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jeudi 1 septembre 2022

Visite de la Maison Chassenay d'Arce

(article mis à jour le 30 septembre 2022)
Je connaissais les champagnes de Chassenay d’Arce que j’avais découvert il y a quelques semaines (lire ici la publication d’une dégustation assez complète). J’imaginais que mes impressions seraient peut-être différentes si je me rendais un jour sur place.

En fait mes avis ont été confirmés. Le Pinot Blanc 2012 (de la série Caractères) reste mon préféré pour sa typicité. Mais la journée que j’ai passée dans ce qui est la plus grosse coopérative indépendante de Champagne (130 familles pour 180 exploitants sur 315 hectares) a été riche d’enseignement.

Rien ne vaut d’aller sur place pour se rendre compte de ce que l’affirmation "zéro intrant" signifie, de l’ampleur du travail dans les vignes, de la beauté des paysages, et de l’intérêt de pratiquer l’oenotourisme, activité pour laquelle il n’est pas nécessaire d’être spécialiste. Il suffit d’être amateur de gastronomie, de culture et de champagne naturellement.

Cet article sera divisé en 4 parties, abondamment illustrées de manière à vous donner une vue la plus proche possible de la réalité que vous vivrez si vous allez dans ces vignobles. N'hésitez donc pas à suivre le lien "plus d'infos" pour avoir la totalité de la publication. 

1 - Les vignes et les vendangeurs
2 - La vinification
3 - La dégustation et les accords mets-vins
4 - L’oenotourisme
Dès que la route traverse les vignobles qui longent la vallée de l’Arce, on voit pendre entre les feuilles vert clair les grappes de Pinot noir, qui est le cépage dominant, sur près de 90% des surfaces, et impressionnantes par leur taille, alors que nous ne sommes pas encore descendus de voiture. On ne sera pas surpris, tout à l’heure, en arrivant à Chervey, d’apprendre que la récolte promet d’être historique. Avec 500 kilos/jour contre 300 les bonnes années me dira un vigneron. Les chiffres de cette saison seront impressionnants : 112 000 caisses à vendanges transportées, 4 800 000 kg de raisins pressés et 1 180 marcs obtenus (sachant qu'un marc correspond à 25 kilos de raisin).
Marcher entre deux rangées de vignes est un exercice difficile en raison de la forte pente des vignobles qui sont majoritairement en coteaux, de la présence de gros cailloux qui rendent le sol glissant. Alors imaginez la ténacité des saisonniers qui coupent les grappes ! Surtout cette année parce que les ceps ont été peu effeuillés de manière à protéger les raisins d’une trop forte chaleur (je rappelle qu’arroser est interdit en Champagne). Les vignes font preuve de résilience incroyable comme les figuiers avec des racines de plus de sept mètres. Par contre elles donnent ici des vins plus solaires qui seraient difficiles à travailler avec du Pinot meunier.
Les vignes ont été peu rognées et alors que j’estimais qu’on voyait bien les grappes il n’empêche que lorsqu’on est au pied du cep certaines sont cachées et la main doit vérifier de ne pas en oublier, ce qui prend un peu de temps, et agace la main d'oeuvre, pressée de terminer son rang avec les compliments.

Car les opérations sont extrêmement surveillées, à commencer par Manuel Hénon, le directeur général, mais aussi par Sabrine Da Paz, qui fait le lien avec la ligne de pressurage. Le moindre défaut est remarqué et remonté de manière à corriger la pratique. Mais la première règle, de bon sens, consiste à ne mettre dans son panier que le raisin dont le goût en bouche est satisfaisant. Il est donc conseillé, même s'il ne s'agit pas de raisin de table, de se fier à ses papilles en cas de doute sur la maturité. Et bien entendu, on ne coupe pas le raisin encore vert.

Ce raisin de deuxième génération est à maturité un mois après la vendange. Il est interdit de le récolter pour faire du champagne depuis 2006. Le jus acide extrait des raisins n'ayant pas mûri (dits aussi raisins verts) s'appelle le verjus. Il peut remplacer le jus de citron ou le vinaigre dans les vinaigrettes, les moutardes, dans la préparation des plats de viande ou de poisson et dans la préparation de sauces. Il s'utilise aussi pour le déglaçage.
1 - Les vignes et les vendangeurs :
On détermine, avant les vendanges, trois critères qualitatifs visuels dont le degré de coloration des grappes  qui permettront d'établir le plan de travail. On cherche toujours le meilleur équilibre entre taux de sucre et acidité. Ici le pH est inférieur à 3, ce qui est très bien.


Les vendanges ont commencé mercredi de la semaine dernière, donc le 31 août, en suivant le plan de démarrage. Et depuis lundi, tous les vignerons ont commencé. Certains ont déjà fini. Elles dureront 15 jours, soit 5 jours de plus que d’habitude, tout simplement parce qu’il y a davantage de raisin à récolter. Beaucoup de prélèvements ont été faits dans les 130 parcelles de manière à déterminer la parfaite maturité des grappes dit Alexis Simonnot (en photo avec le tee-shirt bleu de la maison).

