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La publication des articles est conçue selon une alternance entre le culinaire et la culture où prennent place des critiques de spectacles, de films, de concerts, de livres et d’expositions … pour y défendre les valeurs liées au patrimoine et la création, sous toutes ses formes.

dimanche 29 juin 2025

Il Vento, le nouvel album de Wassim Soubra est un pont entre l’Orient et l’Occident

J’ai été charmée par Il Vento, un voyage musical aux évocations cinématographiques, dans lequel le piano de Wassim Soubra dialogue avec le violoncelle de Julie Sevilla-Fraysse, les flûtes (traversière, basse et octobasse) d'Henri Tournier et l'oud de Khaled Al-Jaramani.

Le nouvel album du pianiste et compositeur libano-français, commence par de délicates notes de flute sur Réfractions (piste 1) auxquelles répond le piano puis plus timidement le violoncelle.

Le dialogue se noue ensuite, rejoint par l'oud. Nous sommes néanmoins clairement dans le registre musical du "classique". L'album a été conçu en quatre binômes, et en adoptant la structure du contrepoint, ce qui explique sans doute sa fluidité. On s'aperçoit à peine que nous sommes passés d'un morceau à un autre. Il aura fallu que le tempo de Fluctuations (piste 2) s’accélère un peu pour qu’on le remarque. Ensuite le ralentissement final à partir de 4 minutes 30 permet cette fois de comprendre qu’il va s’achever.

Voici donc un second tandem avec Azur (piste 3) et Alizé (piste 4). De fait l'oud s’impose en majesté sur Azur et nous fait réaliser qu'on a basculé dans un autre registre. Peut-être aussi parce que cet instrument est moins familier à nos oreilles. Quant à Alizé, c’est un morceau complètement différent. On y perçoit de la joie, une pointe de mélancolie et quelque chose d’entrainant, comme une danse.

Les premières notes du pêcheur solitaire (piste 5) m’ont laissé croire que c’était une reprise de La chanson des vieux amants (1967), si bien interprétée par Jacques Brel lorsqu’il promet :

Mais mon amour
Mon doux, mon tendre, mon merveilleux amour
De l'aube claire jusqu'à la fin du jour
Je t'aime encore tu sais.


J’ai aussi reconnu sur Anima (piste 7) à 2 ' 06 (et 4' 42) quelques accents de l'hymne anglais.

On adore Il Vento (piste 8) qui donne son nom à l'album et qui semble être la synthèse de tout ce qui précède en nous invitant lui aussi à danser.

L’ensemble nous fait penser tour à tour aux couleurs orientales d'un Anouar Brahem, aux ambiances éthérées d'un Tigran Hamasyan ou encore à la poésie d'un Claude Debussypour peu qu'on accepte de fermer les yeux pour se laisser emporter par la magie de ces compositions uniques.

Wassim Soubra est né à Beyrouth. Initié au piano dès l’âge de 4 ans, il quitte le Liban en 1974 en raison de la guerre civile et s’installe en France, où il poursuit des études de droit. Diplômé en 1978, il retourne à Beyrouth, où sa passion pour la musique et le piano prend un tournant décisif. En 1980, il est admis au Conservatoire de musique de Boston, marquant le début d’un parcours musical prometteur.

Deux ans plus tard, il s'installe à Paris pour approfondir ses études de piano à l’École Normale de Musique, où il obtient en 1986 une licence en pédagogie pianistique. Parallèlement, il se forme à la danse et explore l’art du mouvement pendant dix ans, une expérience qui enrichit sa pratique musicale. C’est dans ce cadre qu’il découvre l’improvisation, un terrain fertile pour son évolution en tant que compositeur..

Wassim Soubra poursuit ensuite sa formation en composition musicale à la Schola Cantorum de Paris sous la direction de Pierre Doury et Michel Merlet. Il y étudie le contrepoint, l’harmonie et l’orchestration, perfectionnant ainsi sa maîtrise des codes de la musique classique occidentale, tout en y intégrant les sonorités et traditions orientales.

Il écrit pour le piano solo, des trios, des quatuors et des quintettes, mais aussi pour des œuvres plus vastes comme des opéras et des oratorios. Il utilise la grammaire musicale classique pour tisser des récits ancrés dans la mythologie, traduire les échos de son enfance et créer des paysages sonores culturels alliant traditions et modernité dans une harmonie captivante. Ses compositions, marquées par un dialogue subtil entre Orient et Occident, se distinguent par leur mélodies pures qui plongent la musique classique aux confins de la musique du monde avec une large richesse narrative.

Artiste de scène accompli, il présente ses œuvres en solo ou en collaboration avec des ensembles prestigieux, se produisant dans des lieux et festivals renommés à travers le monde : le Palais de l’UNESCO à Paris, le Cadogan Hall à Londres, le Festival de Baalbek au Liban, le Festival de musique arabe de Montréal, ou encore le Festival de l’Union européenne à Paris.

Wassim Soubra s'est fait connaître du grand public au début des années 2000 avec son projet Bach to Beirut qui rendait hommage à la musique de J.S. Bach sur des consonances orientales (piano, oud, percussions). S'ensuivit un album de piano solo produit par l'Institut du Monde Arabe (Sonates Orientales) qui lui ouvrit les portes des grandes salles de concert.

Il Vento de Wassim Soubra
Sortie le 13 juin 2025 en digital

Le musicien va jouer plusieurs morceaux de l’album dans un lieu intimiste, ce samedi à 15h au Studio de Meudon au 37 rue d’Arthelon à Meudon.
Concert le 3 décembre 2025 en l’église Saint Julien le Pauvre de Paris
Les 5 et 6 décembre dans le grand auditorium de Clamart

samedi 28 juin 2025

Les carnets de cuisine de Monet

J'ai voulu faire une digression à propos des Carnets de cuisine de Monet qui vienne en complément de la visite de Giverny (article détaillé ici).

Je sais bien, mais vous l'ignorez peut-être, combien le potager était essentiel pour cet homme amateur de bonne chair. Hélas les terrains ont été vendus et il n'en subsiste que le souvenir.

Vous me direz que les deux jardins, le Clos normand comme le Jardin d’eau, sont de toute beauté et méritent très largement le voyage. La maison aussi. Mais j’ai malgré tout souhaité faire un focus sur un aspect qui ne soit pas que décoratif en perçant les secrets gourmands de cette famille à partir du carnet de recettes de Claude Monet.

Sa maison était un endroit où il faisait bon vivre. Si le paysage a son importance pour charmer nos yeux, une basse-cour et un potager étaient d’autant plus essentiels à l’époque qu’on ne décrochait pas son téléphone pour se faire livrer.

Monet avait des préférences très affirmées. C’est pourquoi il accordait un grand soin au potager sur lequel régnait Florimond car il tenait à ce que sa cuisinière Marguerite aient toujours sous la main les fines herbes dont il usait abondamment. C’était lui qui choisissait les graines et les plants, les pots, les cloches à melon … tout le matériel.

