Je suis allée à la Condition des soies pour voir La promesse de l'aube, un spectacle qui m'a bouleversée.
Anthea Sogno, qui en est la directrice et accueille le public, masqué comme des résistants. Je ne connais pas meilleure «chauffeuse de salle». Elle frappe sur le plateau trois petits coups de poing vigoureux en faisant crier aux spectateurs (déjà enthousiastes) Vive le théâtre pour encourager l’acteur, comme si Franck Desmedt pouvait en avoir besoin …
Anthea Sogno, qui en est la directrice et accueille le public, masqué comme des résistants. Je ne connais pas meilleure «chauffeuse de salle». Elle frappe sur le plateau trois petits coups de poing vigoureux en faisant crier aux spectateurs (déjà enthousiastes) Vive le théâtre pour encourager l’acteur, comme si Franck Desmedt pouvait en avoir besoin …
La voix chaude de Louis Armstrong distillant What a wonderful World achève de nous attendrir. Nous sommes fin prêts pour suivre les pas de Romain Gary depuis la Russie d’où sa mère se sauve pour s’installer dans une France dont elle construit le mythe à travers ses paroles. La pièce traverse le XX° siècle dont on revit les principaux épisodes historiques.
Franck Desmedt connaît parfaitement le texte. Il l’avait mis en scène en 2009. Pour cette édition avignonnaise, il en signe lui-même l’adaptation et assure l’interprétation, en vertu de l’adage qu’on n’est jamais si bien servi que par soi-même. Il assure tous les rôles sans avoir recours à aucun artifice.
Il est l’enfant, puis l’homme qui restera toujours un fils, à la fois porté et encombré par l’amour inconditionnel que sa mère lui inflige. Il se met facilement à la place de celle-ci, une ancienne actrice russe, juive, pauvre, divorcée, reconvertie dans la restauration pour prendre sa revanche sur un passé douloureux. Il est tout aussi aisément Mariette, la femme de ménage initiatrice aux plaisirs charnels, le professeur de mathématiques déconcerté par l’échec scolaire d’un gamin à l’intelligence exceptionnelle, le roi de Suède rencontré par hasard dans un club de tennis, … jusqu’à De Gaulle. Franck Desmedt joue tous les personnages et toutes leurs émotions. Son interprétation est absolument éblouissante de justesse.
Avec l’amour maternel, la vie vous fait à l’aube une promesse. On ne s’en remet jamais. Romain Gary exprime là combien on peut souffrir d’un trop-plein d’amour. Le comédien s’empare du texte avec tendresse, en toute complicité avec un public sous le charme pour chaque épreuve traversée, qu’il s’agisse de la défaillance du miracle sur un cours de tennis, de la découverte de la puissance de l’humour en tant que déclaration de dignité … Qui ne rêve jamais comme cette mère et son fils de plier le monde à son inspiration, en croyant à la beauté et à la justice ?
Il termine par la lecture de lettre de sa mère avec un humour tendre qui laisse percevoir une forme de pardon.
La mécanique du processus d’écriture est au coeur de La promesse de l’aube. On comprend pourquoi Romain Gary est le seul écrivain à ce jour ayant obtenu deux fois le prix Goncourt et on se dit que Franck Desmedt pourrait bien tout aussi légitimement obtenir deux fois le Molière du Meilleur comédien avec ce spectacle.
Article extrait d’une publication intitulée « Avignon le 10 juillet à l’Atelier 44, au 11 et à la Conditions des Soies ».
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