Il y a des avantages et des inconvénients à venir en bande découvrir un restaurant, en l'occurrence aujourd'hui Les Chouettes.
Les plus, c'est la convivialité de l'ambiance, la possibilité de commander (et de goûter si les camarades sont compréhensifs) plusieurs plats différents, de partager une bouteille de vin.
Les moins, c'est la tendance à comparer son assiette avec celle du voisin, et surtout à surenchérir en terme de critique ou de compliment, une réflexion entrainant un bon mot.
Vous aurez compris que le déjeuner fut animé ! Je vous dirai sans attendre ce que nous avons tous plébiscité. D'abord le cadre, ensuite la volonté de bien servir le client, la carte des cocktails, enfin la cuisine, avec peut-être une mention spéciale pour les desserts. Finalement ce palmarès suit logiquement la chronologie du moment passé aux Chouettes.
La nouvelle équipe qui vient d'arriver aux commandes, sous la direction d'Herwan de la Morandière, a bien conscience que si on entre dans le restaurant pour admirer l'incroyable décor d'Eiffel ou s'extasier sur l'ambiance des toilettes, il est impératif de donner envie de revenir. Pour cela il faut une cuisine soignée, un service aux petits oignons et une pointe d'originalité, qui signera la spécificité du lieu.
Commençons donc par le cadre. Pour moi qui découvrait l'endroit je dois dire que j'ai été agréablement surprise par la variété des ambiances. Je parie sur une terrasse qui sera prise d'assaut dès les premiers beaux jours.
J'ai apprécié aussi l'intimité de cette table ronde, située non loin du bar.
Le comptoir est encadré de splendides moulures et s'étend sur une belle longueur, bordant une série de tables carrés au charme rétro, qui sont toutes arrondies :
Ceux qui connaissent retrouveront évidemment la structure métallique de Gustave Eiffel, la magnifique verrière qui recouvre le patio à plus de 20 mètres de hauteur, les coursives des deux étages qui, le soir, dégagent une ambiance proche de celle à laquelle j'ai pris goût dans les anciennes haciendas mexicaines,
et bien entendu … l'inoubliable sous-sol aux toilettes rouge vif et noir que je n'hésiterais pas un instant à privatiser pour surprendre mes clients en y servant un cocktail.
Et à propos de mixologie, profitez totalement du savoir-faire de Pablo, un barman expérimenté et créatif qui peut très bien vous servir une de ses spécialités même le midi (elles ne sont à la carte que le soir). Et sachez que les propositions sans alcool sont elles aussi fort tentantes. De toute façon il conviendra de consommer l’alcool avec modération.
A titre d'exemples voici au premier plan Pepino Crush : Mezcal, Chartreuse, sirop de sucre et concombre, derrière Blind Tiger : Gin piment, sirop rose framboise, jus de cranberry, jus de citron vert, gingembre ale, et Miss Gasby : Jus de litchi, jus de citron jaune, sirop de rose, champagne. J’avais commandé le premier, vif et floral, en souvenir de mes séjours au Mexique.
L’espace est vaste, chargé d’histoire pour qui tend l‘oreille. Il y aurait eu autrefois au centre du rez-de-chaussée un bassin dans lequel on aurait moulé la statue de la liberté. Nous nous sommes installés là car ce n'est que le soir que vous pourrez vous isoler sur une coursive, endroit idéal pour un tête-à-tête intime. Par contre vous vous priverez du spectacle de working flair de Pablo qui, en uniforme, maitrise l’art de jongler avec les bouteilles pleines et le shaker.
La décoration est un mix très harmonieux de bois, de rotin, de marbre, de cuir, de plantes vertes, le tout inondé de lumière zénitale naturelle ou adouci par ces lampes-fleurs qui sont ravissantes, tout à fait en accord avec les tables :
J’ai beaucoup aimé la musique le jour de notre venue. Il me semble que je connaissais chaque morceau qui systématiquement réactivait d’heureux souvenirs. Comme La Rua Madureira, Tell All The People des Doors, Cry Me A River par Dinah Washington ou Beyond The Sea de Bobby Darin.
Le décor est insensé, mais ce qui est dans l'assiette a son importance. La soupière du velouté de potimarron aux châtaignes créa la surprise mais celle-ci ne se confirme pas une fois le couvercle soulevé. Des noisettes torréfiées écrasées ou un hachis de fines herbes auraient amélioré l'esthétique en apportant une saveur complémentaire.
