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mardi 5 janvier 2016

Pékin Pirate de Zu Xechen aux éditions Philippe Rey

Lire Pékin Pirate est vraiment une expérience particulière, un peu à l’instar de regarder un film coréen. D’une part nous manquons de quelques références pour suivre par exemple les pérégrinations des protagonistes à travers la ville, apprécier les plats qu’ils consomment, imaginer la ville plongée dans les suffocantes tempêtes de poussière (cela semble familier) ou comprendre leur système universitaire. D’autre part le style de Zu Xechen est assez particulier et il n’est pas très commode de s’habituer aux noms, précédés de grande ou petite sœur, ou frère.

Il m’a fallu quelques pages pour entrer véritablement dans l’histoire mais je peux dire que j’ai réellement apprécié.
Après trois mois de prison pour fabrication de faux documents, DunHuang, 25 ans, retourne à Pékin. Mais comment faire avec presque rien en poche, nulle part où dormir et aucune perspective de travail ? La rencontre avec une vendeuse de DVD piratés va lui donner un début de réponse et lui permettre de s’engouffrer dans ce créneau a priori si facile et accessible.
De petits studios en chambres insalubres, d’un coin de rue à une boutique miteuse, Xu Zechen piste cinq jeunes venus tenter leur chance à la capitale, loin de leurs familles : DunHuang partagé entre son envie de préparer l’avenir et celle de vivre chaque jour, Kuang le pragmatique, « Grande Sœur » Xia qui rêve d’une vie rangée au pays, QiBao la mystérieuse aventurière, BaoDing enfermé dans sa cellule...
Souvent avec malice, l’auteur raconte ces héros malchanceux – leurs faits et gestes, leurs espoirs, leurs arrangements avec les valeurs troubles d’une société galopante – et nous ouvre les portes d’un monde souterrain peuplé de petits voleurs, de prostituées à mi-temps, de vrais et faux policiers, naviguant entre corruption généralisée et alcool en quantité. DunHuang et ses amis seront-ils de nouveau écroués ? Ou juste contraints de rentrer tête basse au bercail provincial ?
Ce qu’on nomme en France précariat, Xu Zechen le montre là-bas au jour le jour : vaillant, amoureux, téméraire et solidaire, parfois déconfit mais jamais vaincu.
Né en 1978 dans le Jiangsu, Xu Zechen a étudié la littérature chinoise à l’université de Pékin où il vit actuellement. Auteur de trois romans et d’un recueil de nouvelles, il a remporté de nombreux prix littéraires et a été sélectionné par People’s Literature comme l’un des vingt écrivains chinois les plus prometteurs.

Il décrit un Pékin grouillant de vie et de combines, sans doute très réaliste, loin de l’image que nous ont donné les Jeux Olympiques de 2008, révélant bien d’autres soucis que la seule pollution. Le rêve chinois est loin d’être accessible pour ces jeunes sans réelle formation pour qui être faussaire est un job lucratif si on sait s’y prendre, et qui doivent vivre de petits trafics, depuis les DVD piratés aux faux papiers, en passant par les fausses factures, chacun sa spécialité.

Le but est de (p. 67) tenir le plus longtemps possible, après on verra. DunHuang est une sorte de SDF qui accepte sa condition avec une forme de fatalisme qui n’exclut pas la détermination à continuer coûte que coûte : je n’ai pas le temps de rire, alors pleurer

Sur le plan culturel il fait preuve de connaissances très pointues, connaissant le cinéma allemand à travers des films comme les Ailes du désir de Wim Wenders (1987) ou Cours, Lola, cours de Tom Tykwer (1998).

Par contre son cœur semble en jachère, inculte au plan émotif pour le moment, donc peu capable d’aimer. Pourtant le jeune homme est capable d’empathie et de compassion, venant en aide à plus faible que lui, mais sans faire de sentimentalisme. Et surtout, il est loyal, ce qui est une drôle de qualité pour un faussaire.

Voilà un roman d'un grand réalisme qui pourrait faire de son auteur un Zola chinois et contemporain. c'est vraiment à découvrir.

Pékin Pirate de Xu Zechen, traduit du chinois par Hélène Arthus, Philippe Rey, en librairie le 7 janvier 2016

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