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mercredi 3 septembre 2025

Les Champagnes Vaucelle, six cuvées d’exception conçues par Thomas Cheurlin

J’avais goûté -en toute modération- une nouvelle marque de champagne au dernier salon Wine Paris en février dernier. Vaucelle était déjà bien aboutie et j’avais très envie d’en apprendre davantage sur cette gamme premium de la Maison Thomas Cheurlin et aussi sur la philosophie et le savoir-faire du viticulteur.

J’ai découvert un homme passionné (ci-dessous, à droite, avec Jeremy Bovy, responsable commercial France et export), leader incontestable d’une équipe performante, très impliquée dans le développement de cette marque très prometteuse, composée aujourd’hui de six champagnes, adaptés à tous les types de palais et moments de consommation, aussi bien des champagnes classiques que des cuvées ayant chacune leur personnalité (vieillissement sous-bois, cépage rare, vieillissement sur lattes plus long, millésimé…).
Un tel résultat ne peut sans doute être l’apanage que d’une maison solidement ancrée dans l’histoire viticole de son terroir. Celle-ci s’est transmise de père en fils depuis dix générations et elle est reconnue sous le nom de Cheurlin pour ses cuvées raffinées et son engagement à préserver un patrimoine vinicole exceptionnel, alliant savoir-faire ancestral et modernité. L’implantation de cette famille dans la Côte des Bar, à Celles-sur-Ource, remonte à la fin du XVIIe siècle, avec Joseph Cheurlin, à une époque où les vignerons travaillaient principalement pour des maisons plus grandes ou pour fournir du vin tranquille.

Edmond Cheurlin œuvra avec d’autres vignerons pour la reconnaissance de leur région et l'appellation d'origine. L’avènement de la méthode champenoise a permis d’évoluer vers la production de champagne après la seconde guerre mondiale.  La création de la marque revient à son fils Raymond Cheurlin (1909-1994) qui commença à vendre aux particuliers. Son fils André Cheurlin (1934-2020), un des grands-pères de Thomas, a investi dans les plus beaux coteaux et agrandi le patrimoine familial.

Aujourd’hui, la Maison reste un acteur familial et indépendant, gérée par les descendants de la lignée dont Thomas Cheurlin est un représentant exemplaire. Elle se distingue par son engagement envers des pratiques respectueuses de l’environnement, favorisant une viticulture durable. (Certification HVE3 et VDC). Nous apprendrons que 10% de la superficie est cultivée en bio, même s’il n’y a aucune communication sur cette caractéristique. Du moins pas encore.

Très étonnante est la collaboration avec l’humoriste Raphaël Mezrahi pour la création d’un champagne 100 % végan, en évitant l’emploi de produits d'origine animale pour la clarification, utilisant plutôt des protéines végétales à base de petits pois (ce qui finalement est devenu la seule technique pratiquée chez Cheurlin).