Vous remarquerez sur les photos suivantes que le chef n'a pas lésiné sur la poudre de piment d'Espelette (il faudrait varier les plaisirs) et que la pâtissière adore le sucre glace, y compris que les assiettes blanches.
Défaut de précipitation, les oeufs cocotte à la crème de foie gras firent un aller retour en cuisine, passant de insuffisamment cuits à trop, mais délicieux, m'assura mon voisin de gauche, alors que celui de droite se régalait de la terrine de volaille façon grand-mère et de ses pickles.
L'assiette de foie gras (maison lui aussi) est classique, servie avec le chutney du moment.
Pour ma part je n'ai que des compliments à faire à propos du carpaccio de daurade, gingembre eet fruit de la passion.
Comme plat, plusieurs poissons étaient proposés, de gauche à droite : pavé de saumon, croustillant de pistaches et mousseline de panais, puis cabillaud au beurre blanc avec julienne de légumes, et poélée de Saint-Jacques et son risotto de poireaux sauce safran.
Les coquilles (généreuses) figuraient à la carte avec un risotto mais il était possible de les commander avec une julienne de légumes comme on le constate sur la photo. La purée était plus réussie que le gâteau de pommes de terre qui aurait supporté un peu plus de cuisson. Mais il faut dire que ce midi la salle était prise d'assaut et que le rythme fut intensif en cuisine.
Le suprême de poulet jaune, pommes de terre pleurotes et petits oignons braisés a satisfait celui qui l'avait commandé tout comme mon quasi de veau aux morilles. La carte est vraiment longue, offrant un large choix entre poissons, ravioles de Royans gratinées à la crème de truffe, jusqu’au filet de bœuf, sauce poivre vert et gratin dauphinois.
Le client fidèle ne s’ennuiera pas avec une telle palette. Surtout que le midi, on propose une formule déjeuner (à 29 euros) qui aujourd’hui était composée d’une frisée aux lardons œuf poché, suivie d’un gigot d’agneau au jus de thym et gratin dauphinois et d’une panna cotta à la vanille avec coulis de fruits rouges.
Le chef, Olivier Padin, arrivé en novembre dernier, met un point d’honneur a cuisiner des plats français, certes modernisés mais qui sont inspirés par la cuisine bourgeoise traditionnelle.
Est arrivé le temps des desserts. Avec une Tatin somme toute sans surprise, servie avec une simple crème fraiche.
Par contre le Paris-Brest, s'il était d'allure conventionnelle, s'est révélé être un délice intense. Bravo à la chef pâtissière ! C'est si rare d'en manger d'excellents en restauration qu'il faut le souligner.
L'élégance et le raffinement des autres a séduit la tablée. Délice aux deux chocolats et framboise et millefeuille aux fruits rouges et pistaches caramélisées. Pourrais-je cependant faire remarquer que les fruits ne sont pas de saison ?
Et puis un cheesecake au citron vert, comme on l'aime à New-York, intelligemment dopé par le zeste d’agrume.
Après être passé par plusieurs mains successives, avoir subi des changements de décoration (tout en respectant les fondamentaux des lieux), avoir été appelé Le Grand duc avant de revenir à son nom d’origine, avoir accueilli le premier cyber-café de la capitale, s'être regroupé autour d'une nouvelle équipe, je souhaite à ces si sympathiques Chouettes de trouver un équilibre entre modernité et classicisme, en osant à la carte quelques touches de folie qui, pour le moment, restent rares dans les assiettes.
Bien entendu, je leur conseille de conserver la formule du midi avec une entrée, un plat et un dessert qui changent tous les jours et qui donne à juste titre envie à la clientèle du quartier de venir très régulièrement. Mais aussi pourquoi pas d'organiser des dégustations de vins au second étage en profitant de la tranquillité du lieu et de la présence de la cave … qui abrite de très belles bouteilles.
Et sinon, au bar, le soir, j'aimerais être initiée à quelques secrets de la mixologie par Pablo qui, ayant aussi fait des études de chef de rang, comprend parfaitement les contraintes d'un restaurant.
Il sait combien il doit se tenir constamment informé des tendances, lesquelles évoluent en moins de trois mois.
Depuis ses débuts à La Réunion, il maitrise la trentaine de familles que l'on peut dénombrer en matière de cocktail et connait les accords qui marchent.
Il a le souci d'employer le verre qui convient le mieux et on peut parier que la carte va bientôt bouger, sans doute avec davantage de recettes à base de Metzcal, ce qui, on s'en doute, ne pourra que me séduire.
Les Chouettes - 32 rue de Picardie - 75003 Paris
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