Chaque année voyait pousser brocoli, estragon, plusieurs variétés de tomates de différentes couleurs, artichaut, aubergine, poivron et piment doux, fèves et févettes, crosnes, laitue blonde de Versailles, choux-fleur nains et le moindre légume devait toujours être cueilli au bon moment.

Le peintre ne mettait jamais les pieds dans sa cuisine qui était le domaine de Marguerite et n'a donné son nom à aucun plat mais il adorait manger et recevait fréquemment les membres de sa famille … tout comme Clemenceau, Renoir, Pissaro etc … Le dernier film de Martin Provost, Bonnard, Pierre et Marthe nous le montre bon vivant, capable d’acheminer par barque un repas complet.
Il est très probable qu’il accordait de l’importance à la présentation. En effet il avait discuté des teintes des peintures extérieures et intérieures avec le peintre en bâtiment du village. Il opta pour des volets verts néti sur des murs ocre rose, des couleurs claires à l’intérieur, sauf pour la salle à manger jaune de chrome, avec un décor de meubles peints du même jaune que les murs.
Monet se lève et se couche tôt pour profiter au mieux de la lumière du jour. Le déjeuner a lieu à 11 h 30 pétantes et c'est à ce repas là qu'il reçoit, jamais au dîner qui est servi à 19 heures. Une exception est consentie le jour de Noël où le déjeuner a lieu à midi. On y sert la rituelle glace à la banane, évidemment réalisée dans la sorbetière de la maison, où la glace est moulée en forme de pain de sucre.
Le dimanche on utilisait le service bleu de la manufacture de Creil à motifs japonais de cerisiers et éventails bleus foncé stylisé. Le service de porcelaine blanche à large marli jaune et filet bleu est réservé aux fêtes et invités de marque.
La cuisine est restée bleu cobalt avec un carrelage de Delft, une suspension en porcelaine blanche et la fenêtre est voilée de Vichy du même ton.
L’équipement n’est pas montré aux visiteurs, hormis une turbotière de cuivre en forme de losange que l’on devine posée sur la droite du meuble ci-dessous. Elle a dû beaucoup servir. Comme la véritable sorbetière et d'un moulin à noix de muscade.
Chaque jour Marguerite prépare une entrée chaude, un plat de viande ou de poisson, un légume, une salade et chaque jour un dessert différent, sans oublier les gâteaux pour le thé. Notez que le jardin est en contrebas de la maison et s'admire depuis la terrasse. Dès que la météo le rend possible le thé (de chez Kardomah, donc en provenance directe d'Angleterre) est servi au jardin avec des scones, madeleines et/ou génoise.
Le soir le potage est incontournable, un plat d'oeufs, un plat de résistance, une salade et fromage, parfois un dessert ou un fruit au sirop. Et tout cela toujours pour au moins 2 adultes et huit enfants !

Monet aime les asperges à peine cuites, découpe lui-même les viandes, raffole des champignons, use abondamment de poivre. Il a plusieurs manies comme la cuisson vapeur pour les endives, haricots verts et épinards. Il sert souvent un turbot à ses invités qui auront en dessert la surprise du fameux gâteau Vert-vert à la crème de pistache … et aux épinards.
Tout près, les basses-cours où on élève dindons, canards natais ou mandarins, trois ou quatre races de poules, des Houdan, des Gâtinaises blanches, des Bresse noires et des Cayennes. Il faut dire que la consommation d’œufs est colossale chez les Monet. On remarque d’ailleurs dans l’office des placards spécifiques pour y stocker plusieurs douzaines.
Il n’y a pas de clapiers, Monet ne mange que des garennes. Par contre moult arbres fruitiers parce qu’on en servait régulièrement. Les grappes de raisin sont accrochées à une corde tendue pour les conserver à la chaleur et à l'abri de l'humidité.
Les pêches Bourdaloue sont traditionnellement le dessert du dimanche en été (p. 160). Mais il y a aussi de très simples desserts comme les croutes aux pêches (p. 168) ou les oreillons cuits au four sur du pain rassis. Claude Monet a régulièrement peint des scènes de déjeuner et collectionnant des natures mortes montrant des fruits, comme cette Nature morte avec des poires de grenade de Paul Cézanne (1890)
Parmi les plats qui seront posés sur la table on trouvera la bouillabaisse de morue de Cézanne, la soupe à l'ail (et persil p. 113), le cassoulet de Lucien Guitry, la palette de porc Sacha Guitry et de très étonnants oeufs Orsini dont le jaune est cuit dans des nids formés dans la masse des blancs montés en meringue.
Si vous voulez vous mettre dans l’ambiance d’un repas comme Monet les aimait vous pouvez au printemps prochain faire un potage à la dauphine : 500 grammes de navets nouveaux grattés et lavés mis dans une grosse noix de beure à feu doux. On les passe à l'étamine quand ils s'écrasent sous le doigt. On remet au feu avec la même quantité de beurre ou deux tasses de crème. Bon appétit !
La maison et les jardins de Claude Monet – Giverny sont ouverts tous les jours :
Du 1er avril au 1er novembre 2025
De 9h30 à 18h, dernière admission à 17h30
Durée de visite recommandée : 1h30 à 2h (visite libre non guidée)
84 Rue Claude Monet, 27620 Giverny -  02 32 51 28 21

vendredi 27 juin 2025

Les Berlinoises de Inga Vesper

D’Inga Vesper j’avais lu Un destin sauvage, si sauvage et je retrouve avec Les Berlinoises, un roman qui est encore une fois policier et historique où les personnages féminins occupent le devant de la scène. Mais nous avons changé de décor, d’époque et de thème.

L’autrice s’est inspirée de la vie d’une ancêtre (je me suis demandé si ce n’était pas Rike lorsque celle-ci livrera sa confession, mais peu importe au final). L’idée lui en est venue en se souvenant du moment où elle feuilleta l’album-photo de sa grand-mère. Elle la découvre en tenue folklorique avec ses amies dans une clairière faisant toutes le salut nazi. Inga n’avait que quatorze ans mais comprenait l’enjeu de la situation. Sa grand-mère ne lui répondit pas directement quand elle lui demanda si elle avait été nazie. Elle fit claquer l’album en commentant, sous forme d’aveu, nous nous sommes bien amusées aussi, ce n’était pas si terrible

La romancière a composé une histoire en comblant des pans entiers en faisant preuve d’une imagination qui sonne juste. Elle situe le roman à Berlin en 1946 et la ville, qui est quasiment un personnage à elle seule, est loin d’avoir retrouvé le calme et la sérénité d’avant guerre. La défaite est douloureuse, surtout pour les femmes chargées de déblayer les décombres, pierre après pierre, dans un hiver glacial. Malgré le réchauffement fugace avec un lait de poule préparé avec de l’alcool dénaturé, des œufs reconstitués et du mauvais sucre. Tout homme est à craindre, en premier lieu les Ruses qui, entrés les premiers dans la capitale, se sont servis en vainqueurs sans conscience. Ils ont volés ce qui restait à prendre et n’ont pas hésité à violer les femmes qui les craignent plus que quiconque.

