'Oignon ... qui réciproquement vont s'aimer ou se dévorer.
On peut y voir une farce. C'est bien davantage. En acceptant d'entrer dans la pensée décalée de Picasso on se surprend à effectuer -a posteriori- semblable acte de résistance et les derniers mots prennent tout leur sens : Lançons de toutes nos forces des vols de colombe contre les balles !
A chacun ses démons. Ceux de l'époque étaient allemands.
Mise en scène Thierry Harcourt
Avec Delphine Depardieu, Axel Blind, Laurent Arcaro, Stephan Peyran et Robin Betchen
A l'Hôtel national des Invalides, salle Turenne
A partir du 13 avril 2019Les samedi et les dimanche à12h30/14h30/16h30
L'exposition Picasso et la guerre
Celle-ci s'effectue (comment aurait-il pu en être autrement ?) en partenariat avec le Musée Picasso-Paris et la visite guidée par Isabelle Limousin, conservatrice du patrimoine, chef du département expert et inventaire, m'a appris énormément de choses ... jusqu'à ce que mon attention soit perturbée par la catastrophe qui ne cessait de faire vibrer mon téléphone dans ma poche.
J'ai alors cessé de prendre des notes. Le compte-rendu en sera appauvri mais, quoiqu'il en soit, je vous recommande une visite commentée parce que les rapprochements entre les oeuvres et l'actualité de l'époque méritent d'être largement d'être précisés. Car le parcours est ponctué de plus de 330 objets, dont 120 oeuvres, mais aussi des pièces d'archives, des photos d'archives et des "militeria" (comme un uniforme, un casque, une arme).
1- La fabrique de la peinture d'histoire :
Le jeune Pablo sera d'abord formé par son père, José Ruiz y Blasco (1838-1913), puis dans différentes écoles et académies des Beaux-Arts (La Corogne, Barcelone, Madrid). Il suivra l’enseignement classique d’un artiste son époque où prédomine la peinture d’histoire.
Picasso, petit, devait considérablement s'ennuyer. Il dessinait des militaires sur ses livres d'école, comme en témoigne ces Deux soldats à cheval et une tourelle, La Corogne, vers 1894, Barcelone, Museu Picasso, donation Pablo Picasso, 1970.
Exempté de l’obligation de service militaire, il arrive à Paris en 1900, au moment de l’Exposition universelle. Il s'affirme tout de suite comme pacifiste et prend parti pour les anarchistes espagnols en signant cette année-là le Manifeste de la colonie espagnole résidant à Paris.
2- En marge de la Première Guerre Mondiale :
Alors que les prémices du premier conflit mondial touchent les Balkans en 1912, la guerre frappe pendant l’été 1914 la France où Picasso réside désormais. Ses plus proches amis partent au front. Il va leur écrire, par exemple à Guillaume Apollinaire, (cf. lettre du 31 décembre 1914, Paris, Musée national Picasso-Paris, don William Mc Carthy-Cooper, 1985) ... qui sera blessé à la tête au Bois des Buttes par un éclat d'obus dont la marque se voit nettement sur le casque qui est présenté en vitrine. Il dira qu'il lui a sauvé la vie en mars 1916.
Il est absorbé par les recherches formelles menées sur le cubisme, la figuration d’inspiration cézannienne, puis pointilliste, où la guerre surgit parfois. Dès l’automne 1912, il insère des coupures de journaux relatives au conflit balkanique dans certains de ses papiers collés. (Bouteille et journal, 1913, Dublin, National Gallery of Ireland, Bequeathed Evie Hone).
Au fil des mois, la figure d’Arlequin, déjà présente pendant la période rose principalement, s’impose à nouveau dans son art de diverses manières, à l'instar de cet Entoilage d’avion allemand, 1918, Meaux, Musée de la Grande Guerre du pays de Meaux ©Musée de la Grande Guerre de Meaux/Y.Marques.
