Les romains traversent le plateau au pas de charge sur une musique d’église tandis que le chroniqueur annonce que le pire est arrivé, comme prescrit … en traçant le mot AVEUGLEMENT sur la vitre du studio d’enregistrement radiophonique dont les spectateurs sont les invités.
S’il ne s’agissait pas d’une tragédie, la pièce aurait pu s’intituler Jules, Antoine, Cléopâtre et les autres. Si on avait cherché à pointer strictement la comédie elle aurait pu s’appeler l'Empire contre attaque. Jean-Marie Piemme s’est librement inspiré de La vie de Marc Antoine par Plutarque et du Jules César de Shakespeare pour écrire une version à coloration contemporaine.
Les faits réels servent de carburant à une écriture dont chaque phrase fait mouche tant l’auteur a l’art de la formule. Il voit César comme un athlète du mensonge, un homme de pouvoir dont l’ambition était la raison de vivre, fait annoncer le pire à un Cicéron qui entrevoit la raison comme déraisonnable, comprend l’amitié entre Brutus et Antoine comme une armure …
Les répliques sonnent comme des sentences : La seule mort que je connaisse est celle des autres. Seul César sait ce qui est bon pour César !
S’il fallait d’une phrase résumer le propos on pourrait hésiter parmi celles-ci qui tournent toutes autour du même constat accablant : les justiciers sont aussi des assassins ; souviens-toi que si tes ennemis sont dangereux tes amis le sont encore plus ; les hommes sont égaux dans la férocité.
Jules César est trahi par Brutus, lequel est trahi par son clan. Antoine est victime de la perfidie d'Octave qui devient Auguste à la fin. La République est morte. Vive l’Empire ! La morsure d'un serpent suffirait pour en finir mais Cléopâtre se rebelle contre l’Occident et s’enfuit dans le désert.
Ce n’est pas tout à fait ainsi que les faits se sont déroulés mais cette vision met en relief le danger que court le monde dit civilisé où nous vivons dans une paix (relative) depuis plus de cinquante ans. Le parti pris de jouer en costumes contemporains pointe le risque. Et si la mise en scène appuie sur plusieurs effets comiques c’est pour apporter une respiration au milieu des intrigues de pouvoir, des rapports dévastateurs d’amour, de haine et de trahison.
Jean Boillot signe la mise en scène. Le directeur du NEST-CDN de Thionville-Lorraine a pour sa part, a été influencé par le spectacle de cabaret des Demi-frères dont il a intégré un acteur dans sa troupe. Laurent Conoir et Magali Montoya interprètent à eux deux une quarantaine de personnages qui apportent une respiration et de la drôlerie dans ce qui serait une mare de sang insupportable.
On pourrait s'étonner que je pointe leur duo mais leur connivence est d'une drôlerie incroyable. Les entendre raisonner et chanter à la manière de Georges (Brassens) et de Jacques (Brel) est un pur moment de bonheur. Ajoutez à cela des libertés avec le texte, du style : toi tu vas finir avec un bracelet électronique dans un appartement à New-York et vous aurez une idée de leurs apartés.
Cela ne gomme pas le coté tragique du spectacle, interprété par une troupe d'excellents comédiens. Chacun d'entre nous verra sa guerre civile dans celles qui sont jouées devant nous. Jean Boillot offre une fresque théâtrale et sonore qui résonne de multiples manières à nous qui avons tant besoin d'histoires et d'émotions.
Puisse malgré tout notre république ne pas devenir comme celle qu'il agite au Théâtre de l'Aquarium.
Le sang des amis, de Jean-Marie Piemme d’après Shakespeare, mise en scène de Jean Boillot
avec Jean Boillot, Laurent Conoir, Roland Gervet, Philippe Lardaud, Magali Montoya, Julie Pouillon, Isabelle Ronayette, Assane Timbo
Du 4 mai au 29 mai 2011, du mercredi au vendredi à 20h30, le samedi à 16h et à 20h30, le dimanche à 16h au Théâtre de l'Aquarium, Cartoucherie de Vincennes. Une exposition de portraits de personnages en lien avec le spectacle et réalisés par la photographe Virginia Castro anime le hall du théâtre. Parmi eux celui de Jean Boillot que j'ai repris en tête du billet.