Je n’ai pas été surprise par cet aspect qui était présent dans le formidable livre Une femme à Berlin. Journal 20 avril-22 juin 1945 (Traduit de l'allemand par Françoise Wuilmart, Présentation de Hans Magnus Enzensberger, Gallimard, 2006). Pour lire d’autres articles consacrés à Berlin, suivre le lien.

Les principales héroïnes s’allient pour survivre dans la ville en ruines. Vera Klug a eu l’idée de proposer une maison en colocation à six autres femmes. C’est une ancienne actrice qui a eu une brève heure de gloire dans La croisière au soleil, un film qui s’avérera être de pure propagande. Aujourd’hui Vera chante pour les Yankees et reste en quête de rédemption. Hélas, sa mort, suspecte, bouleverse le fragile équilibre de la maisonnée. Chaque femme a quelque chose à se reprocher et toutes sont soupçonnées.

Les Américains se sont fixés l’objectif de dénazifier la population en la soumettant à des interrogatoires qui se concluent la plupart du temps par la classification en catégorie IV et la mention « suiviste » après la crainte que ce soit pire (Il y avait cinq catégories : Principaux Coupables, Charges Importantes, Charges mineures, Suivistes, Non Concernés, apprend-on p. 143). Il est donc relativement facile d’obtenir le certificat dit Persil (en référence au slogan de cette lessive qui promettait de laver plus blanc que blanc) pour tant d’allemand(es) qui ont regardé sans rien dire alors qu’ils auraient pu empêcher le pire (p. 158).

C’était trop monstrueux dira une femme. Trop humain, répondra le soldat américain chargé de l’interroger. Il ajoutera : On ne peut pas punir tout le monde (p. 384). Ce qui est très bien amené par Inga Vesper c’est que le lecteur ne sait pas si c’est une aberration de plus dans un monde qui persiste à marcher sur la tête ou s’il peut s’en réjouir au motif que les protagonistes ont la vie dure et qu’il faut bien tourner la page.

Beaucoup estiment qu’il ne faut rien oublier. Vous marcherez chaque jour sur des tombes. Vous essayerez sans doute d’enterrer le passé, d’empiler les briques pour bâtir le futur sur le bord de la route, mais les morts … Ils seront toujours là, remontant vers la surface. Ils ne vous quitteront jamais. Vos péchés ne seront jamais pardonnés (p. 123).

Plusieurs hommes interviennent dans l’histoire. Côté allemand, on découvre Ernst Mückler, le mari disparu d’une des colocataires et le redoutable Erich William Fischer, ex-Oberbefehlsleiter du Parti national-socialiste, section Berlin-Centre dont Vera semble avoir été très proche. Côté forces alliées il y a le sergent Coston qui, lui aussi sera victime d’un meurtre, et Billy Keely, le soldat américain tout droit arrivé du fin fond du Kentucky, à l’esprit raciste mais possiblement évoluable.

Il va entraîner le lecteur dans son enquête pour démasquer le ou les coupables des deux meurtres et nous verrons bien s’il existe un lien avec des crimes de guerre. Une carte des lieux aurait facilité la compréhension des déplacements.

Il y a (bien entendu) des passages absolument horribles comme l’était -on le sait- la vie dans les camps. Le plus terrible est de lire que, même après l’armistice, des soldats allemands continuent à en rire. Même quand on est au courant de la vérité tant de souffrance demeure inimaginable. On peut continuer à s’interroger alors que des conflits armés secouent encore le monde.

Les Berlinoises de Inga Vesper, traduit de l’anglais (Royaume-Uni) par Thomas Leclere, Éditions de La Martinière

jeudi 26 juin 2025

Premier album de Lone Wolf & Rice Fab

Si vous aimez les voix rauques, le blues, et particulièrement celui qu'on appelle Delta blues alors ne manquez surtout pas le nouvel album éponyme de Lone Wolf & Rice Fab.

Peut-être convient-il de préciser avant de poursuivre qu'il s'agit d'un des premiers styles de blues né dans les années 1920 et tenant son nom du Mississippi Delta, une région en forme de delta du nord-ouest de l'État du Mississippi, entre Vicksburg et Memphis d’où les musiciens étaient originaires.

Le duo est pourtant tout ce qu'il y a de plus nantais mais Thierry Gautier (guitare, voix et stompbox) et Fabrice Leblanc (harmonica) font preuve d’un savoir-faire hors pair qui n'a pas échappé à leur nouveau label, Rock’n’Hall de Dixiefrog (Popa Chubby, Neal Black, Fred Chapellier, …).

Les deux compères partagent une même passion pour le blues acoustique. Lone Wolf chante et joue de la guitare tandis que Rice Fab excelle à l’harmonica. Les connaisseurs vous diront qu'ils leur rappellent l'art de plusieurs grandes figures les plus influenes de l'histoire du blues. A commencer par le guitariste et chanteur Robert Leroy Johnson, (1911-1938) qui n'aura pourtant commencé à enregistrer des disques que deux ans seulement avant sa mort. Qui sait si cela alimenta sa légende ? Toujours est-il qu'il fut une grande source d'inspiration pour des artistes comme Jimi Hendrix, Jimmy Page, Bob Dylan, Brian Jones, Keith Richards ou encore Eric Clapton … et aujourd'hui les deux nantais. Il est classé cinquième meilleur guitariste de tous les temps en 2003 par le magazine Rolling Stone.

On pourrait citer aussi Edward James House, Jr., plus connu sous le nom de Son House, (1902 -1988), remarqué parmi les musiciens du Delta pour son chant et son jeu de guitare très expressifs. Et puis Nehemiah Curtis "Skip" James (1902-1969) chanteur, guitariste, mais aussi pianiste et compositeur.

L’album commence avec Going Down my Dusty Road (piste 1) qui donne bien le ton mais très vite Story of a Man (piste 3) nous propulse directement en arrière et outre atlantique. Chacun des morceaux de cet album est ancré dans le style particulier du Delta Blues et deux d'entre eux font directement référence à ce style musical. Qu’il s’agisse des instruments, de la manière de les jouer, de celle de chanter et du rythme des compositions. Les thèmes abordés sont autant d'hommages à l’esprit de Robert Johnson sans qu’à aucun moment on ne soupçonne un défaut d’inspiration.

La rencontre entre les deux artistes s’est faite pendant le Covid, Les enregistrements se sont ensuite étalés sur 3 ou 4 séances. Le résultat est désormais dans les bacs à portée de main des amateurs de blues, et prêt à séduire ceux qui ne connaissent pas encore le type de musique si particulier du Delta.