3- De l'inaudible à l'indicible : Guernica :
La relation amoureuse qu’il entretient avec la photographe et militante antifasciste Dora Maar (La Femme qui pleure, Paris, 18 octobre 1937, Paris, Musée national Picasso-Paris, dation Pablo Picasso) à partir de 1935, l’engage à soutenir le Front populaire en France, puis surtout du Frente Popular en Espagne. La guerre d’Espagne, terrible annonce du conflit mondial à venir, signifie aussi pour Picasso un exil définitif hors de sa terre natale. Nommé à la direction du musée du Prado à Madrid, il peint, à la suite du bombardement de Guernica, une toile monumentale portant son nom. Plusieurs études préparatoires sont présentées dans l'exposition.
Étude pour le cheval (II). Dessin préparatoire pour « Guernica », Paris, 1er mai 1937, Madrid, Museo Nacional Centro de Arte Reina Sofia.
Anonyme, La ville de Guernica en ruines après le bombardement du 26 avril 1937, Paris, Musée national Picasso-Paris, don Succession Picasso, 1992
4- La guerre dans l'atelier :
La Seconde Guerre mondiale constitue un moment de repli pour Picasso qui retourne à Paris, dans son atelier des Grands-Augustins où il demeure pendant toute la durée de l’Occupation, pour y peindre, inviter ses proches et la communauté espagnole et écrire ... par exemple Le désir attrapé par la queue dont on nous montre le manuscrit.
J'ai évidemment pensé à ce moment là à la pièce créée au Studio Hébertot en novembre dernier, Un Picasso au cours de laquelle on témoignait de la difficulté de l'artiste à résister aux nazis qui avaient qualifié l’art moderne, et le sien en particulier, de "dégénéré".
On peut aussi penser que les restrictions dues à la guerre ont contraint l'artiste à encore davantage d'ingéniosité en employant des matériaux de récupération, tubes de carton, ficelle, morceaux de fer ...
5- Camarade Picasso :
L'artiste devient une célébrité à la Libération et adhère au Parti communiste français. Comme d'autres concitoyens la paix deviendra un de ses thèmes de prédilection, même si ici le coq remplace la colombe (Coq tricolore à la croix de Lorraine, Paris, printemps 1945, Paris, Musée national Picasso-Paris, dation Pablo Picasso, 1979).
6- Contre la guerre, pour la paix :
Le motif de la colombe est décliné sous des formes variées et connaît une diffusion internationale. A ce titre la photo prise par Brassaï (Gyula Halász) (1899-1984), intitulée Colombe sur une marche d’escalier de l’atelier des Grands-Augustins, Paris, 12 octobre 1943, Paris, Musée national Picasso-Paris.
Installé maintenant à Vallauris, Picasso réalise, en 1952, deux ensembles de panneaux, où guerre et paix se font face, pour l’ancienne chapelle du château de la ville transformée en chapelle de la guerre et de la paix. Et en 1958, il compose La Chute d’Icare pour le nouveau siège de l’UNESCO.
7- Peinture d'histoire, l'histoire en peinture :
Picasso puisera aussi une inspiration renouvelée dans l’œuvre de Poussin, David, Goya, Delacroix et Manet, et recourt à la peinture d’histoire aux grandes heures de sa faveur alors que des conflits débutent, en particulier pendant la guerre froide et à l’occasion de la décolonisation.
Si des œuvres ne sont pas à proprement parler engagées, elles inscrivent l’art de Picasso dans la tradition picturale classique et confèrent, par le biais de la réinterprétation, une distance au tragique des événements. C'est le cas de ce Massacre en Corée, Vallauris, 18 janvier 1951, Paris, Musée national Picasso-Paris, dation Pablo Picasso, 1979.
Un dispositif multimédia, réalisé avec le concours du CIC, retrace, sous forme de films courts, les principaux conflits contemporains pour aider le spectateur à s’imprégner des événements qui ont nourri l’œuvre de Picasso.
A la fin du parcours on a compris combien la relation de Picasso à la guerre est complexe. A commencer d'ailleurs par sa position car il sera toute sa vie Espagnol résidant en France puisqu'on lui refusera la nationalité française. Plusieurs documents démontrent ses efforts à devenir néanmoins français.
Né en 1881 et mort en 1973, il aura été le contemporain de conflits majeurs qu'il a vécu en tant que civil mais en s'impliquant artistiquement. Il aura touché ses contemporains par son œuvre et ses moyens picturaux, au-delà des cercles artistiques, et une de ses oeuvres est devenue indissociable de l’histoire de son époque, Guernica. La toile monumentale peinte par l’artiste dans les jours qui suivent le bombardement de la ville basque, le 26 avril 1937, scinde le siècle de Picasso en deux : dans sa relation à la guerre, il y a un avant et un après Guernica.
