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vendredi 19 avril 2019

Fragonard, les collections du parfumeur s'enrichissent rue Scribe

Le Musée du Parfum rouvre après plusieurs mois de travaux de rénovation et d'agrandissement. La nouvelle scénographie met en valeur avec intelligence des collections exceptionnelles d'appareils de parfumerie et de flacons de parfum, de tableaux et d'objets de curiosité, en incluant de très nombreuses acquisitions récentes.

Guidé par l’envie de faire partager à un public l’immense collection d’objets de parfumerie retraçant plus de 3000 ans d’histoire, Jean-François Costa, le père des dirigeantes actuelles, avait ouvert en 1983 ce premier musée parisien tout en engageant dans le même temps la modernisation de l’entreprise. Grand amateur d’art, il réunit au cours des années soixante-dix ses collections d’objets de parfumerie pour donner naissance à plusieurs musées à Grasse et à Paris.

Pour ce faire, il avait choisi un très bel hôtel particulier, construit en 1860, par un élève de Charles Garnier, et situé en face de l’Opéra. Chargé d’histoire et marqué par le style Second Empire, cet appartement d'apparat est un écrin somptueux pour recevoir dans ses vitrines flacons anciens, brûle-parfums, nécessaires de voyage, objets rares et précieux ayant pour dénominateur commun le monde merveilleux des senteurs.

Il existe trois musées à Paris et un à Grasse. La collection se trouve donc dispersée entre les quatre établissements. Le présent article concerne celui du 9 rue Scribe, qui est le premier à avoir vu le jour.

On y accueille amateurs et passionnés pour une visite guidée (gratuite, c'est à souligner) à la découverte de son extraordinaire histoire de l’Antiquité à nos jours. Le public étant nombreux, comme on peut l'imaginer, vous serez dirigé vers un des deux parcours de visite, que j'ai suivis (un peu au pas de course) le soir de la réouverture. Les photos qui illustrent l'article peuvent indifféremment avoir été prises d'ans l'une ou l'autre partie, sachant que, même s'ils sont différents, et que les collections historiques ne se répètent pas, ils retracent chacun de semblables aspects.