Lone Wolf & Rice Fab disponible chez Rock’n’hall / Dixiefrog
Sortie juin 2025

mercredi 25 juin 2025

Un menu orchestré autour des vins du domaine Ousyra

Quand on a la chance de rencontrer un exploitant comme Edward Maitland-Makgill-Crichton et de déguster ses trois cuvées d'exception on a forcément envie d'imaginer un menu qui les mettra en valeur.

La dégustation avait été orchestrée dans la nouvelle boutique Mavrommatis du 260 Rue du Faubourg Saint-Honoré. Je ne reprendrai pas la totalité de l'article que j'ai consacré à l'histoire du domaine, implanté sur l'île de Syros, et sur ses spécificités, mais je résumerai l'essentiel.

Le Serifiotiko blanc sec 100% Serifiotiko (franc de pied) du domaine Ousyra (Ουσύρα) est un vin rare aux arômes frais de citron et poire, avec une minéralité marine.

Le Serifiotiko est un cépage ancien, non greffé et rare. Le nez offre des arômes frais et croquants de zeste de citron, de poire et d’herbes fraîches qui vont jusqu’à m’évoquer le dictame, une plante voisine de l’origan et qui pousse en Crète. La proximité du vignoble avec la mer donne au vin une minéralité et une salinité rafraîchissantes, reflétant pleinement le caractère unique du terroir cycladique.

Ce vin qui incarne le terroir de Syros est parfait pour les fruits de mer mais aussi les plats frais. J'ai choisi de le servir avec une assiette de crudités bayadère
Pour réaliser cette assiette j’ai superposé plusieurs couches de légumes finement découpés en lamelles ou en tranches à la mandoline. J’ai utilisé (mais ce n’est qu’indicatif) : de la salade Trévise (intéressante pour ses couleurs rouge et blanche et pour son amertume), du chou vert râpé (qui suscitera l'étonnement), du fenouil, du concombre, des tomates anciennes rouge, orange et jaune, tous ces ingrédients auront été mélangé délicatement avec une vinaigrette moutarde, puis des lamelles d’oignon confites dans une bonne huile d'olive, par exemple crétoise.
J'ai ponctué la salade d'un petit oignon rouge au vinaigre coupé en quatre, d'un câpre à queue et de trois sortes d'olives, provenant toutes de la boutique Mavrommatis. L’une d’elles, de couleur beige, est fortement pimentée et jouera la surprise.
J’adore la Kalamata, une olive qui bénéficie d’une AOP - Grèce, de couleur presque violette avec une chair ferme et généreuse, une texture lisse et charnue et un goût incomparable. Elles sont récoltées et préparées à Kalamata dans le sud du Péloponnèse. Mais cette fois je lui ai préféré la Volos, originaire des environs de Delphes et du Mont Parnasse. Une olive ronde et charnue à la chair douce et moelleuse.

J’ai ajouté quelques olives-prunes, qui sont de très grosses vertes biologiques d'une variété ancienne et rare cultivée dans la région de Mycènes par un seul producteur.

Ces condiments répondaient aux arômes de citron, de pêche, de coing, voire de pierre mouillée. Avec sa bouche vive et l’élégance de sa salinité ce vin a réussi à convaincre toute la tablée. Les assiettes étaient un peu longues à préparer et à dresser mais ce vin les méritait et a réagi à chaque bouchée.
Le Monemvasia blanc BIO du domaine Ousyra (Ουσύρα) bénéficie d’une Indication Géographique Protégée - IGP Cyclades. C’est un vin frais et généreux aux arômes de fruits et de fleurs d’été, parfait pour accompagner des fruits de mer et des plats légers.

Ce vin blanc bio révèle un nez intense aux arômes de pomme, poire, agrumes et fleurs d'été. En bouche, il est généreux avec une belle matière, une acidité franche et un équilibre harmonieux. Une pointe de minéralité et une légère salinité viennent sublimer l'ensemble, apportant fraîcheur et complexité.
C'est un vin que j'avais déjà goûté il y a quelques années et dont je me souvenais parfaitement. J'ai eu envie de le servir sur du saumon cuit en papillote au fenouil (trois minutes de cuisson au micro-ondes) et à l'aneth, citron, noisettes torréfiées, brocolis vapeur (trois minutes de cuisson suffisent également).

Voilà d'ailleurs une recette ultra rapide et qui ne réchauffera pas votre cuisine. Le plus long est de torréfier les noisettes.
La cuvée 2024 se distingue par ses arômes de poire, de bergamote, d’herbes citronnées. La finale reste minérale mais j’ai remarqué une petite variante fort agréable avec une texture presque cireuse, 

Le Fokiano rosé sec 100% Fokiano (franc de pied, ce qui signifie non greffé) du domaine Ousyra (Ουσύρα) bénéficie d’une Indication Géographique Protégée - IGP Cyclades et c’est un rosé rare qui exprime une authenticité unique.

La cuvée 2023 a été salué pour sa couleur saumonnée, son acidité rafraîchissante et ses délicieuses notes de fruits rouges et d'agrumes. Attention son degré d'alcool est important : 14% vol.

Sa robe saumonée et sa palette aromatique riche mêlant fruits rouges, pêche et agrumes associés à des notes de fleurs séchées en font un vin original et élégant. En bouche, il présente une acidité bien équilibrée et une longueur persistante, idéales pour la gastronomie des Cyclades et bien au-delà.
On le dit parfait pour accompagner des plats de la mer ou des viandes légères. Mais sa qualité primordiale est qu'il peut être un vin de repas, c'est-à-dire un menu entier. J'ai voulu le tenter sur un dessert de fruits, une compotée froide de fruits rouges et pastèque fraiche, et il a fait merveille.
Cave Mavrommatis Passy 70 Avenue Paul Doumer, 75116 Paris
Boutique Mavrommatis Faubourg Saint-Honoré du 260 rue du Fg Saint-Honoré, 75008
Boutique Mavrommatis Censier 47, rue Censier 75005 Paris
Domaine Ousyra  - contact@ousyrawinery.com - tel: +30 697747 3967

Photos prises avec un verre de dégustation Riedel "Chardonnay"

mardi 24 juin 2025

Je suis retournée à Giverny

Giverny est un lieu mythique. C’est là que Claude Monet, qui employait quelque 7 jardiniers à l’année, a composé un jardin à la manière d’une palette, avec une multitude de touches de couleurs.

Et quand on songe qu’aucune plante ne fleurit à longueur d’année il est facile d’imaginer l’énormité du travail pour obtenir un "beau" résultat chaque saison. On parle d’un jardin mais il y en a en réalité deux, le Clos normand qui est en bordure de la maison familiale et le Bassin des Nymphéas ponctué de ponts japonais enjambant le cours d’une petite rivière.

