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dimanche 27 janvier 2013

Louis de Funès, Regardez-moi là, vous ! de Sophie Adriansen chez Premium

Sophie Adriansen est l’auteur entre autres de Je vous emmène au bout de la ligne, et de J’ai passé l’âge de la colo !, deux titres qui ont déjà été chroniqués sur le blog. Elle contribue à plusieurs sites littéraires, participe à des jurys et tient depuis 2009 le blog de lecture Sophielit, finaliste du Prix des Bloggeuses de ELLE 2011. Je parlerai prochainement de son premier roman, Quand nous serons frère et sœur. Pour le moment nous allons nous arrêter sur la biographie qu'elle vient de publier sur Louis de Funès aux éditions Premium.

La quatrième de couverture de Regardez-moi là, vous ! promet un balayage exhaustif de la vie de ce comédien hyperactif : Il y a trente ans, Louis de Funès nous quittait. Trente ans déjà, trente ans seulement. Le roi du rire conserve une place à part dans nos cœurs : malgré le temps qui passe, il reste un de nos acteurs de légende préférés. Bourvil, Jean Carmet, Michel Galabru (mandorisé là), Jean Lefebvre, Daniel Gélin, Jean Gabin, Yves Montand, Jean Marais (curieusement mandorisé ici), Coluche, Pierre Mondy, Michel Serrault, Jean-Claude Brialy, Bernard Blier, Mireille Darc, Mylène Demongeot (mandorisée là), Claude Gensac ont été ses inoubliables partenaires à l’écran – et pour certains d’entre eux, de vrais camarades. Gérard Oury, Georges Lautner, Claude Zidi, Robert Dhéry, Sacha Guitry, Pierre Tchernia, Michel Audiard, Claude Autant-Lara, Édouard Molinaro, Claude Sautet lui ont façonné des rôles mythiques. Léonor de Funès, sa mère, Jeanne de Maupassant, son épouse, Patrick et Olivier, ses fils, ont été les piliers d’une vie privée qu’il a veillé à protéger au maximum. Dans cette biographie, Sophie Adriansen revisite le parcours de Louis de Funès à travers trente rencontres particulièrement marquantes et propose des lectures étonnantes et inédites de plus de trente films qui nous en disent chacun un peu plus sur l’homme qu’il était. C’est Louis de Funès comme vous ne l’avez jamais vu. C’est Louis de Funès comme vous ne l’avez jamais lu.

Je ne suis pas surprise que Sophie ait accepté de relever le défi d'écrire un livre sur quelqu'un qui ait la trempe de Louis de Funès. Ce sont tous les deux des bourreaux de travail et des perfectionnistes. Ils étaient faits pour se rencontrer. Et l'idée de lui rendre hommage pour le trentième anniversaire de sa disparition est plutôt heureuse même si ce n'est pas le genre de chose que l'on a envie de fêter. Je ne sais plus quel auteur avait fait remarquer ironiquement qu'on ferait mieux de célébrer la naissance des personnages illustres que leur mort.

On imagine les heures qu'elle a passées à visionner des films dont elle ne devait pas connaitre beaucoup de titres, excepté la Grande vadrouille et le Corniaud qui sont surdiffusés. Son livre s'appuie sur son abondante production. Elle balaie le cinéma français d'une génération, en se tenant toujours au plus près de la réalité. Le volume des références est impressionnant. Tout détail a été vérifié et c'est un gage de sérieux. Tant de biographies sont écrites par ouie-dire. Mais, et c'est là un de ses grands intérêts, elle s'est aussi attachée à présenter l'homme qu'il était dans la vie. Le travail entrepris par Sophie est énorme. Il aurait fait bondir l’impétueux Louis de Funès.

Elle ne nous apprend pas qu’il avait le caractère bien trempé mais elle nous donne des clés pour mieux le comprendre. Après tout, n’avait-il pas raison de claquer le clavier de son piano et laisser en plan un public qu’il ne jugeait pas « à la hauteur » ? Son interprétation magistrale d’un chef d’orchestre dans la Grande vadrouille ne surprend plus. C’était un excellent musicien.

