La Maison des Arts a souhaité évoquer ce qui se passe dans les coulisses des musées et propose d’aborder une partie de ce que le public ne peut d’ordinaire jamais voir. Elle présente ainsi le travail des acteurs de l’ombre que sont les photographes professionnels de l’Agence photographique de la Rmn-Grand Palais chargés de photographier les oeuvres des musées nationaux dans leur mission méconnue qui existe pourtant depuis la fin du XIXe siècle.
Les photographes travaillent à l’abri des regards, entourés de leurs homologues du laboratoire chargés de réaliser les tirages des photographies et de restaurer les tirages anciens, ainsi que du nouveau pôle 3D qui est récent et qui vient d’être pérennisé.
On en perçoit l'intérêt dans la première salle du Rez-de-chaussée avec deux oeuvres. Une reproduction du tableau de Gauguin intitulé Vairumati (peint en 1897) en 3D (bien entendu pas tout à fait à l'échelle parce que cela reviendrait à faire un faux).
On remarque que le tableau est semblable à l'original jusqu’à la plissure, la moindre craquelure. Cela pose la question sur ce que va devenir l’art mais ce mode de reproduction a plusieurs intérêts. Il permet de conserver une trace plus proche de la réalité qu'une photographie. Les visiteurs pourront être autorisés à toucher, ce qui sera particulièrement utile pour des publics malvoyants.
Dans une vitrine proche on remarque le scribe accroupi, qui est présenté au musée du Louvre, à l’échelle 1 parce qu'il n'y a pas de doute possible sur la nature de la pièce qui est une reproduction. Etant en résine, il est très léger et donc facilement transportable. C'est un avantage supplémentaire de la 3D de permettre à des oeuvres précieuses de pouvoir voyager, ce qui est interdit à des oeuvres originales trop fragiles. On pourrait aussi imaginer une mise en texture supplémentaire.
De plus ce type de travail est de plus en plus utilisé par les créateurs de jeux vidéo historiques en facilitant l'incrustation de véritables œuvres d’art.
On poursuit l'exposition après avoir traversé un tirage photographique de la tenture de La dame à la licorne sous la forme d'un kakémono pour nous rendre dans la reconstitution d'un set de prise de vue. Ce travail démontre la qualité des photographies réalisées par l'Agence et créé un jeu entre les deux pans du tissu et l'ouverture de la tente représentée.
C’est toujours le photographe qui se déplace au chevet d’une œuvre et il lui faut parfois plus de 30 minutes pour installer son dispositif, toujours en dehors de la présence du public donc le soir ou le jour de fermeture. Il emploie une lampe parapluie Balcar (qui permet de produire de la lumière type lumière du jour) avec faible lux. Même s'il n’est pas du tout prouvé que le flash abîme une œuvre, le principe de précaution s’impose.
Une bande-son restitue l'ambiance de travail. En général on prend une centaine de prises de vue et ultérieurement on décidera de la meilleure en fonction du but recherché.
La mode est au fond gris depuis dix ans, même si il y a plusieurs nuances de gris possible. On voit ici François Ier en armure dans un moulage du XIX° siècle qui a été prêté pour l’occasion.
Cette exposition est autant artistique que technique. Elle explique beaucoup de choses au public, par exemple quelles sont les typologies d'oeuvres d'art : peinture (incluant les vitraux parce qu'ils sont teintés dans la masse), arts graphiques, sculpture, objets d'arts, espaces muséographiques. Une série d’ "avant-après" présente au public des photographies d’œuvres prises dans leur cadre d’origine avant la photographie finale, puis la photographie des mêmes œuvres une fois passées sous l’œil des photographes.
Une photographie a été réalisée par deux artistes différents, René-Gabriel Ojeda et Mathieu Rabeau. Il s'agit du pavement du château d’Ecouen (faïence vernissée époque Renaissance) qui ont employé un dispositif tenant du travelling de cinéma.
Pour une fois on peut marcher sur ce linoléum. C'est (aussi) l'avantage des reproductions.
Dans les coulisses des musées. L’Agence Photographique de la RMN-GPUne photographie a été réalisée par deux artistes différents, René-Gabriel Ojeda et Mathieu Rabeau. Il s'agit du pavement du château d’Ecouen (faïence vernissée époque Renaissance) qui ont employé un dispositif tenant du travelling de cinéma.
Pour une fois on peut marcher sur ce linoléum. C'est (aussi) l'avantage des reproductions.