S’il ne s’agissait pas d’une tragédie, la pièce aurait pu s’intituler Jules, Antoine, Cléopâtre et les autres. Si on avait cherché à pointer strictement la comédie elle aurait pu s’appeler l'Empire contre attaque. Jean-Marie Piemme s’est librement inspiré de La vie de Marc Antoine par Plutarque et du Jules César de Shakespeare pour écrire une version à coloration contemporaine.
Les faits réels servent de carburant à une écriture dont chaque phrase fait mouche tant l’auteur a l’art de la formule. Il voit César comme un athlète du mensonge, un homme de pouvoir dont l’ambition était la raison de vivre, fait annoncer le pire à un Cicéron qui entrevoit la raison comme déraisonnable, comprend l’amitié entre Brutus et Antoine comme une armure …
Les répliques sonnent comme des sentences : La seule mort que je connaisse est celle des autres. Seul César sait ce qui est bon pour César !
S’il fallait d’une phrase résumer le propos on pourrait hésiter parmi celles-ci qui tournent toutes autour du même constat accablant : les justiciers sont aussi des assassins ; souviens-toi que si tes ennemis sont dangereux tes amis le sont encore plus ; les hommes sont égaux dans la férocité.
Jules César est trahi par Brutus, lequel est trahi par son clan. Antoine est victime de la perfidie d'Octave qui devient Auguste à la fin. La République est morte. Vive l’Empire ! La morsure d'un serpent suffirait pour en finir mais Cléopâtre se rebelle contre l’Occident et s’enfuit dans le désert.
Ce n’est pas tout à fait ainsi que les faits se sont déroulés mais cette vision met en relief le danger que court le monde dit civilisé où nous vivons dans une paix (relative) depuis plus de cinquante ans. Le parti pris de jouer en costumes contemporains pointe le risque. Et si la mise en scène appuie sur plusieurs effets comiques c’est pour apporter une respiration au milieu des intrigues de pouvoir, des rapports dévastateurs d’amour, de haine et de trahison.
Jean Boillot signe la mise en scène. Le directeur du NEST-CDN de Thionville-Lorraine a pour sa part, a été influencé par le spectacle de cabaret des Demi-frères dont il a intégré un acteur dans sa troupe. Laurent Conoir et Magali Montoya interprètent à eux deux une quarantaine de personnages qui apportent une respiration et de la drôlerie dans ce qui serait une mare de sang insupportable.
On pourrait s'étonner que je pointe leur duo mais leur connivence est d'une drôlerie incroyable. Les entendre raisonner et chanter à la manière de Georges (Brassens) et de Jacques (Brel) est un pur moment de bonheur. Ajoutez à cela des libertés avec le texte, du style : toi tu vas finir avec un bracelet électronique dans un appartement à New-York et vous aurez une idée de leurs apartés.
Cela ne gomme pas le coté tragique du spectacle, interprété par une troupe d'excellents comédiens. Chacun d'entre nous verra sa guerre civile dans celles qui sont jouées devant nous. Jean Boillot offre une fresque théâtrale et sonore qui résonne de multiples manières à nous qui avons tant besoin d'histoires et d'émotions.
Puisse malgré tout notre république ne pas devenir comme celle qu'il agite au Théâtre de l'Aquarium.
Le sang des amis, de Jean-Marie Piemme d’après Shakespeare, mise en scène de Jean Boillot
avec Jean Boillot, Laurent Conoir, Roland Gervet, Philippe Lardaud, Magali Montoya, Julie Pouillon, Isabelle Ronayette, Assane Timbo
Du 4 mai au 29 mai 2011, du mercredi au vendredi à 20h30, le samedi à 16h et à 20h30, le dimanche à 16h au Théâtre de l'Aquarium, Cartoucherie de Vincennes. Une exposition de portraits de personnages en lien avec le spectacle et réalisés par la photographe Virginia Castro anime le hall du théâtre. Parmi eux celui de Jean Boillot que j'ai repris en tête du billet.
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