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mercredi 10 mai 2023

On va faire la cocotte de Georges Feydeau

C’est une comédie comme on les aime, bien jouée, et avec un soupçon de féminisme dans les dialogues qui libère notre rire. On peut en effet s’amuser sans état d’âme en entendant Émilienne revendiquer sa liberté d’action après avoir constaté la preuve que son mari la trompe. Elle décide alors de prendre sa revanche dans le but de le reconquérir.

Et ce qui est très fort dans l’écriture de Georges Feydeau (1862-1921) (qui ne savait alors pas ce qu’étaient les codes du politiquement correct) - à moins qu’on ne le doive à l’adaptation de Jean-Paul Tribout, Cette jeune femme ne profitera pas de sa liberté. Son honneur est sauf et elle remet son mari dans le "droit" chemin.

Chacune de nous peut se projeter dans le pronom indéfini de On va faire la cocotte.

L’entrée du public s’est fait sous les accords de l’accordéon de Dario Ivkovic, qui signe la musique et joue en direct. On le connait bien. Il appartient aux groupe Les yeux noirs et il était un des musiciens de Josef Josef, au festival d’Avignon ne 2021.

 Les éléments du décor sont à vue et inhabituels, même si j’ai déjà remarqué cet emploi dans Le retour de la vieille dame par la compagnie Les têtes de bois au festival d’Avignon.

Mais ici les caisses sont encore plus astucieusement employées, donnant lieu à de jolis mouvements de jupon, et sont une très efficace alternative aux si classiques claquements de porte des placards des vaudevilles. On compte 6 caisses, une par personnage et c’est presque ça. Amélie Tribout a eu une belle idée de scénographie.

Trévelin (Jean-Paul Tribout) est d’une mauvaise foi évidente, mais très drôle. En voulez-vous un exemple ? Les hommes ne vieillissent pas, ils mûrissent. Ce sont les femmes qui vieillissent. La question de l’âge revient fréquemment. L’écart d’âge entre les époux est montré du doigt. Olympe (Claire Mirande), la meilleure amie d’Emilienne (Caroline Maillard) est fière de s’être mariée avec beaucoup plus jeune qu’elle et on devine certaines allusions à des personnes connues.

C’est vrai après tout, pourquoi ce serait toujours les hommes qui auraient le droit de s’afficher avec plus jeunes qu’eux ? proteste Blanche (Julie Julien). Comme quoi on peut être cocotte et avoir des principes d’avant-garde. Les trois femmes sont maîtresses du jeu et c’est bien appréciable. Elles ont eu une bonne éducation, ont épousé des hommes respectables mais elle plébisciteraient les cocos s’ils existaient.

Thomas (Samuel Charle) surgit à point nommé pour retourner la situation Tous les mécanismes comiques des célèbres pièces de Feydeau se retrouvent dans cette délicieuse petite comédie qui, sans être réellement féministe défend un début d’égalité entre les hommes et les femmes, en contenant les germes d’une critique féroce de la bourgeoisie.

Je connaissais La puce à l’oreille, Un fil à la patte, Occupe-toi d’Amélie, Le système Ribadier et plus récemment On purge bébé, … c’est dire combien j’ai vu de pièces de cet auteur au théâtre, et que j’ai toutes appréciées. Ici la mise en scène s’affranchit des multiples effets qui sont parfois ajoutés pour renforcer l’effet comique. Il parie sur la simplicité, avec une distribution équilibrée, et on entend le texte à merveille. Les costumes de Julia Allègre sont adéquats. Le spectacle est très réussi. On en oublie complètement que Feydeau n’avait pas eu le temps de terminer sa pièce.
On va faire la cocotte de Georges Feydeau
Adaptation et mise en scène Jean-Paul Tribout
Avec Jean-Paul Tribout (Trévelin), Caroline Maillard (Émilienne), Claire Mirande (Olympe), Julie Julien (Blanche), Samuel Charle (Thomas) et Dario Ivkovic (le musicien)
Musique : Dario Ivkovic
Scénographie Amélie Tribout - Costumes Julia Allègre - Lumière Philippe Lacombe
Du 19 avril au 1 juin 2023 
Du mardi au samedi à 18 h 30, le dimanche à 15 heures
Au Lucernaire
53, rue Notre-Dame-des-Champs 75006 Paris

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