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La publication des articles est conçue selon une alternance entre le culinaire et la culture où prennent place des critiques de spectacles, de films, de concerts, de livres et d’expositions … pour y défendre les valeurs liées au patrimoine et la création, sous toutes ses formes.

mardi 18 août 2009

Grand prix des Lectrices de ELLE – Critique de l'Homme qui m'aimait tout bas


Une surprise heureuse

Autant le dire tout de go je n’avais pas aimé son précédent livre, Baisers de cinéma, où il mettait en scène un père, photographe de plateau ,en multipliant les envolées lyriques qui selon moi sonnaient faux. Voilà qu’un autre papa surgissait dans cet ouvrage qui m’arrivait dans la Sélection pour le Prix des lectrices de ELLE. Cela démarrait tragiquement avec l’annonce du suicide, inattendu, de cet homme. Et pour une fois ce n’était pas du roman.

J’ai entamé la lecture avec un agacement certain. Non seulement l’auteur collectionne les paternels mais il engrange aussi les récompenses (Prix Amerigo Vespucci, Prix Europe 1, Prix des Bibliothécaires, Prix François Mauriac, Prix Femina). Je commençai donc avec l’impression que la messe avait déjà été dite.

J’ai été « cueillie » par le style et par l’écriture, sans fioriture, sans cachotterie ni complaisance. Le ton est intime sans rien livrer pourtant d’impudique. Descriptions, dialogues, discours intérieur, hypothèses … le livre est un enchaînement fluide de scènes de la vie quotidienne, reconstituées par la mémoire affective, une mémoire vigilante qui avoue ce qu’elle veut bien (p.84), mais transposées par le talent de l’écrivain.

On me dira que c’est parce que je ne partais pas en vacances cet été que j’ai apprécié cette lecture qui me plongeait en Charente, qui me faisait visiter Bordeaux, La Rochelle, me transportait en Tunisie, qui me replongeait aussi dans ma propre enfance (L'auteur et moi avons presque le même âge). Les allusions à James Dean, aux films de Sautet ravivent une foule de souvenirs qui me sont personnels. Il a pu m’arriver à moi aussi de surprendre une de ces loutres espiègles qui sortent leur museau de l’eau en frémissant, une feuille de nénuphar sur l’œil pareille à une casquette de Gavroche (p.89). Et quand je lis qu’il entend le flap-flap des alouettes je l'entends aussi.

Des esprits chagrins ont estimé que le récit était un peu décousu. Je lui ai trouvé de la légèreté, et même parfois de l’allégresse, alors que le sujet aurait pu facilement conduire au règlement de comptes ou à la dépression pathologique. Au contraire, la prose est sportive, alerte. Puissent tous les devoirs de mémoire s’inspirer du modèle !

Eric Fottorino s’affirme ici dans la veine d’un Marcel Pagnol célébrant la Gloire de son père. Cinquante ans ont passé et le genre autobiographique se voit vivement dépoussiéré. D’ailleurs l’auteur nous livre ses réflexions à ce sujet-là aussi avec de belles citations de Philip Roth, de Paul Auster (p.59 et svtes).

Malgré tout je ne suis pas sure que cet ouvrage reçoive néanmoins lui aussi un prix, en l’occurrence le label ELLE, car les avis peuvent être mitigés. L’introspection n’est pas le genre qui fait consensus. Mais c’est précisément ce que j’ai apprécié le plus. Qu’Eric Fottorino nous prenne à témoin de confidences qu’il n’a pas osé offrir quand il était encore temps à cet homme qui l’aimait tout bas, peut-être, mais si fort.

Lui qui a désormais une belle reconnaissance professionnelle au journal le Monde où sa carrière est un cas d’école, et qui a réussi à s’affirmer très vite comme un écrivain qui compte, semble avoir écrit ici pour exprimer sa propre reconnaissance à celui sans qui il ne serait pas devenu ce qu’il est.

Il s’amuse du proverbe « tel père, tel fils » (p.71) en relançant d’une certaine manière le débat entre l’inné et l’acquis. L’hommage est rendu à ce père-là, qui l'a adopté et dont il porte très haut le nom, à cet autre à qui il doit la vie (qui par un de ces hasards énormes s’appelle « Maman », cela ne peut s’inventer), à sa mère aussi, à son épouse enfin pour qui il a quelques très belles phrases.

J’ai eu envie, forcément, d’en apprendre davantage sur l’homme. Je tenais absolument à vérifier si tout cela n’était pas une imposture. Internet a facilité mes recherches (en paternité). C’est l’émission de Caherine Ceylac, Thé ou café du 14 juin dernier qui m’a apporté le plus d’éléments.Tous mes soupçons ont bel et bien été confirmés. Eric Fottorino est une belle personne qui ne démérite pas d’avoir reçu l’amour en héritage.

L'homme qui m'aimait tout bas d'Eric Fottorino, Gallimard, 2009

4 commentaires:

Sandra.M a dit…

Je fais moi aussi partie du jury et ai moi aussi été emballée par ce livre...contrairement à "Paris-Brest". Je reviendrai lire avec plaisir les prochaines critiques ici! Bonne lecture...

Marie-Claire Poirier a dit…

Je savais que tu fais partie du jury et je constate que tu es revenue sur la toile (mais comment fais-tu pour publier tant ???)
J'aurais parié que tu aurais aimé Paris-Brest pour son coté "comédie policière" que je verrais bien en adaptation cinématographique ... sans que cela donne un film majeur, j'en conviens. Avec de bons interprètes çà peut être distrayant.

Anonyme a dit…

merci pour ton avis... j'espère le lire bientot pour juger... Karine

Anonyme a dit…

Apprécie-ton plus un livre quand on rrste chez soi... en vacances ? Tu souleves la question... Il me semble qu'il y a des livres pour tous les instants -- les BestSellers pour les vacances ou le métro, les bons livres a lire doucement, les livres qui enrichissent le sejour sur place et ceux qui permettent de le preparer, s'évader... ou au contraire se le remémorer.

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