Le musée organise aussi des concerts, un cycle cinématographique et, plus étonnant sans doute une master-class culinaire (à partir de 8 ans) "Cuisiner en temps de guerre avec le chef étoilé Alain Passard" et cette rencontre promet d'être enthousiasmante quand on connait comme moi la personnalité de ce chef qui sublime les légumes.
Le chef triplement étoilé du restaurant L’Arpège (Paris), proposera de dialoguer avec les œuvres de Picasso évoquant le manque de nourriture dans le prestigieux grand salon, habituellement fermé au public. Le chef y réinterprétera un légume ou une recette issue de l’ouvrage Cuisine et restrictions d’Édouard de Pomiane, livre emblématique de la Seconde Guerre mondiale présenté dans l’exposition. Les mardis 9 avril, 14 mai, 4 juin, 2 juillet à 18h30.
Profitez enfin de votre venue au musée de l’Armée pour visiter les collections permanentes. Il conserve l’une des collections d’histoire militaire les plus riches au monde avec près de 500 000 pièces, de l’âge du Bronze au XXIe siècle. Occupant une place privilégiée au cœur d’un des plus éminents monuments parisiens, l’Hôtel national des Invalides abrite aussi le tombeau de Napoléon Ier dont la statue surveille toujours la cour intérieure depuis le second étage.
Musée de l'Armée, Hôtel national des InvalidesJ'ai alors cessé de prendre des notes. Le compte-rendu en sera appauvri mais, quoiqu'il en soit, je vous recommande une visite commentée parce que les rapprochements entre les oeuvres et l'actualité de l'époque méritent d'être largement d'être précisés. Car le parcours est ponctué de plus de 330 objets, dont 120 oeuvres, mais aussi des pièces d'archives, des photos d'archives et des "militeria" (comme un uniforme, un casque, une arme).
Picasso (1881-1973) a été le contemporain d'une douzaine de conflits majeurs et armés, de la guerre d’indépendance cubaine à la guerre du Vietnam qui s’achève deux ans après son décès, en passant bien entendu par la Guerre d'Espagne et les deux Guerres mondiales. Néanmoins il n’a paradoxalement jamais participé activement à une guerre, ni même été soldat, contrairement à ce que laisserait supposer l'immense tirage photographique qui accueille le visiteur, prise par George Braque (1882-1963), Portrait de Picasso portant l’uniforme de Braque, Paris, 1911, Paris, Musée national Picasso-Paris.
Les deux artistes avaient posé successivement dans le même uniforme. On remarque que la veste est trop grande pour le peintre qui, ... pour une fois ne regarde pas l'objectif. Le peintre deviendra une icône du pacifisme. C'est sans hasard que la colombe sera un de ses symboles.
Une visite commentée de cette exposition d'art et d'histoire permettra de rentrer dans la recontextualisation des oeuvres en déroulant un fil chronothématique composé de 7 parties.
Une visite commentée de cette exposition d'art et d'histoire permettra de rentrer dans la recontextualisation des oeuvres en déroulant un fil chronothématique composé de 7 parties.
1- La fabrique de la peinture d'histoire :
Le jeune Pablo sera d'abord formé par son père, José Ruiz y Blasco (1838-1913), puis dans différentes écoles et académies des Beaux-Arts (La Corogne, Barcelone, Madrid). Il suivra l’enseignement classique d’un artiste son époque où prédomine la peinture d’histoire.
Picasso, petit, devait considérablement s'ennuyer. Il dessinait des militaires sur ses livres d'école, comme en témoigne ces Deux soldats à cheval et une tourelle, La Corogne, vers 1894, Barcelone, Museu Picasso, donation Pablo Picasso, 1970.
Exempté de l’obligation de service militaire, il arrive à Paris en 1900, au moment de l’Exposition universelle. Il s'affirme tout de suite comme pacifiste et prend parti pour les anarchistes espagnols en signant cette année-là le Manifeste de la colonie espagnole résidant à Paris.
