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lundi 5 juillet 2021

Mademoiselle Julie d’August Strindberg, mise en scène Christophe Lidon

 Mademoiselle Julie, d’August Strindberg, dans la mise en scène de Christophe Lidon est la première pièce que j’ai vue en Avignon pour le festival. C’est une vraie création et elle va être très appréciée, je n’avais aucun doute en sortant de la générale (une représentation sans véritable public, mais tout à fait finalisée).

Le metteur en scène a réuni de fidèles compagnons de route, comédiens, vidéaste, costumière, adaptateur scénique … avec qui il a l’habitude de travailler. On sent une cohésion d’équipe. Il a dirigé à de multiples reprises Sarah Biasini (Mademoiselle Julie) et Yanis Baraban (Jean).

Ils se livrent tous les deux à un jeu de séduction captivant dont on ne perd pas une réplique alors qu’on en connaît l’issue. Mais on y croit malgré tout. C’est la magie d’une interprétation maîtrisée. Le risque était de glisser dans unsur-jeu mais pas du tout.

Deborah Grall (Christine) est elle aussi absolument parfaite dans un rôle difficile, d’une part parce qu’elle a moins de scènes et peu de texte, d’autre part parce qu’interpréter une femme dépitée et jalouse, mais qui reste toujours dans la retenue, est un exercice d’équilibriste. Elle le maitrise parfaitement, jusqu’au moindre haussement de sourcil.

Ses deux partenaires s’entredévorent avec hystérie et désespoir, se laissant emporter par la folie d’une nuit de Saint-Jean, celle du solstice d’été, la plus courte de l’année, mais la plus dangereuse. Si chez Shakespeare les jeux amoureux trouvent une issue heureuse avec le concours des fées, le songe devient cauchemar chez Strindberg. Les échanges sont tragiques et les trolls qui « étaient de sortie cette nuit » ont bel et bien tiré le drap de dessous les pieds des héros pour les faire succomber.

Le spectacle commence avec un mapping de Leonard suggérant un bal. Les silhouettes tourbillonnent, se frôlent et poursuivent leur chorégraphie qu’on croirait réglée sur les mouvements d’un manège. Cette première scène qui se teinte brutalement d’un rouge incendiaire est une sorte d’introduction visuelle et musicale qui est peut-être un peu longue mais elle confère à installer le spectateur dans l’ambiance.

Julie séduit le valet de son père. Caprice, amour véritable, défi à l’autorité, aux contraintes sociales (nous sommes entre de 1888 à 1938 mais cela resterait plausible encore aujourd’hui) et à celles liées à son sexe ? C’est tout cela qui se joue chez l’une et chez l’autre. Ce n’est peut-être pas celle qui manipule qui est la plus à blâmer. Christophe Lidon le pointé dans sa note d’intention : Julie est tiraillée entre les deux éducations qu’elle a reçues : sa mère féministe, issue du peuple, lui a proposé toutes les armes d’une éducation masculine, alors que son père l’enferme dans le carcan d’une éducation féminine bourgeoise.


Mise en scène comme jeu des acteurs troublent la perception du spectateur qui, tel un juge impuissant, assiste à la reconstitution de la scène de crime dont il a la prémonition dès les premières secondes. Et qui en sortant hésite à condamner le coupable.

Démarrer le festival off 2021 par cette pièce est de bonne augure.

Mademoiselle Julie d’August Strindberg
Mise en scène : Christophe Lidon
Avec Yanis Baraban, Sarah Biasini et Deborah Grall
Du 7 au 30 juillet 2021 à 16h30 (Relâches les mardis 13, 20 et 27 juillet 2021)
Festival d’Avignon OFF 2021 au Théâtre des Halles – Scène d’Avignon 
Rue du Roi René - 84000 Avignon

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