On doit à de multiples personnes le bonheur de visiter ces lieux et j’en trace le portrait en annexe. Je ne vais pas non plus reprendre ici ce que vous pouvez lire partout sur Internet. Je ne donnerai pas de dates ni de chiffres. Je n’ai aucune ambition d’exhaustivité. Je vais juste vous prendre par la main pour vous conduire dans ce merveilleux endroit et provoquer, je l’espère, l’envie de vous y promener tout seul.

Aucune espèce n’est privilégiée parmi les milliers représentées. On remarquera cependant une multitude de coquelicots dont certains semblent rares. Ce n’est pas une surprise. On sait combien le peintre les aimait. Il a créé plusieurs nouvelles variétés. Papaver x moneti a fait l’objet d’un enregistrement en bonne et due forme mais, parce qu’il n’existe pas de conservatoire, cette espèce a désormais disparu.

Il n’y a pas de date idéale pour venir et c’est tant mieux. Sachez juste qu’à partir du 1er novembre le bâtiment est fermé au public, que les tracto-pelles se mettent vite à l’ouvrage et que très vite la terre apparaît dans sa nudité avant d’être mise au repos. Vous ne verrez donc pas de pont japonais sous le givre. Si vous avez envie d’une telle image il vous faudra aller par exemple à l’arboretum de Châtenay-Malabry qui est, lui, ouvert toute l’année mais qui n’a pas la même ambition.

Ici l’objectif est de composer un fouillis organisé m’a expliqué un jardinier. La chose n’est pas très compliquée et vous pouvez appliquer la recette à votre propre jardin, même s’il est modeste. Il faut pour cela y planter des arbustes choisis pour la variété de leurs feuillages. Puis ajouter des vivaces, c’est à dire des plantes qui seront permanentes et qu’il conviendra seulement de "rabattre" de temps en temps comme les aulx, bambous, arnica, capucine (bien qu’on la cultive souvent comme une annuelle), chrysanthèmes, dahlias, hibiscus, hortensias, marguerites, millepertuis, hostas, agapanthes, lavandes, sauges, échinacées, rudbeckias, hémérocalles, alstroemères, anémones du Japon … la liste est très longue.

Pour ma part j’adore les sedums, si beaux à l’automne, l’agastache, les achillées, les géraniums permanents qui satisfont très vite quiconque pense ne pas avoir la main verte, tout comme les escholzias qui se ressèment tout seuls, les asters qui existent dans une immensité de nuances, les gauras, la persicaire (que j'ai beaucoup remarquée à Giverny).

Je n’ai pas pour ambition de vous donner un cours de botanique mais je vous mets en garde. Les plantes sont voyageuses. Certaines vont migrer, et se ressemer toutes seules plus loin comme le gaura. D’autres disparaissent en hiver et repoussent spontanément comme les asters. La rose trémière ne se développera que là où elle l’aura décidé. C’est une précaution de prendre des photos, de faire des croquis ou de placer des repères de manière à ne pas tout détruire au printemps suivant.
Ensuite, et si on cherche à avoir des massifs très fleuris, on plantera chaque année les annuelles dans les interstices. Plusieurs barquettes de petits bégonias rouges ont d'ailleurs été déposées sur une portion de pelouse.

La question que tout le monde pose est de savoir -puisqu’on parle de restauration- si les jardins ont été recréés à l’identique. Il faut avoir conscience que c’est une utopie. Gilbert Vahé, chef jardinier historique de la restauration du domaine, où il a travaillé 43 ans, et que j’ai eu la chance de pouvoir interviewer, m’a confié que la tentative de reconstitution a été une catastrophe surtout parce que le climat a véritablement trop changé. Il a fallu faire machine arrière.

Mais il est vrai que les jardiniers du peintre récoltaient les graines pour en effectuer des semis et replanter l’année suivante. Ils repéraient les variations et sélectionnaient. Il y a eu ainsi des créations de variétés de cosmos, ce qui est méritoire car la création de nouvelles variétés d’annuelles est très longue et exige beaucoup de place. La création d’hybrides naturels est plus facile pour certaines plantes, comme les iris (je signale d’ailleurs que l’arboretum de Roger de Vilmorin à Verrières-le-Buisson en contient 940 variétés différentes qui offrent toutes des fleurs différentes).

Il serait illusoire de recréer un jardin à l’identique de ce que les yeux des Monet ont pu admirer. Comme je l’ai mentionné plus haut, une variété de pavot a disparu. On a dû aussi se passer de toutes les plantes qu’on ne trouve plus. Et puis quelles fleurs mettre en avant quand on sait que Monet a eu des périodes d’intense collection … par exemple de dahlias et d’iris. La mode a évolué et il faut bien se conformer au système de sélection qui est désormais imposé. Pour le dire simplement, il était facile autrefois d’obtenir des variétés nouvelles et plus résistantes. Un maraîcher qui faisait pousser des poireaux conservait les plus beaux pour les faire monter en graines et vendait les autres. Au bout de plusieurs années, par sélections successives, il finissait par obtenir des variétés nouvelles et plus belles. Maintenant, les commerciaux créent des hybrides qui ne peuvent pas se reproduire si bien qu’il faut acheter des graines ou des plants chaque année. C’est pareil pour les fleurs dites annuelles.

On divise les vivaces au moment du labour. Mais on ne récupère pas les annuelles, les bisannuelles ni les bulbes. Tout simplement parce qu’on obtiendrait vite des mélanges qui ne garantiraient pas la couleur d’origine. Les parterres seraient ponctués de taches inopportunes.

On travaille donc "au listing" (de bulbes, vivaces, annuelles) mais ça ne signifie pas pour autant qu’il est facile d’avoir ce qu’on recherche en rachetant chaque année car les producteurs ne tiennent pas toujours parole et que les surprises sont fréquentes.

Regretter ne servirait à rien. Il faut tout miser sur l’organisation de l’espace et viser à recréer l’émotion que Monet avait voulu insuffler. Et c’est finalement la période de la fin de sa vie qui a été retenue pour recomposer les jardins.

Par contre les plantes ne sont pas achetées toutes prêtes à Rungis. Il est primordial de continuer à les produire sur place à partir de graines ou de jeunes plants pour maintenir le savoir-faire, et aussi conserver des plantes qui, sinon, disparaîtraient…. Ce sont ainsi plus de 200 000 plants qui sortent chaque année des serres en dehors des bulbes et de certaines vivaces.