Si le travail du vin s'effectue sur des temps longs pour faire de bons crus par contre, quand les vendanges arrivent, tout s'accélère. Et les caisses n'attendent pas longtemps avant d'être transportées jusqu'au pressoir. . Les camions attendent en bas sur la route. Le raisin est coupé et "basculé" en moins de 4 heures.
3 vendangeurs sur 4 sont des personnes déjà connues ou recommandées. L'équipe vendange environ un hectare par jour. Elle travaille de 7 à 12 heures puis de 13 h 45 à 15 ou 16 heures. Outre la pente du terrain, on se rend compte aujourd'hui de la pénibilité due à la forte chaleur.
Mais on ressent aussi les bonne humeur qui règne. La journée est ponctuée de pauses. Le casse-croute de 9 h 30 qui est pris "tous ensemble" avec pâté, saucisson, "tout ce qui va bien" est une institution. De même que le repas au vendangeoir préparé par la maman qui cuisine pour 25. Quant au salaire, il est lui aussi très motivant.
Le sol est calcaire. Cela se voit.
C'est le même que celui de Chablis, composé de milliards de petites huîtres, ce qui explique la salinité que l'on constatera en fin de bouche au moment de la dégustation.
Le désherbage est mécanique et non chimique, ce qui se constate en remarquant quelques "mauvaises" herbes, garantes de cette pratique vertueuse. Les sarments seront broyés sur place pour limiter les intrants. 44% des surfaces sont certifiés haute valeur environnementale. Et 78% des fournisseurs ont été auditionnés l'an dernier sur leurs pratiques RSE.
On remarque, parfois, un plant protégé par un goulot en plastique orange. c'est que les vieux pieds doivent être régulièrement remplacés.
Plus tard dans l'après-midi nous ferons une autre halte, au-dessus de la vallée d'Arce.
Le sol est identique mais les parcelles sont moins pentues.
De l'herbe a été semée entre une rangée sur deux, grâce à un financement des sociétés de chasse. L'avenir dira si l'essai est concluant.
Le raisin est d'une belle maturité avec ça et là quelques grains qui, suite à l'échaudage, ont pris un aspect "raisin de Corinthe" qui ne nuira pas du tout d'ailleurs à la vinification.

2 - La vinification :
L'approche des lignes de pressurage est impressionante. Nous sommes prévenus de marcher avec précaution car le sol, bien que passé régulièrement au jet, est très poisseux, et donc potentiellement dangereux.
Les bacs sont d'abord controlés, et pesés, uniquement par un personnel féminin, sans doute parce que leur oeil ne laisse rien passer. Certains salariés changent de poste pendant les vendanges. Des employées administratives demandent à s'investir à la pesée.
Par contre la bascule est le domaine des hommes dont certains font ce travail depuis plus de vingt ans. C'est extrêmement sportif, ce dont je me rendrai compte par moi-même à la fin du mois, quand je partirai dans les Corbières et que je serai amenée à vider une caisse dans une cuve. L'organisation du travail est ultra coordonnée, quasi militaire, et s'effectue dans une chorégraphie millimétrée sans qu'un seul mot ne soit prononcé.
Nous descendrons à l'étage inférieur pour découvrir les 11 pressoirs (en haut à droite de l'a photo) et les cuves métalliques. Le pressurage s'effectue de 13 heures à 6 heures du matin en continu dans les 9 pressoirs de 12 tonnes.
La capacité de stockage, de 7 millions de bouteilles, est à la mesure du volume récolté. Le montant des investissements est lui aussi colossal, 15 millions d’euros.
3 - La dégustation et les accords mets-vins
La dégustation est une étape incontournable des visites de caves. Dans un premier temps nous avons bu quelques gorgées de chaque bouteille. En toute modération, et en notant nos impressions sur le carnet de dégustation.
En commençant par les Essentielles, Cuvée première dont la robe est d'une belle clarté, puis Cuvée Rosé, qui connait un succès impressionnant à l'exportation.
Les deux cuvées sont d'une grande finesse, caractéristique de la maison puisque les bulles sont légères.
Puis les Cuvées Caractères, avec le Blanc de Blanc 2012, dont la mousse est très belle, complexe. Et mon préféré, le Pinot Blanc 2012, au léger parfum prometteur de surprise, d'une forte minéralisé qui attise la bouche. Quelle chance d'avoir pu conserver ces vieilles vignes de pinot blanc, jalousement entretenues. Sachant qu'il faut 10 ans pour obtenir ce résultat on se donne rendez-vous en 2032 pour déguster le vin qui aura été réalisé avec la vendange exceptionnelle de cette année.
Suivront les Confidentielles. Avec Confidences 2009, réalisé à partir d'une sélection de vieilles vignes de plus de 35 ans, au potentiel de garde incroyable. Et le Confidences Rosé 2012 qui ferait merveille par exemple avec un Beaufort chalet d'Alpage.
Enfin les Authentiques, dont l'étiquette n'est pas encore définitive, et qui seront prêts pour Noël, avec un Brut sans année, au caractère boisé plus important, presque un arôme de fougère, qui offre une mâche intéressante. Et puis la cuvée audace 2014, plus herbacée.
Nous passerons ensuite dans le Caveau Saint-Vincent où il est possible de servir des repas pour un groupe de personnes.
Les assiettes ont été dressées dans une mise en scène élégante en accord avec la situation :
Il vaut mieux être nombreux pour décider de faire un repas entier "au Champagne" parce que ce n'est pas la même cuvée qui s'accordera avec un poisson, une viande ou un dessert.
Nous avons apprécié le Pinot blanc 2012 avec une assiette de saumon fumé à l'eucalyptus, grain d’anis vert, crème Isigny nature, tartare de dorade mangue et roquette, salade de légumes et homard.
Puis la Cuvée Origine bio sur une assiette de charcuteries. 
Et, après quelques fromages typiques de la région, le Confidence rosé sur un entremet coco et coulis fruits exotiques, ou une charlotte aux fraises.
Nous avons plaisanté à propos du Ratafia, et j'ai eu la surprise de goûter cet alcool à la saveur douce et onctueuse. Le vigneron ajoute du marc champenois (une eau-de-vie champenoise au goût neutre), au moût de raisin (jus de raisin non fermenté obtenu après le pressurage). L'eau-de-vie de marc est elle-même produite à partir de la distillation du marc de champagne. Ce sont ainsi les mêmes raisins utilisés pour l’élaboration du Champagne qui sont utilisés pour la confection du ratafia champenois.