2- En marge de la Première Guerre Mondiale :
Alors que les prémices du premier conflit mondial touchent les Balkans en 1912, la guerre frappe pendant l’été 1914 la France où Picasso réside désormais. Ses plus proches amis partent au front. Il va leur écrire, par exemple à Guillaume Apollinaire, (cf. lettre du 31 décembre 1914, Paris, Musée national Picasso-Paris, don William Mc Carthy-Cooper, 1985) ... qui sera blessé à la tête au Bois des Buttes par un éclat d'obus dont la marque se voit nettement sur le casque qui est présenté en vitrine. Il dira qu'il lui a sauvé la vie en mars 1916.
Il est absorbé par les recherches formelles menées sur le cubisme, la figuration d’inspiration cézannienne, puis pointilliste, où la guerre surgit parfois. Dès l’automne 1912, il insère des coupures de journaux relatives au conflit balkanique dans certains de ses papiers collés. (Bouteille et journal, 1913, Dublin, National Gallery of Ireland, Bequeathed Evie Hone).
Au fil des mois, la figure d’Arlequin, déjà présente pendant la période rose principalement, s’impose à nouveau dans son art de diverses manières, à l'instar de cet Entoilage d’avion allemand, 1918, Meaux, Musée de la Grande Guerre du pays de Meaux ©Musée de la Grande Guerre de Meaux/Y.Marques.
3- De l'inaudible à l'indicible : Guernica :
La relation amoureuse qu’il entretient avec la photographe et militante antifasciste Dora Maar (La Femme qui pleure, Paris, 18 octobre 1937, Paris, Musée national Picasso-Paris, dation Pablo Picasso) à partir de 1935, l’engage à soutenir le Front populaire en France, puis surtout du Frente Popular en Espagne. La guerre d’Espagne, terrible annonce du conflit mondial à venir, signifie aussi pour Picasso un exil définitif hors de sa terre natale. Nommé à la direction du musée du Prado à Madrid, il peint, à la suite du bombardement de Guernica, une toile monumentale portant son nom. Plusieurs études préparatoires sont présentées dans l'exposition.
Étude pour le cheval (II). Dessin préparatoire pour « Guernica », Paris, 1er mai 1937, Madrid, Museo Nacional Centro de Arte Reina Sofia.
Anonyme, La ville de Guernica en ruines après le bombardement du 26 avril 1937, Paris, Musée national Picasso-Paris, don Succession Picasso, 1992
4- La guerre dans l'atelier :
La Seconde Guerre mondiale constitue un moment de repli pour Picasso qui retourne à Paris, dans son atelier des Grands-Augustins où il demeure pendant toute la durée de l’Occupation, pour y peindre, inviter ses proches et la communauté espagnole et écrire ... par exemple Le désir attrapé par la queue dont on nous montre le manuscrit.
J'ai évidemment pensé à ce moment là à la pièce créée au Studio Hébertot en novembre dernier, Un Picasso au cours de laquelle on témoignait de la difficulté de l'artiste à résister aux nazis qui avaient qualifié l’art moderne, et le sien en particulier, de "dégénéré".
On peut aussi penser que les restrictions dues à la guerre ont contraint l'artiste à encore davantage d'ingéniosité en employant des matériaux de récupération, tubes de carton, ficelle, morceaux de fer ...
5- Camarade Picasso :
L'artiste devient une célébrité à la Libération et adhère au Parti communiste français. Comme d'autres concitoyens la paix deviendra un de ses thèmes de prédilection, même si ici le coq remplace la colombe (Coq tricolore à la croix de Lorraine, Paris, printemps 1945, Paris, Musée national Picasso-Paris, dation Pablo Picasso, 1979).
Le motif de la colombe est décliné sous des formes variées et connaît une diffusion internationale. A ce titre la photo prise par Brassaï (Gyula Halász) (1899-1984), intitulée Colombe sur une marche d’escalier de l’atelier des Grands-Augustins, Paris, 12 octobre 1943, Paris, Musée national Picasso-Paris.
Installé maintenant à Vallauris, Picasso réalise, en 1952, deux ensembles de panneaux, où guerre et paix se font face, pour l’ancienne chapelle du château de la ville transformée en chapelle de la guerre et de la paix. Et en 1958, il compose La Chute d’Icare pour le nouveau siège de l’UNESCO.
