Le ParisOFFestival proposait des lectures en alternance avec les spectacles. Le seul souci fut de parvenir à enchaîner du fait de légers dérapages dans l’emploi du temps.
Il fallait aussi admettre qu’il n’était pas possible de tout suivre et que rester un moment tranquille dans une chaise-longue rue Paradol faisait partie intégrante du plaisir.
Voilà pourquoi j’ai assisté seulement à trois lectures et à celle des lettres de Camus en fin de journée.
Ce fut d’abord La Pluie d’été de Marguerite Duras par Bénédicte Cerutti, qui hasard ou coïncidence, était installée dans la cour Duras, lieu offrant idéalement calme et ombre (appréciable en ce dimanche de canicule).
Ce choix est intéressant mais j’avoue qu’un texte de Duras sans la voix de Duras, inimitable, s’accommode mal d’une « simple » lecture, même si son potentiel comique est inaltérable et savoureux lorsqu’on découvre sa conclusion : je trouve qu’il n’y a rien à comprendre là-dedans.
J’ai davantage été séduite par la formidable interprétation de Elise Lhomeau de la Comédie-Française de Passion simple d'Annie Ernaux.
La comédienne est parvenue avec talent à concerner chaque spectateur en parvenant à saisir notre regard sans perdre le fil de sa lecture.
Chaque phrase sonne juste … c’est le miracle Ernaux. On le connaît mais comme ça fait du bien de le vivre à nouveau.
Il y eut aussi accompagnée d’une chanson de Céline Dion (Vole petite sœur, composée par Jean-Jacques Goldman en hommage à sa nièce Karine, décédée de la mucoviscidose), l’émouvante lecture de Yuming Hey d’un texte d’Herculine Barbin, pionnière du mouvement intersexe, qui se suicida à 29 ans.
La soirée s’achevait cour Lagarce pour moi avec la lecture d’extraits de textes d’Albert Camus par Charles Berling et Bérengère Warluzel.
Les deux comédiens nous ont donné à entendre la profonde humanité et l’extrême sensibilité de l’écrivain. Nous avons retrouvé Camus et son enfance, Camus romancier, Camus et son engagement comme artiste de son temps. C’est aussi son rapport au théâtre, si cher à son coeur et à son équilibre, qui a été évoqué.
Dans des textes tirés de son premier recueil de nouvelles "L’Envers et l’Endroit" ainsi que dans son oeuvre posthume "le Premier homme", trouvée dans la sacoche qu'il transportait au moment de son accident en 1960 mais publiée seulement trente an s plus tard, Camus est en effet revenu sur son enfance, son attachement à sa mère, à sa grand-mère, et à son pays natal l’Algérie.
Les références à la dureté de son éducation sont nombreuses comme à la pauvreté. C'est peut-être là qu'il faut voir l'opposition de sa vision optimiste de l'homme mais pessimiste du monde, lui faisant prédire Ce sera l'utopie ou la guerre (et on pense bien entendu à la Russie contemporaine aussi) même s'il fait le formidable pari que les paroles soient plus fortes que les balles.
Sa vision de l’art, son engagement résonnent avec une étonnante vérité. Les comédiens ont sélectionné une série d’interviews pour mieux nous faire comprendre l’homme et ses convictions. Les textes engagés et visionnaires tirés du journal Combat ou de diverses conférences parlent si clairement des tensions politiques qu’ils nous parviennent aujourd’hui avec une étonnante actualité.
Chaque spectateur a un rendez-vous avec lui-même. Il n'y a pas d'amour de vivre sans désespoir de vivre et la voix de Camus est bouleversante à la fin.
Pour avoir une idée complète du festival à travers les 7 épisodes de la journée du 4 septembre, consultez les autres billets pour lire mes chroniques à propos de Croûte, Les fenêtres, Vent divin, Florence & Moustafa, L’infini moins un, le concert Les Hymnes en Jeux :
Et rendez-vous le premier week-end de septembre 2023 pour le #4 !
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