On plante de mai jusqu’au 14 juillet en prélevant dans les serres pour pallier le piétinement. Les jardiniers sont moins dans les jardins en période de production, forcément. De même en automne pour les bisannuelles (semis et repiquage par exemple des œillets de poète et myosotis).
Commençons par le jardin d’eau

On y accède en toute sécurité par un souterrain qui a été créé de toutes pièces. C’est dans cet espace que se trouvent les bambous qui sont eux aussi un éternel sujet de conversation parmi les visiteurs et les guides, mais ils sont bien là depuis toujours. Plantés sous la direction du peintre, ils se sont régénérés d’eux-mêmes en produisant de nouvelles pousses chaque année. On peut donc affirmer qu’ils figurent parmi les rares végétaux encore d’origine, en compagnie des glycines et de quelques vieux arbres. C’est l’endroit où poussent encore les saules qui correspondent le plus au jardin historique mais il n’est pas facile de les maintenir en raison du pourrissement des racines. Par contre les deux ifs qui montent la garde près de la maison d’habitation sont antérieurs à l’arrivée de Claude Monet dans cette propriété.
Les hémérocalles (fleurs oranges) se plaisent le long des berges. Elles sont éphémères mais si abondantes que la plante est constamment en bouquet. Comme indiqué plus haut, on ajoute en ce moment des plantes annuelles. Cela se fait depuis le cours d’eau, à bord d’une barque.

lundi 23 juin 2025

La rentrée littéraire automnale de l’Ecole des loisirs #1 Les albums

C’est un grand plaisir de se rendre au rendez-vous annuel de L’école des loisirs. On sait qu’il nous donnera envie de lire et de faire lire.

Ce matin avait ainsi lieu la présentation de quelques ouvrages qui paraîtront à l’automne chez cet éditeur en compagnie de leurs auteurs … car les petits aussi ont droit à leur rentrée littéraire.

Comme le soulignait fort justement Louis Delas, Directeur Général de l'école des loisirs : si les turbulences du monde ont de graves conséquences, le besoin d’histoires des enfants est immuable car le livre leur offre un espace de grâce et de liberté inimitables.

C’est parce que les albums sont un genre pour lequel j’entretiens une passion depuis plus de trente ans que je commence par eux mais je parlerai d’autres ouvrages dans un prochain article.

Nous étions rassemblés au Solaris (25 rue Boyer 75020 Paris), une salle qui a retrouvé son atmosphère années 20 et dont je rappelle l’histoire en fin d’article.

Susie Morgenstern était invitée pour l’ensemble de son œuvre et pour présenter Addictions anonymes (dont il sera question dans le prochain article). Elle a fait bien davantage en véritable maîtresse de cérémonie, intervenant ponctuellement, toujours avec pertinence et son humour si rafraîchissant, et dans un français impeccable, si joliment chantant.

Son obsession est de faire entrer les enfants dans les librairies et ne manque pas d’idées pour les pousser vers les livres. Elle n’a vu pas hésité à payer ses enfants pour qu’ils lisent quand ils avaient 7-8 ans et se félicite aujourd’hui de sa méthode.

Quel bonheur qu’elle ait accepté de repousser ses vacances pour être parmi nous et avec quelle finesse elle a répondu aux questions de Gaëlle Moreno (ci contre) la responsable de la promotion de la lecture chez cet éditeur avant de se soumettre à l’exercice du portrait composé par Maya Michalon, animatrice littéraire mais aussi éditrice à l’Ecole des loisirs.
C’était sans doute la meilleure personne pour le faire quand nous avons appris qu’elle connaît personnellement l’auteure depuis l’âge de 11 ans … première romancière qu'elle rencontra en chair et en chair comme elle le lui rappela avec tendresse.

C'est en chaussant des lunettes aux verres en forme de coeur qu'elle nous a tracé les grandes étapes et les moments les plus drôles du parcours de cette auteure majeure qui a publié plus de 160 livres, tous éditeurs confondus. Je vous renvoie au petit livret Mon écrivain préféré qui lui est consacré.

Ces lunettes sont tout à fait indissociables de Susie qui les a adoptées comme fétiche depuis l'âge de 13 ans, parce qu'en raison d'une très forte myopie il  lui a fallu accepter de porter des lunettes qui ne soient pas tristes. On retrouve souvent ce motif du coeur sur les couvertures de ses romans. Elle pense que ça vient peut-être de la Saint-Valentin qui est une immense fête aux Etats-unis depuis l'école primaire, bien davantage que Noël. Tout y est en forme de coeur et dans sa maison Susie tout est en forme de coeur aussi.
Elle se souvient de son bonheur d'aller à l'école, une batte de baseball dans le cartable. A l'école on n'apprenait rienmais dans la joie dit Maya avec l'accent. Susie confirme que si en France on quitte ses enfants en leur disant "Travaille bien" dans son pays c'est un tout autre discours : "Have fun" qui alimente une injonction au bonheur comme les Dix commandements. Sauf que Be happy a des effets néfastes au final.

Elle admet une gourmandise sans vraie limite, mais elle se justifie en soulignant qu'elle nourrit quelques-uns de ses livres.

Elle a déjà co-écrit avec ses filles et une petite-fille. Elle ambitionne un grand projet de roman avec son petit-fils Sacha qui pourrait s'intituler La retraite à treize ans … à condition que l'enfant arrête d'inventer de nouveaux personnages.

Je vous le conseille : écrivez avec vos enfants, votre mari. Vous entrerez dans leur tête (sous-entendu bien mieux qu'en tentant de leur soutirer des confidences).
Susie s’est enthousiasmée pour Audrey Poussier, autrice-illustratrice invitée pour son album à paraître le 20 août, Le jeu du plus qu’un jour dont elle a découvert l’objet-livre ce matin. Elle a souligné l’efficacité de la mise en scène de l’autrice pour inciter à tourner les pages (et à revenir en arrière) et qui apparaissait moins avec un fichier numérique. Elle a complimenté Audrey, la qualifiant de David Hockney de l’illustration. 

Interviewée par Morgane Vasta, Audrey a confié que l’ouvrage a réclamé deux ans d’exploration et de recherche. Il est, à l’instar de Trois chatons dans la nuit, illustré à la peinture à l’huile … après avoir employé l’aquarelle et les encres pendant vingt ans. Le changement de médium a réduit le nombre de dessins préparatoires. 
Le point de départ du livre fut un imagier pour célébrer le plaisir de peindre des objets du quotidien porteurs d’une forte charge affective. C’est devenu un jeu semblable à celui auquel elle jouait avec le catalogue de la Redoute : tu dois choisir un seul article par page. 

Le jeu du plus qu’un jour fait dialoguer deux enfants qui construisent les règles au fur et à mesure. Ils apprivoisent ainsi la disparition de la présence avec un côté vivant et joyeux qui contrebalance la tristesse de prochain départ.

Chaque illustration fonctionne comme une matière morte dans un musée mais qui aurait une âme. Susie nous a fait remarquer que dans son enfance (et dans la nôtre aussi si nous sommes peu ou prou de la même génération) on ne prenait pas des photos à tour de bras si bien que nos chambres défilent mentalement dans notre tête à la lecture de cet album. est comme l'a conseillé si justement la grand-mère de Gaëlle à sa petite fille, tes meilleures photos sont celles que tu as dans la tête.

On pourra transposer le principe dans une cabane, au marché, dans un magasin, à l’école. J’ai adoré cet album qui a restauré mes propres souvenirs d’enfance. Mes grands-parents n’avaient aps beaucoup d’argent et nous faisions du lèche-vitrines le dimanche, mon grand-père et moi, quand les boutiques étaient fermées. Nous ne dépensions rien mais nous revenions riches de tout ce qu’on avait retenu l’un pour l’autre dans chaque magasin. La règle était de se limiter à un objet, un seul … et le choix pouvait durer plusieurs minutes. Ce n’était même pas frustrant tant il est vrai que le rêve est un emprunt fait au bonheur.

dimanche 22 juin 2025

Une librairie Lurçat à côté de la maison-atelier Jean Lurçat

C’est une chance d’avoir pu acquérir cet espace à l’angle entre la Villa Seurat et la rue de la Tombe-Issoire, à une vingtaine de mètres de la Maison-atelier Lurçat, pour en faire une sorte de librairie du XX° siècle.

L'endroit propose depuis décembre 2024 de nombreux ouvrages spécialisés en art et architecture des XX° et XXI° siècle, des publications récentes des membres de l’Académie des beaux-arts. La librairie présente également des produits et objets dérivés inspirés de l’œuvre de Jean Lurçat. Enfin elle organise des évènements culturels et des signatures d’ouvrage.


On ressent une sensation d'espace alors que la salle ne fait "que" 60 mètres carrés. Il faut dire qu’elle a été très bien agencée par Jean-Michel Wilmotte, directeur de la Maison-atelier.

Gérée par l’Académie des beaux-arts, la boutique-librairie Jean Lurçat a ouvert avant la  maison-atelier Jean Lurçat et commence à avoir une vraie clientèle. Le projet était conduit par Jean-Michel Wilmotte et confié à l’équipe d’architectes d’h2o.

J’ai rencontré Maxime Desaulle qui en est le Responsable-adjoint et qui fourmille de projets. Il connait bien l’univers des librairies muséales pour avoir travaillé auparavant au Musée Picasso et au Grand Palais.

L’idée maîtresse est de fonctionner malgré tout comme une librairie indépendante. Le point de départ de sa réflexion s’est fondé sur l’activité principale de Lurçat dans la tapisserie et le textile qui a guidé le premier choix de livres avant d’étendre la proposition aux métiers d’art puis de représenter chacune des sections de l’académie des Beaux-arts : peinture, sculpture, architecture, gravure et dessin, musique, cinéma, danse, photographie et membres libres.

Il existe un rayon classique sur l’histoire de l’art et de l’art contemporain en particulier. On peut donc trouver des généralités pour découvrir chaque domaine, les ouvrages des académiciens et des livres plus pointus. L’endroit est déjà riche de 2000 références et est appelé à encore s'enrichir (comme récemment le rayon du mobilier décoratif) mais il est bien entendu tout à fait possible de commander un ouvrage qui ne serait pas présent physiquement.
Il a ouvert le 17 décembre 2024 et se fait connaitre pour le moment essentiellement par le bouche à oreille mais on peut deviner qu’une présence en ligne sera bientôt effective. J’ai été (agréablement) surprise par l’ampleur du rayon jeunesse.

Des rencontres dédicaces seront programmées à la rentrée. Peut-être des ateliers.
On trouvera aussi des housses de coussin de différentes tailles dont les motifs ont tous été choisis par Simone Lurçat et qui proviennent de cartons ou de morceaux de paravent dessinés par Jean Lurçat. Elles sont réalisées par une maison qui existe depuis 5 générations au 42 Rue Bonaparte, 75006 Paris - 01 43 54 34 20 

Jules Pansu est un éditeur de tissus d’ameublement, de tapisseries, coussins, plateaux et accessoires de décoration,  qui développe des produits originaux et authentiques. Fondée en 1878 à Paris, la Maison a su conjuguer savoir-faire depuis 5 générations.

Bref, voilà une adresse précieuse pour tous les amateurs d'art.
Librairie de la Maison-atelier Lurçat (villa Seurat)
Au 101 rue de la Tombe-Issoire - 75014 Paris
Ouverte du mardi au samedi de 10 à 19 heures, fermeture annuelle en août

samedi 21 juin 2025

Une immersion dans les Cyclades avec le Domaine Ousyra

J’avais apprécié un moment de découverte des vins grecs il y a quelques années mais j'avais bien eu conscience que la Grèce avait une infinité de terroirs dont je ne saisissais pas forcément toutes les subtilités.

J'avais découvert à cette occasion, et en toute modération, quelques vins du Domaine Ousyra. Il est rare que ma mémoire enregistre à jamais un vin en particulier mais ce fut le cas pour le 100% Monemvasia (Malvoisie), aussi aromatique que nos meilleurs Gewurtztraminers, mais plus sec.

Vous devinerez mon enthousiasme à la perspective de revoir ce vigneron qui, comme de nombreux autres étrangers ont choisi Syros comme lieu de vie, et de découvrir les nouvelles cuvées dans la nouvelle Boutique parisienne Mavrommatis du 260 rue du Faubourg Saint-Honoré, et quelques nouveautés de la dernière carte Réception de la maison (encore et toujours de fins délices).
Le domaine mis à l’honneur est un domaine familial implanté au coeur des Cyclades sur l'île de Syros (au sud de la Grèce, entre ce pays et la Crète). Il est dirigé par Edward Maitland-Makgill-Crichton (à gauche sur la photo, à côté de Dionysos Mavrommatis), originaire d’Ecosse, et son épouse grecque Eileen Botsford Velissaropoulo qui y ont établi leur résidence permanente.

Il entretient une relation privilégiée avec la région qui remonte à l’enfance. Syros est une magnifique île grecque dotée de magnifiques plages de galets et de falaises côtières spectaculaires. Sa famille a été bien inspirée d’y acheter il y a 40 ans une belle maison à Chroussa, un magnifique village aux maisons néoclassiques datant du XIX° siècle, à huit kilomètres et demi d'Hermoupolis. Edward y venait donc en vacances pratiquement tous les étés et pour Pâques. Jeune, il a pris plaisir à s’occuper de l’ancien vignoble familial, qui était très beau. Il a tellement aimé ça qu’il a souhaité faire carrière dans le vin. Il a rencontré Eileen, issue d'une ancienne famille de Syros qui avait des usines textiles et avec qui il s’est marié et ils ont décidé ensemble que Syros serait l'endroit idéal pour élever une jeune famille en bénéficiant de la nature et en s’écartant des zones trop urbaines.

Edward se présentait en 2008 comme un restaurateur passionné de gastronomie et de vin, fondateur de la Twelve Wine Society et vigneron de Ktima Tsetseklion. Je suis admirative du travail qu’il a entrepris cette année là pour replanter le domaine avec son épouse après avoir arraché des vignes presque centenaires, fatiguées et pourries à la racine et extrait une énorme quantité de roches des parcelles.