7- Peinture d'histoire, l'histoire en peinture :
Picasso puisera aussi une inspiration renouvelée dans l’œuvre de Poussin, David, Goya, Delacroix et Manet, et recourt à la peinture d’histoire aux grandes heures de sa faveur alors que des conflits débutent, en particulier pendant la guerre froide et à l’occasion de la décolonisation.
Si des œuvres ne sont pas à proprement parler engagées, elles inscrivent l’art de Picasso dans la tradition picturale classique et confèrent, par le biais de la réinterprétation, une distance au tragique des événements. C'est le cas de ce Massacre en Corée, Vallauris, 18 janvier 1951, Paris, Musée national Picasso-Paris, dation Pablo Picasso, 1979.
Un dispositif multimédia, réalisé avec le concours du CIC, retrace, sous forme de films courts, les principaux conflits contemporains pour aider le spectateur à s’imprégner des événements qui ont nourri l’œuvre de Picasso.
A la fin du parcours on a compris combien la relation de Picasso à la guerre est complexe. A commencer d'ailleurs par sa position car il sera toute sa vie Espagnol résidant en France puisqu'on lui refusera la nationalité française. Plusieurs documents démontrent ses efforts à devenir néanmoins français.
Né en 1881 et mort en 1973, il aura été le contemporain de conflits majeurs qu'il a vécu en tant que civil mais en s'impliquant artistiquement. Il aura touché ses contemporains par son œuvre et ses moyens picturaux, au-delà des cercles artistiques, et une de ses oeuvres est devenue indissociable de l’histoire de son époque, Guernica. La toile monumentale peinte par l’artiste dans les jours qui suivent le bombardement de la ville basque, le 26 avril 1937, scinde le siècle de Picasso en deux : dans sa relation à la guerre, il y a un avant et un après Guernica.
Le musée organise aussi des concerts, un cycle cinématographique et, plus étonnant sans doute une master-class culinaire (à partir de 8 ans) "Cuisiner en temps de guerre avec le chef étoilé Alain Passard" et cette rencontre promet d'être enthousiasmante quand on connait comme moi la personnalité de ce chef qui sublime les légumes.
Le chef triplement étoilé du restaurant L’Arpège (Paris), proposera de dialoguer avec les œuvres de Picasso évoquant le manque de nourriture dans le prestigieux grand salon, habituellement fermé au public. Le chef y réinterprétera un légume ou une recette issue de l’ouvrage Cuisine et restrictions d’Édouard de Pomiane, livre emblématique de la Seconde Guerre mondiale présenté dans l’exposition. Les mardis 9 avril, 14 mai, 4 juin, 2 juillet à 18h30.
Profitez enfin de votre venue au musée de l’Armée pour visiter les collections permanentes. Il conserve l’une des collections d’histoire militaire les plus riches au monde avec près de 500 000 pièces, de l’âge du Bronze au XXIe siècle. Occupant une place privilégiée au cœur d’un des plus éminents monuments parisiens, l’Hôtel national des Invalides abrite aussi le tombeau de Napoléon Ier dont la statue surveille toujours la cour intérieure depuis le second étage.
129, rue de Grenelle - 75007 Paris - 01 44 42 38 77
Du 5 avril au 28 juillet 2019
Du lundi au vendredi de 10h à 18h Nocturne le mardi jusqu’à 21h30
Samedi et dimanche de 10h à 19h.
Picasso et la guerre
Commissariat :
Laëtitia Desserrières, chargée des collections de dessins au département iconographie
Clotilde Forest, documentaliste au département expert et inventaire
Vincent Giraudier, chef du département historial Charles de Gaulle
Isabelle Limousin, conservatrice du patrimoine, chef du département expert et inventaire
Pour les familles, scolaires et étudiants : jeunes@musee-armee.fr Adultes : contact@cultival.fr 0825 05 44 05
Des ateliers et visites nombreuses sont prévues, par exemple avec conférencier à réserver à : contact@cultival.fr ou 0 825 05 44 05
Ou privilège de 1h30 en français avec les commissaires sur réservation uniquement sur internet les jeudi 11 et 18 avril, 16 et 23 mai, 6 et 20 juin, 4 et 18 juillet à 18h30
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire