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La publication des articles est conçue selon une alternance entre le culinaire et la culture où prennent place des critiques de spectacles, de films, de concerts, de livres et d’expositions … pour y défendre les valeurs liées au patrimoine et la création, sous toutes ses formes.

dimanche 19 avril 2009

Après nous le déluge ?

C'est l'intitulé intentionnellement provocateur de l'exposition de Philippe Lagautrière à l'Orangerie des Musées de Sens qui en fait souhaite alerter le public sur la responsabilité que nous avons de laisser la planète dans le meilleur état possible.

Quelques vues d'abord du cadre extérieur, adjacent à la Cathédrale et au Palais Synodal.
L'immense toile "La biche dans les bois", peinte l'été dernier, accueille le public. Cette œuvre foisonnante, comme tous les travaux de l'artiste, est ici simplement accrochée sur un mur "sérigraphié" de biches. Le sujet est apparemment populaire, sauf qu'il est traité avec une ironie grinçante, pour dénoncer l'irresponsabilité des décideurs au nom du profit et du politiquement correct. Philippe Lagautrière explique d'ailleurs que peindre un bouquet de fleurs lui ferait naturellement figurer des abeilles mortes par les pesticides au pied du vase.

Depuis les années 60 il se partage entre l'Yonne et l'atelier parisien qu'il occupe dans la mythique "Ruche", là même où travaillait Chagall . C'est le sculpteur Alfred Boucher qui a racheté l'ancien pavillon des vins de l'Exposition universelle pour le faire remonter sur un terrain acheté en 1895, passage dantzig, dans le 15° arrondissement de Paris et en faire profiter les jeunes artistes en devenir. Une charpente métallique (réalisée par Gustave Eiffel) et trois étages comportant chacun des ateliers cellulaires. Ces derniers ouvrent leurs portes en 1902. Fernand Léger mais aussi Amedeo Modigliani, Marc Chagall, Blaise Cendrars et Max Jacob occuperont temporairement le lieu.

Philippe Lagautrière est un graveur qui utilise des tampons pour réaliser des "images-collages". Tout le processus de création est révélé pas à pas sur son blog, par exemple dans ce billet. Il explique volontiers le procédé en détail. A l'aide d'un rétroprojecteur, il utilise la trace agrandie au format de la toile. Une fois les premiers coups de pinceaux donnés, tout s'organise autour d'une gamme colorée qui a été établie auparavant. La projection régulière de l'image lui sert de "guide" et lui permettra, en dernier ressort, de peindre la trace noire qui emprisonnera les masses colorées. Une fois le noir posé, il revient sur les accords de couleurs dissonants. Il précise que derrière l'apparente simplicité de la méthode se cachent des heures de travail.

Ce qui le touche en premier lieu avec les tampons c'est qu'ils représentent toujours "un monde à l'envers" (attention j'ai volontairement inversé la photo). Il a prélevé une sélection parmi les milliers de tampons qu'il a récupérés en trente ans. Plusieurs vitrines leur sont consacrés. On peut voir des tampons anciens, comparables à ceux qui faisaient la joie autrefois des petits écoliers des cours préparatoires. Et puis d'autres, qu'il a lui-même gravés pour représenter les sujets qu'il désirait peindre ensuite.

Surnommé "le tamponneur fou" dans une chronique du journal Libération en 1983, l'artiste assume toujours cette image. Il regrette que les tampons ont été remplacés dans les classes dans leur fonction de duplication de l'image par le polycopié, puis par la photocopie. Celle-ci en effet, trop abondamment employée, prive les élèves de la stimulation onirique que ces petits objets exerçaient sur leur imaginaire.

L'artiste en tout cas, réalise en les juxtaposant, un monde touffu, qui fait référence aux temps anciens tout en étant extrêmement évocateur de la modernité. Jugez plutôt : celui-ci, 80x80 cm (ci-dessous) s'intitule Ceux d'en haut, ceux d'en bas

Le boulanger 50x50 cm (ci-dessous) a été peint la même année
et voici La porte, 60x60 cm (ci-dessous) réalisé en 2007
Qui n'aurait pas envie de la pousser ? Les tableaux s'apprécient de loin, mais l'œil se plait aussi à débusquer chaque détail. J'aime particulièrement cet escargot (de Bourgogne) qui se dirige à son pas vers la Biche dans les bois (acrylique de 130x195 cm)
Philippe Lagautrière réalise aussi des sérigraphies comme celle-ci, exécutée en 2005 et appartenant à une série intitulée, comme on peut le deviner, 11 septembre 2001, preuve encore de son implication dans le monde d'aujourd'hui.
Ceux qui voudraient le rencontrer pourront venir le samedi 16 mai à 14 heures 30 l'écouter s'entretenir avec le critique d'art Jean-louis Pradel, qui a dit de ses œuvres : "Chacun de ses tableaux, aux accents de fanfare, est une marmite du diable en forme d'apocalypse rutilante où se concoctent à gros bouillons et petits secrets bien gardés, de savantes potions magiques comme autant d'indispensables contrepoisons d'un monde effrayé".

Orangerie des Musées de Sens, 135 rue des Déportés et de la Résistance, 89100 Sens, du 15 mars au 14 juin 2009, entrée gratuite

mercredi, samedi et dimanche de 10 à 12 heures et de 14 à 18 heures
lundi, jeudi et vendredi de 14 à 18 heures
accueil des Musées au 03 86 64 46 22

1 commentaire:

philippe.lagautriere a dit…

Belle surprise! Merci pour ce reportage très bien fait. Je devrais vous prendre comme agent de communication...
http://www.lagautriere.com/
Philippe Lagautrière

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