Il expliquait avoir choisi un système de palissage dit Guyot, souvent utilisé pour le Cabernet Sauvignon lorsqu’il est planté sur des sols peu fertiles, et qui est très répandu dans le Bordelais. Il permet, avec relativement peu d’entretien, de minimiser l'apport énergétique au feuillage et de maximiser l'apport aux raisins. Quoiqu’il en soit il est capital que les ceps développent leurs racines de manière à survivre ultérieurement aux longs étés chauds.

Dix ans plus tard, en 2018, le couple a construit un petit domaine viticole dans leur maison familiale à Chroussa, au sud de l'île de Syros. Le domaine Ousyra a depuis acquis une forte notoriété en se spécialisant dans la production de vins à partir de cépages cycladiques rares cultivés de manière biologique, en se concentrant sur les vignobles non greffés. Aujourd'hui, ils cultivent leurs propres 1,5 hectare de vignes et continuent d'acheter du raisin auprès de producteurs sélectionnés. Edward pratique rigoureusement l'agriculture biologique, ce qui oblige les viticulteurs partenaires à suivre les mêmes principes. Il oeuvre à élaborer des vins exceptionnels à partir de variétés indigènes des Cyclades extrêmement rares, telles que Serifiotiko et Monemvasia.

Ousyra est cependant resté un petit domaine viticole familial parmi les quatre domaines viticoles de cette petite île où la vigne est cultivée sur de minuscules parcelles nichées entre vergers et villages pittoresques. Edward et Elein ont à coeur de travailler dans le plus grand sérieux. Ils collaborent avec des consultants de grande et longue expérience qui les aident à prendre les bonnes décisions.

Les vins Ousyra ont acquis une renommée internationale à partir de 2016 avec leur Fokiano Rosé qui fut élu rosé du mois puis classé en 2024 parmi les dix meilleurs rosés du monde. L’ensemble des cuvées du domaine ont depuis conquis critiques et sommeliers. Je ne m'étais pas trompée en écrivant en avril 2023 qu'il fallait "suivre" le domaine Ousyra.

Les amateurs de vin peuvent déguster les vins Ousyra dans certains des meilleurs restaurants et bars d'Athènes, de Thessalonique et de nombreuses îles grecques. Ils sont désormais également disponibles sur les marchés du Canada, des États-Unis, du Royaume-Uni et d'autres pays européens dont l’intérêt s'est accru ces quinze dernières années. Toutes les caves et boutiques Mavrommatis y travaillent et les vins Ousyra y sont disponibles, qui plus est avec une offre spéciale tout au long du mois de juin dans les boutiques et en ligne.
Deux rendez-vous dégustation grand public sont organisés en présence du vigneron Edward Makgill-Crichton :
- 20 juin ((17h00 - 20h00) – Cave Mavrommatis Passy 70 Avenue Paul Doumer, 75116 Paris
- 21 juin (16h00 - 20h00) – Boutique Mavrommatis Censier 47, rue Censier 75005 Paris

Vous pourrez vous faire votre propre opinion à propos des deux vins blanc sec et du rosé que produisent le domaine viticole de Chroussa :

Bien que son nom puisse évoquer une autre île des Cyclades, le Serifiotiko est un cépage presque oublié alors qu’il est toujours le cépage autochtone dominant de Syros. Parfaitement adapté aux conditions climatiques et au sol de l'île, résistant à la plupart des maladies et à la sécheresse, les très vieilles vignes franc de pied produisent des raisins à peau rouge et des vins blancs de grande qualité, à l'acidité et au corps modérés.

Les raisins Serifiotiko non greffés de l'île de Syros confèrent à ce vin des arômes distinctifs d'agrumes, une belle harmonie alcoolique et une finale sèche et rafraîchissante aux notes minérales typiques des îles cycladiques, fruit de leur proximité immédiate avec la mer Égée, une structure et une tenue captivantes. Ce sont des vins d’une belle finesse et d’une grande précision qui méritent d'être découverts.

Le Serifiotiko Blanc doit être servi entre 8°C et 10°C. Il accompagne parfaitement les Fruits de mer, les Sushis, toutes les Viandes blanches à la sauce citron, le Fromage de chèvre frais.

Le Monemvvasia biologique, un cépage blanc, cultivé sur l'île de Paros. Son nom est associé à la préparation du célèbre vin Malvasia, qui a dominé le commerce européen du vin du XIII° au XVII°.

Le Monemvasia Blanc doit être servi entre 8°C et 10°C. Il se marie idéalement avec les Moules et huîtres, le Risotto aux fruits de mer, tous les Poissons blancs, les Salades et légumes crus. L’expression complexe et raffinée de ce cépage et ses arômes fruités luxuriants et sa fraîcheur saisissante, sont une merveilleuse expression de ce cépage cycladique rare.

Enfin les raisins servant à produire le Fokiano Rosé sont cultivés à Naxos, puis transportés à Syros pour les vinifier dans le domaine. Je rappelle que selon la sommelière américaine spécialisée en vins et spiritueux Elin McCoy, qui a dégusté plus de 150 rosés de 45 pays différents en 2024, celui-ci se classe 9e parmi les 10 meilleurs rosés.

Le Fokiano Rosé doit être servi entre 10°C et 12°C. Il accompagne parfaitement les Gambas grillées, un Lapin au thym, des Lasagnes de légumes. Voilà un rosé charmant au nez intense de fruits d'été frais, avec une bouche douce et mûre, et une finale délicate et unique. Tout un programme quand on sait que Ousyra signifie joie en grec ancien.
Edward et Eileen ont réalisé le rêve d'une vie à la campagne en quittant Londres pour Syros et en créant leur vignoble. Leur objectif est de continuer à conjuguer amour du métier, cépages inhabituels à nos palais, harmonie olfactive hors pair et bien entendu de maintenir la qualité de ses produits malgré des températures élevées qui persistent sur une longue période. Les vendanges ont commencé un mois plus tôt en 2024, ce qui est insensé. C'est une situation très préoccupante, mais nous devons nous y adapter admet le vigneron.

L'étiquette a été conçue par Edward et Eileen qui l'a dessinée. Elle se décline en trois couleurs sur les trois vins : argent pour le Serifiotiko, or pour le Monemvvasia et cuivre pour le Fokiano. Le visuel représente les collines chrétiennes orthodoxes et catholiques que l'on découvre en entrant dans le port et qui la nuit semblent porter des trésors. J'y vois aussi le profil d'un buste féminin.

Tout en bas, se trouve le signe de la signature écossaise de la famille du chef de la production Edward Maitland-Makgill-Crichton.
S'il faut évidemment les consommer en toute modération il n'empêche que ces vins sont réellement exceptionnels. Le domaine est ouvert à la dégustation. Avec l’objectif de faire vraiment comprendre leur façon de vivre et de travailler, du début à la fin du processus : l'arrivée des raisins, le pressurage, leur destination et la mise en bouteille. pensez à y faire une halte si vous visitez Syros cet été ou un jour prochain.

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