Clémentine du Pontavice est une artiste engagée et engageante, que j'ai rencontrée il y a presque un an et dont j'ai eu le plaisir de découvrir trois petits opuscules dans la collection Moucheron, récemment créée à l'Ecole des loisirs, pour des enfants très jeunes lecteurs, de 5-6 ans, à ceci près que les livres de cette auteure peuvent être appréciés même par des non-lecteurs de 3-4 ans.
Parce que, s'ils sont minces par leur taille, ces trois ouvrages sont grands par le sens.
Elle a choisi l'alternance de l'écriture bâton, manuscrite, et script avec de petits dessins inclus volontairement dans le texte pour que les "petits lecteurs" puissent se repérer.
L'auteure associe volontiers l'écriture avec l'illustration, dans tout ce qu'elle créé, comme en témoigne la trace qu'elle a laissée dans le studio de Needradio où elle est venue pour enregistrer mon émission Entre Voix d'une heure. Il vous suffira de cliquer sur l'image pour en écouter le podcast.
Clémentine du Pontavice pose des questions, à nous de trouver la ou les réponse(s). Voilà pourquoi, à la fin de chacun, deux pages restent blanches où l’enfant peut répondre à la question qui est posée.
En fait plus qu’une interrogation c’est un appel à réponses. Les stéréotypes de genre l'animent depuis qu'elle est petite. Car elle pense faire partie d'une génération où le féminisme n'a pas été facile, comparativement aux jeunes femmes actuelles, et elle a ressenti fortement certaines injustices. Elle estime qu'il reste encore beaucoup de travail à faire.
C'est donc "naturellement" que le premier ouvrage de la trilogie s'intitule Truc de fille ou de garçon ? un titre qui ne doit pas être entendu comme une opposition homme/femme mais comme une question d'individualité. Le monde irait mieux si tout le monde pouvait s’accepter et vivre ce qu’il est. L’individu est multiple. On n’est pas assez encouragé à vivre comme ça, souligne-t-elle.
Les parents ont un rôle à jouer à travers l'éducation et lire ses ouvrages à ses enfants est un bon point de départ pour discuter de ces sujets-là, l’égalité Homme-Femme, et la reconnaissance de l’altérité (la différence) étant deux axes tout à fait complémentaires.
Dans Seul(s) au monde ? elle pointe, comme une base-line, le refrain de Brassens car être différent ne signifie pas faire du mal à quelqu'un. On notera que la présence du ? est optimiste. Les enfants différents ne sont pas uniques. L'auteure s'inspire parfois de ses propres enfants, toujours de ceux qui gravitent dans son entourage. Elle adore parler avec les enfants et va souvent dans les écoles.
Elle est sensible à la question de la couleur de la peau. Un enfant à la peau noir et dont les parents sont clairs (elle dit "rose" quand on l'interroge à ce propos) a encore du mal à se faire accepter; un enfant "différent" sera perçu comme bizarre. Toute fêlure lui est a priori sympathique. Etre zèbre est une particularité difficile à vivre, y compris au sein de sa propre famille. En France, on aime mettre dans les cases alors que l'individu est multiple.
Le cerveau de Clémentine ne fonctionne pas selon ces codes là. Elle aime travailler sur des projets différents. Cela la nourrit et lui redonne de l’énergie. Ce ne fut pas toujours le cas, mais elle assume aujourd'hui une démarche artistique autodidacte, qui passe par de multiples recherches.
Elle essaie, se trompe, recommence, refait, c'est sa manière de fonctionner, on pourrait dire sa facture. Je vous suggère de visionner le petit film expliquant sur son site sa façon de travailler lorsqu'elle se lance dans la réalisation de portraits sur mesure pour des particuliers ou des institutions pour se raconter, ou pour transmettre. Vous comprendrez mieux pourquoi elle se définit comme une bricoleuse poétique.
Elle fut styliste pour des marques prestigieuses, et plutôt haut de gamme, Bonpoint, IKKS, Eric Bompard. Aujourd’hui, ses clients sont des particuliers mais aussi des institutions comme la Maison des Femmes à Saint-Denis, le concept store Merci ou encore la Fondation Kering. Elle a créé le projet "Des femmes, l’or invisible" pour mettre en lumière toutes les femmes dont l’action, le génie, le courage, l’inventivité sont exemplaires. Elle a également été l’illustratrice officielle des Glorieuses, la newsletter féministe hebdomadaire aux 70 000 abonné(e)s créée par l'activiste féministe franco-canadienne Rebecca Amsellem qui vise à réinventer l’information sur les femmes. Elle a fait des bijoux, elle chante aussi parfois, elle dessine et écrit, toujours. Elle expose souvent ses travaux et anime des ateliers de création.
Clémentine considère avoir produit un triptyque sur le monde de demain impliquant la planète et les gens. Dans quel monde vit-on ? aborde la question de l'écologie.
Chacun de ces petits livres peuvent aussi aider les enseignants à faire réfléchir les élèves. Il est essentiel de les amener à discuter dans un espace de paroles. Tout le monde a le droit de penser par soi-même et cela s'apprend.
Et surtout, ne perdons pas de vue qu'un enfant qui sait réfléchir sera un adulte qui ira mieux.
Truc de fille ou de garçon ? Seul(s) au monde ? Dans quel monde vit-on ? de Clémentine du Pontavice, Ecole des Loisirs, collection Moucheron respectivement publiés en février 2019, aout 2019 et mars 2020.
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