Elle décolle l’étiquette de pingrerie qui lui était associée. Il a tant joué   personnages de parfaite mauvaise foi que leur avarice a fini par lui être attribué. Quand on affirme (page 129) « cet argent est à moi puisque je l’ai volé » cela laisse des traces.

Il a interprété des rôles de chef où l’argent et le pouvoir étaient les éléments moteur du scénario. Mais il a campé aussi beaucoup de métiers forts différents. Avoir exercé à ses débuts un grand nombre de petits boulots lui a permis d’élargir son répertoire et de mémoriser des expressions de visage qui lui servirent dans sa carrière d’acteur. Il n'aimait pas qu'on lui dise comment jouer. Un acteur comique est un auteur disait-il lui qui n'acceptait pas d'être dirigé, ou alors "doucement".

Ce qui touche le plus dans cette biographie ultra documentée c’est combien Louis de Funès prenait le rire au sérieux. D’abord parce qu’il était payé pour et que son honnêteté le poussait à donner le meilleur de lui-même, quitte à y laisser sa peau … on ne joue pas un caractériel sans faire monter son taux d’adrénaline au-delà de ce que son propre cœur peut supporter. Ensuite parce qu’il trouvait le monde trop triste et que faire rire était donc une sorte de devoir.

Que penserait-il aujourd’hui du monde dans lequel nous vivons et qui, à bien des égards, n’est pas marrant le moins du monde ?

Evidemment le tandem magique Bourvil-De Funès, comme Sophie le qualifie, est connu de tous. Qui n’a pas vu La traversée de Paris, et surtout le Corniaud (1965) et la Grande vadrouille (1966) ? Ces succès sont planétaires.  Et on regrette que ces deux zouaves ne se soient pas retrouvés pour la Folie des Grandeurs. Forcément, çà a marché beaucoup moins bien, a du penser Bourvil du haut de son paradis. Yves Montand le remplaça du mieux qu’il put mais la magie s’était évaporée.

On apprend que Bourvil avait l’art de dérider son compère en chassant les angoisses qui l’assaillaient. Louis de Funès fulminait d’être de mauvaise humeur mais il lui fallait déployer beaucoup d’efforts pour se sentir mieux … jamais avant le milieu de la matinée. La bonne humeur, ce doit être comme les chatouilles, on ne peut pas se les faire à soi-même. Bourvil s’en chargeait en murmurant entre ses dents la question devenue rituelle entre eux (page 203) : « Alors, toujours obsédé sexuel ? » provoquant un hurlement de rire.

Cet extraverti était d’une timidité maladive, ce qui provoquait un cocktail implosif en son fort intérieur et qui explique combien il a pu être mal jugé. Sophie remet en quelque sorte les pendules à l’heure. On pouvait difficilement lui rendre un plus bel hommage pour le trentième anniversaire de sa disparition.

Elle a organisé cette biographie autour de 30 chapitres, s’appuyant sur autant de personnes qui ont compté dans la vie de Louis de Funès. Chacun a son propre souvenir de lui. Et sans doute que le lecteur se rappelle d’une scène particulière. Pour moi c’est l’imitation, ou plutôt l’incarnation, de Patrick Sébastien dans l’émission De l’Autre coté du miroir en 2003 qui laisse une Claude Gensac totalement bouleversée.


Quelques reproches ? La manie de Louis de Funès finit par déteindre sur le lecteur qui aurait apprécié un index alphabétique des noms cités avec le renvoi aux numéros des pages correspondantes, qu’un programme de traitement de texte doit pouvoir faire automatiquement. Ce sera peut-être pour la réédition car on peut prédire qu’un livre de ce niveau là ne sera pas pilonné de sitôt.

A l’heure où on débat du numérique, et sans doute influencée par la lecture de la Liseuse, de Paul Fournel, je me surprends à rêver d’une version e-book qui permettrait de voir les images des scènes citées au fur et à mesure de la lecture.

Louis de Funès, Regardez-moi là, vous ! de Sophie Adriansen chez Premium, janvier 2013

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