Plusieurs types de visites et conférences sont organisées et je vous encourage à consulter le site de la maison. Il faut souligner l'extrême compétence et l'étendue des connaissances du personnel assurant ces visites, et qui m'ont donné l'envie de revenir pour en apprendre davantage sur cet univers. En voici quelques bribes :
Fondée en 1926, la Parfumerie Fragonard est une Maison familiale dotée d’un savoir-faire traditionnel français unique. Et c'est dans l'atmosphère du salon d'apparat destiné à montrer sa richesse à ses invités que commence la visite, après avoir monté un escalier où sont accrochés les portraits d'une famille bourgeoise, là encore pour impressionner le visiteur.
Tous les éléments de décoration ont été soigneusement restaurés, ce qui rend le parcours véritablement époustouflant.
On poursuit avec un Cabinet de curiosités dans l'esprit du XIX° siècle où les planches de botanique occupent une place essentielle.
Si on n'utilise plus de matières animales (comme le musc) depuis le XX° siècle il était essentiel de montrer dans les vitrines l'étendue de l'origine des matières employées. Une civette est visible dans le bureau du parfumeur (second parcours).
C'est sans surprise qu'on remarque des gants puisque d'une part Grasse (où se trouve la maison-mère) était initialement une ville de tanneurs et que d'autre part Catherine de Médicis introduisit en France la mode des gants parfumés.
On peut dater cette huile sur toile de 1720 (Jeune femme au bain d'André Bouys, né à Hyères, vers 1656, mort à Paris en 1740). Les femmes portaient alors les cheveux courts et frisés. On se baignait dans une cuve en cuivre tapissée d'un drap pour ne pas se brûler en raison de conduction de la chaleur. Elle déguste probablement une tasse de chocolat, une denrée rare qui faisait fureur dans la bourgeoisie.
L'histoire du parfum remonte aux égyptiens communiquant avec les dieux par la fumée. On remarquera une palette à fards en forme d'oiseau stylisé, sur laquelle on broyait les pigments utilisés pour le maquillage, datant de 3500 ans avant JC. Plus loin un miroir en bronze est un des objets qui accompagnait les défunts dans la tombe. Plus tard les huiles parfumées seront censées protéger les guerriers pendant les combats.
De nombreuses pièces sont uniques et exceptionnelles comme un nécessaire à parfum (d'acquisition toute récente) en forme de livre, recouvert de maroquin rouge, frappé des armes de Maire-Antoinette sur la tranche. Un portrait de la reine est présenté juste au-dessu de cet objet. Elle fut la première à lancer des tendances, en quelque sorte ... la mode. Les boites à mouche étaient essentielles pour cacher les imperfections du visage suite à une variole. Plus tard elle deviendront des éléments de maquillage. De nombreux objets sont très rares, comme ce coffret de barbier, provenant du Portugal.
L'exposition est très didactique. On apprend que le terme de pot-pourri provient du fait que les fleurs macéraient dans de l'eau salée jusqu'à ... y pourrir. L'essor de la parfumerie s'opérera grâce aux essences synthétiques. On remarquera la délicatesse des flacons en verre soufflé qui ont permis de produire en plus grande quantité. Les premiers flacons de joailliers apparaissent au XVII° siècle, avec l'énorme avantage qu'ils sont enfin hermétiques. La collaboration entre des maitres verriers comme Lalique ou des artistes comme Dali permettra la naissance d'objets remarquables, parmi lesquels on peut en voir de très étonnants comme celui-ci en forme de bague.
Mais aussi celui de l'emblématique Belle de nuit. C'est une composition originale, créée en 1946, qui associe fleurs odorantes et fruit dans un accord riche et profond, soutenu d’un fond chaud et velouté de musc. Une senteur magique et précieuse… comme la mille et unième nuit !
L'espace muséal est conçu comme une promenade et fait longer le jardin d'hiver.  Un couloir présente des étiquettes qui n'apparaitront qu'au XX°siècle. Là encore le public découvrira de nombreux spécimens. Une carte récapitule les productions florales dispersées dans le monde, dont 5 françaises : rose de mai, fleur d'oranger, jasmin, lavande et mimosa.
Le parcours se poursuit dans une salle qui souligne l'importance de la cueillette des fleurs. Un imposant dispositif autour des alambics rappelle d'anciennes techniques comme l'enfleurage à froid du jasmin, très longue et couteuse puisque chaque fleur devait être déposée à la main sur un mélange de graisse de porc et de bœuf, stabilisée avec du benjoin. Il fallait en moyenne à peu près 3 kilos de fleurs pour qu’un kilo de graisse soit saturé en extrait de parfum. Le coût exorbitant de cette méthode a contribué à son abandon.
On pratique aujourd'hui par macération, filtration et distillation mais les quantités de fleurs restent impressionnantes. Il est nécessaire de traiter trois tonnes de fleurs pour obtenir un litre d'essence.
Adossé sur le mur, un orgue à parfum rappelle comment travaillait le "nez", pour déterminer les notes de tête, de coeur et de fond, un peu à l'instar d'un musicien, même si là encore la pratique a considérablement évolué. Trois écoles forment actuellement à cette discipline. Et le visiteur peut s'exercer à reconnaitre quelques senteurs.
C’est peu de temps avant la première guerre mondiale qu’Eugène Fuchs, entrepreneur dans l’âme et déjà conquis par la magie du parfum, décide de créer sa propre entreprise en s’appuyant sur un concept tout à fait nouveau, celui de la vente directe de produits parfumés aux touristes qui commencent à découvrir les charmes de la Riviera. Ainsi en 1926, la Parfumerie Fragonard voit le jour. Le choix du nom du célèbre peintre d’origine grassoise Jean-Honoré Fragonard (1732-1806) est un hommage qu’Eugène Fuchs souhaite alors rendre à la ville de Grasse qui l’a accueilli avec sa famille ainsi qu’au raffinement des arts du XVIIIe siècle.
Aujourd’hui, ce sont les filles de Jean-François Costa, Anne, Agnès et Françoise qui gèrent la destinée de la Maison. Elles développent autour des produits parfumés de la Maison Fragonard tout un univers raffiné inspiré de la Provence ou teinté d’exotisme présents dans la boutique où se termine la visite : parfums, eaux de toilette, savons, bougies, diffuseurs, mais également cosmétiques, gels douches et coffrets cadeaux.
Musée du Parfum Fragonard
Entrée gratuite – visite guidée gratuite
Pas de réservation nécessaire
Pour les groupes, réservation obligatoire à partir de 8 pers.
9 rue Scribe, 75009 Paris
Ouvert du lundi au samedi, de 9h00 à 18h00
Tél. +33 1 40 06 10 09
Email : tourisme@fragonard.com

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