Les vendanges sont achevées depuis jeudi dernier mais il n’était pas pensable de ne pas commencer cette journée par quelques pas dans les vignes en admirant le splendide paysage de cette Cote des Bar où Celle-sur-Ource fut longtemps le plus grand village champenois avec 500 habitants dont 130 récoltants et une cinquantaine de marques. La Maison Cheurlin et sa vingtaine d’employés à plein temps exploitent 30 hectares et en vinifient 20 de plus. Les effectifs s’accroîent pour vendanges de 60 coupeurs, tel est le nom donné aux vendangeurs.
Le panorama de la Côte des Bar est à couper le souffle. On remarque le village de Celles-sur-Ource, sur la gauche et devant nous les vallées de Laignes, de la Seine, de l’Arce et de l’Ource. Thomas se souvient de la dernière fête du champagne à s’être déroulée dans cette vallée, en 2023, offrant l’occasion de déguster vingt champagnes sur le week-end. Il faudra patienter jusqu’en 2030 pour la prochaine puisque le tour revient tous les 8-10 ans.
On n’a pas eu à déplorer de maladie se réjouit le viticulteur en pointant du doigt dans le lointain les feuilles brunies par une attaque de mildiou. On peut être très satisfait de cette récolte marquée par un bon degré d’alcool et une belle acidité, malgré deux épisodes de canicule qui ont inévitablement provoqué un peu d’échaudage. Thomas Cheurlin se rappelle d’épisodes délicats comme la gelée de la vallée de la Seine l’an dernier.
Le Pinot noir (dont on peut trouver encore quelques rares petites rafles bien mûres et délicieuses) occupe 60% et le Chardonnay presque le reste. Les cépages anciens autorisés par le cahier des charges de l’AOC, ont été replantés comme l’Arbanne, un cépage blanc, plutôt tardif, susceptible de donner des vins vifs, élégants et aromatiques, avec une belle richesse en alcool. Issu d’un croisement naturel le Petit Meslier conférera des notes fumées et des arômes d'agrumes. Le Pinot Gris (ou Fromenteau) est un mutant du Pinot Noir, et donne des vins riches, puissants, avec des arômes de fruits secs et de fumée, d'où son surnom  de "Enfumé". Enfin le Pinot Blanc (ou Blanc Vrai), mutant du Pinot Gris (et donc du Pinot Noir) apporte de l'ampleur, de la puissance et des notes de fruits secs. Il y a aussi le Voltis, un cépage blanc particulièrement résistant aux maladies comme le mildiou et l’iodum, qui le rend performant en terme de besoin de traitements phyto-sanitaires et qui devrait théoriquement bien supporter le réchauffement climatique.

Thomas Cheurlin est expérimentateur dans l’âme et rêve bien entendu de voir chacun des cépages en micro-cuvées ou dans des assemblages particuliers, sous la marque Vaucelle qui devrait compter 120 000 bouteilles d’ici 2/3 ans, alors que la maison familiale Cheurlin en produit 500 000 dont environ un quart part pour l’exportation vers notamment l’Italie, la Belgique, le Japon et les USA. L’annonce de la hausse des taxes américaines a provoqué une accélération des transactions par prudence si bien que cette année l’ensemble des ventes a été assuré sur les trois premiers mois.

Arrêtons-nous un instant sur ce nom qui a été choisi et qui a pris tout son sens. Vaucelle signifie en effet "Petite Parcelle" ou "Vallon/Vallée" en vieux champenois, ce qui s’accordera particulièrement avec les cuvées qui seront parcellaires. Il contient le mot "celle", qui fait directement référence à Celles-sur-Ource, le village d’origine de la famille. C’est également le nom d’une abbaye cistercienne, fille de l’Abbaye de Clairvaux et soeur de l’Abbaye de Mores à Celles-sur-Ource, ayant un lien avec l’histoire du vignoble champenois et de la Côte des Bar.

Déjà en 2000, Thomas Cheurlin avait manifesté la volonté d’orienter une gamme vers la gastronomie avec une présence sur des tables d’institutions et sur le marché international. La marque Comte de Cheurlin en fut le premier témoignage à partir de 2005. Aujourd’hui, Vaucelle va beaucoup plus loin tout en étant la concrétisation d’une devise simple comme l’affirme son créateur :  "l’élaboration de champagnes authentiques, proches de la nature et de nos terroirs."

Et à propos de terroir, il s’agit toujours d’un sol calcaire jurassique kimméridgien, limono-argileux, où le climat continental favorise la maturation optimale des raisins. Il va de soi que les raisins ne proviennent que du vignoble et des parcelles appartenant à Thomas Cheurlin car il est récoltant-manipulant pour Vaucelle. En termes de cépages ce sont les traditionnels champenois, Pinot Noir et Chardonnay mais aussi une part de Blanc Vrai (Pinot Blanc) … en attendant l’emploi d’autres cépages rares et anciens.

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