L'extraordinaire originalité du ratafia provient du mélange de ces deux types de raisin, chacun ayant connu un traitement différent. Et c'est ainsi qu'en assemblant des raisins non fermentés et de l'eau-de-vie, on obtient un vin de 17°, particulièrement riche en arômes.
4 - L’oenotourisme
Des balades gourmandes dans les vignes sont publiées sur la page Facebook @champagnechassenay. Mais les opérations les plus communes consistent en visites commentées de la Maison assorties de dégustation. 
 
Plusieurs formules existent tout au long de l'année.
Tout commença probablement par la visite ludique des caves XIX° siècle et de l’espace “Secrets de Vignerons” autour d'un parcours pédagogique qui explique tout le travail du vigneron champenois de la vigne jusqu’à la bouteille.
Vous y verrez les outils qui étaient autrefois utilisés, à côté de ceux qu'on emploie de nos jours.
Vous en profiterez pour apprendre le nom désignant chaque taille de bouteille, de la plus petite, le quart de bouteille de 20 cl, à la plus grande, le Nabuchodonosor, correspondant à 15 litres (équivalent de 20 bouteilles) en passant par un intermédiaire comme le Salmanazar (12 bouteilles). Ce sont surtout le Magnum (2 bouteilles) et le Jéroboam (4 bouteilles) qui sont les plus connus.

Vous terminerez par une dégustation et retrouverez l’ensemble de la gamme de champagnes à la vente en boutique.
Ne partez pas avant de regarder les quelques rangs de vignes qui ont été plantés pour différencier les différents cépages de l'ensemble des terroirs champenois et qui sont présentés avec des panneaux explicatifs. Vous saurez en les lisant ce qu'est le greffage.

On apprend que la densité de plantation est d'environ 8000 pieds à l'hectare, de manière à ce que les pieds n'entrent pas trop en concurrence pour s'alimenter. Un pied qualitatif porte en moyenne 12 à 165 grappes et permet l'élaboration d'une bouteille de champagne. Mais attention, un pied trop chargé, donc très productif, s'épuisera et vieillira trop vite.

Au début du siècle dernier, le vignoble champenois était planté d'une grande quantité de cépages dont ne subsistent que les trois plus nobles :

Le Pinot noir représente 39 % du vignoble. Il produit un raisin noir à jus blanc. Il a une maturation précoce et un cycle végétatif court. ses feuilles rugueuses sont de taille moyenne et de couleur vert foncé. Il apporte à l'assemblage du corps et de la puissance. Parfait sur les terrains calcaires et frais, c'est le cépage dominant de la Montagne de Reims et de la Côte des Bar.

Le Chardonnay représente 28%. c'est un cépage blanc à jus blanc. Sa finesse sur les sols crayeux de al Champagne est inégalable. Il a un cycle végétatif long et une maturation tardive. Les baies sont jaunes au reflet d'or. Cépage de la finesse, le Chardonnay donne des notes florales, minérales et d'agumes aux vins jeunes. A évolution lente, il est idéal pour les cuvées destinées à vieillir.

Enfin le Pinot Meunier (33% du vignoble champenois, très représentatif des terroirs argileux de la vallée de la Marne) produit un raisin noir à jus blanc. De maturation plus tardive que le Pinot noir de l'ordre de quelques jours, au printemps les jeunes pousses sont recouvertes d'un fin duvet blanc, comme saupoudrées de farine, ce qui lui vaut le nom de meunier. Les baies sont de taille moyenne, rondes ou légèrement ovales. Elles apportent à l'assemblage rondeur et fruité.

Champagnes Chassenay d'Arce - 11, rue du Pressoir - 10110 Ville-sur-Arce - 03 25 38 30 70
Pour toute commande, vous pouvez aussi utiliser le mail à l’adresse advfrance@chassenay.com. 

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