Dans ce métier les individualités doivent s’effacer : il s’agit de travaux de commande devant répondre à un cahier des charges spécifique : illustrer des catalogues d’exposition, des livres d’art, des affiches, documenter les oeuvres en vue d’assurer leur conservation, reproduire des oeuvres perdues, etc. Malgré tout, derrière cette uniformité (couleur du fond, style de lumière, etc.), les photographes peuvent imprimer leur "patte". Les photographes de l’Agence ont ainsi été invités à présenter aussi une sélection de ce qu’ils considèrent être leurs meilleurs instants photographiques, que ce soit en raison d’un goût particulier pour l’œuvre photographiée, une anecdote ou des conditions de prise de vue, une ambiance
Chacun a été invité à en choisir trois. Ce fut une grande surprise et une forte émotion de les découvrir en grand format le soir du vernissage dans la salle du premier étage parce qu'ils sont davantage habitués au format vignette dans un catalogue et en tout état de cause jamais encadrés.
Derrière leur spécialité, objets d’art, or, statuaire antique ... on remarque qu'ils font preuve d'un certain regard. Cette épingle de danse photographiée par Jena-Gilles Berizzi (provenant d l'archipel Irian Jaya, en Indonésie, et se trouvant au musée d'archéologie nationale de Saint-Germain-en-Laye) semble tourner toute seule sur elle-même.
On a envie d'imaginer une histoire en regardant le petit quadrupède à tête anthropomorphe (de fabrication Inuit, 1930-34, musée du Quai Branly-Jacques Chirac) de Michel Urtado et Thierry Ollivier. L'ombre tracée sous ses pattes force notre imagination en donnant une illusion de mouvement. De part et d'autre un collier de sorcier (Madagascar, avant 1990, musée du Quai Branly-Jacques Chirac) photographié par ces mêmes artistes et un masque de théâtre nô (provenance japon-période Edo, 1603-1868, musée Guimet) par Mathieu Rabeau.
On lui doit aussi le cliché si particulier de cette Pomme de senteur ou pomander (provient d'Allemagne XVI0 siècle, Ecouen) qu'on accrochait à la ceinture. Si elle est peut-être présentée fermée dans le musée cette photo permet d'apprécier les détails de la ciselure.
Vous aurez compris combien cette exposition vise à aiguiser la curiosité des visiteurs et à les inciter à regarder les musées autrement, non plus comme des temples réservés à une élite, mais comme une fourmilière de métiers et un réservoir inépuisable d’oeuvres et d’objets de toutes sortes.
Des oeuvres majeures des XVII°, XVIII°, XIX° et XX° siècle sont présentées dans la pièce voisine comme la Joconde qui n'est en général pas vraiment visible au musée du Louvre tant il y a de visiteurs agglutinés derrière la corde. Ici pas besoin non plus d'une vitrine protectrice. Vous aurez plaisir à reconnaitre aussi Le Moulin de la Galette, la Victoire de Samothrace…
Le visiteur peut aussi utiliser une application numérique qui permet de regarder les oeuvres sous tous les angles, jusqu'à lire leur numéro d'inventaire. Il s'agit d'une révolution puisqu'un chercheur pourra "manipuler" une oeuvre sans devoir se déplacer, ce qui est appréciable s'il réside à des milliers de kilomètres du musée où elle se trouve.
Ils ont pu aussi montrer quelques clichés de leur production artistique personnelle, loin des contraintes des commandes réalisées dans le cadre de leur travail. Vous verrez combien ils sont différents lorsqu’ils s’expriment librement. Chacun a pu présenter 4 oeuvres personnelles. Michel Urtado et Tony Querrec ont apporté des portraits, différents, mais tous en noir et blanc.
Stéphane Brochier a retenu des clichés d'une série sur le Havre montrant des paysages désertés par les hommes. Stéphane Marechalle et Sébastien Lerévérend nous interroge aussi sur la trace de l'homme sans qu'il soit nécessairement présent sur les clichés.
Les choix des deux plus jeunes, Mathieu Rabeau et Adrien Didierjean, témoignent de leur intérêt commun pour les voyages et de leur goût pour la solitude et l'isolement.
Et au sous-sol, vous pouvez découvrir en prolongement des photos des maisons de retraite d’Antony sur le thème des coulisses.
Du 17 avril au 8 juin 2019
A la Maison des arts - Parc Bourdeau – 20, rue Velpeau - 92160 Antony
Accès : Station Antony - RER B, direction Saint-Rémy-lès-Chevreuse - sortie rue Velpeau.
Du mardi au vendredi de 12 h à 19 h, samedi et dimanche de 14 h à 19 h, fermeture le lundi et les jours fériés. Entrée libre. Renseignements : 01 40 96 31 50
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