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lundi 20 novembre 2023

Dégustation Pessac-Léognan de Château de France chez Dame Augustine

Il m'est facile de conserver des souvenirs visuels, d'engranger des musiques (dont je ne mémorise pas toujours le titre et le nom du compositeur). Les souvenirs gustatifs sont plus vagues, hormis curieusement pour les fromages. Sauf à en faire son métier nous ne sommes pas éduqués pour constituer une bibliothèque de saveurs.

Voilà pourquoi je suis toujours enthousiaste à la perspective de faire une dégustation d'un cru que je connais déjà. Aujourd'hui, ce fut Pessac Leognan de Château de France. Est-ce parce que le nouveau millésime répond à la promesse que l'on pressentait il y a quelques mois, est-ce parce que Lilian Douchet, le chef de Dame Augustine a particulièrement su trouver les meilleurs accords, toujours est-il que je l'ai apprécié encore davantage que l'an dernier.
Arnaud Thomassin, propriétaire et directeur de cette propriété familiale de 40 ha en AOP Pessac-Léognan, peut être fier de ses dernières cuvées. Elles sont déjà prometteuses et révèleront tout leur potentiel après quelques années de garde. Ainsi le Château de France rouge 2018 gagnera à être conservé encore dix ans.

Nous avons commencé par une dégustation classique à l'horizontale avec les blancs 2022 puis avec les rouges 2021 parmi lesquels il manquait le Bec-en-Sabot, certes quasi confidentiel mais si intéressant.

N'existant qu'en rouge, il a été créé en 1992 et fut le premier à porter le nom d’un oiseau, en l’occurrence un étrange oiseau rare, vivant dans les marais à papyrus de l’est de l’Afrique, dont l'étiquette comporte une illustration.

Je l’avais associé l'an dernier avec un "simple" croque-madame avec lequel s'accordaient son nez de groseilles, d'airelles, de tabac, de clou de girofle et de framboises, et en bouche, ses flaveurs minérales et de fruits rouges. 

Le Coquillas 2021 a été récolté pendant une année difficile (en raison des gelées) mais aromatique. Son nez est très harmonieux et doux, d’abricot confit, lychee et fruits à chair blanche, puis de miel. La bouche est joliment structurée, parce que gras et fraîcheur se combinent avec beaucoup d’élégance, laissant place à une finale minérale.

En rouge, “Coquillas” évoque encore la présence de nombreux coquillages dans plusieurs parcelles de la propriété.La robe est grenat assez profond avec un nez de fruits noirs frais et de réglisse et une touche de fumé. La structure s’achève sur des notes minérales et finement poivrées.
Au cours du repas nous avons pu apprécier des vins un peu plus vieux, à l'exception de celui qui accompagna les mises en bouche. Il faudrait inventer un terme pour désigner cette association qui va bien au-delà. Le chef avait imaginé une déclinaison sur la courge s'accordant avec le Coquillas blanc 2022 et ce fut comme une re-découverte de ce vin tant les mariages étaient parfaits.
Ce vin révéla tout son intérêt sur chacun des trois temps pour composer un accord parfait. Le velouté de butternut, relevé par un zeste d’orange, servi tiède, et ponctué de croquant fut avalé avant d'avoir le réflexe de le photographier. Tout comme le verre de jus détox préparé avec les parures de légumes parce que le chef est partisan d’une cuisine ecoresponsable et qu'en cuisine on ne jette rien. Le gingembre infusé y était subtilement dosé. Un houmous de courge et pesto d’herbes fraîches, chips de polenta, encre de seiche et oignon rouge confit complétait la trilogie.
Le déjeuner s'est poursuivi avec un Château de France blanc 2020 sur des Biseaux de couteaux pochés à l'eau de mer, tartare de céleri, mayonnaise fluide au yuzu et méli-mélo d'herbes fraiches. Il était préférable d'employer la grande cuillère pour que toutes les saveurs soient conjointement en bouche, y compris le coulis d'agastache dont la couleur verte égayait l'assiette. C'était alors une explosion qui nous a fait admettre que le restaurant se situait réellement dans la bistronomie. Encore une fois le vin gagne à être dégusté avec un plat si bien équilibré. On est clairement dans la bistronomie. 

Château de France blanc est plus tendu, plus gastronomique que Coquillas. Sa robe est dorée, brillante et limpide. Le nez évoque la cire d’abeille, le miel, la pêche et l’abricot. La bouche est puissante avec un bel équilibre gras/acide. Le nez épicé se confirme en bouche avec des arômes poivrés rares pour un vin blanc. 
Ensuite une Joue de boeuf confite, snackée et laquée, carotte des sables glacée en texture, condiment coriandre, piment et ail, crème aigrelette est arrivée pour accompagner le Château de France rouge 2018. Le jus de boeuf aux notes iodées dont le chef a ensuite recouvert la viande fut unanimement plébiscité. Et si vous préférez plus de rondeur, c'est le Château 2017, très abouti, que vous préférerez, mais il gagnera encore après deux nouvelles années de garde.

La robe du Château de France rouge est rubis soutenu. Le nez est intense, dominé par les fruits rouges (cassis, myrtilles, cerises) et le pain d’épices. En bouche, c’est un vin épicé et réglissé avec des tanins élégants et mûrs, des arômes boisés très fins, une note fumée en finale.
Le dessert qu'il avait estimé être le plus adéquat avec le Château de France rouge 2020 était une Mousse au chocolat tiède, glace chocolat Tonka, caramel au cacao, streusel chocolat et grue de cacao. Je n'aurais pas employé ce terme de mousse car la texture était vraiment différente de ce qu'on attend derrière ce mot mais la gourmandise était bel est bien au rendez-vous. C'est l'essentiel.
Certains d'entre nous tenaient à goûter un des desserts signature de Lilian, à savoir Coing poché à l'hibiscus, sorbet au lait robot, granula, émulsion lactée et gel Bénédictine. Et, encore une fois, personne ne fut déçu.
Ayant le sens de l'accueil le chef ne nous a pas laissé repartir sans une assiette de mignardises, crème brûlée et financier fixé sur l’assiette avec une noix de caramel beurre salé puis saupoudré de piment d’Espelette. Gentille attention …
Lilian Douchet (ci-dessous à droite à côté d'Arnaud Thomassin) nous a accompagnés pendant la dégustation à l'horizontale, a assuré personnellement une grande partie du service, et est revenu passer un moment en notre compagnie après le déjeuner. S'il n'a pas encore de Pessac-Leognan à sa carte cela ne saurait manifestement tarder.
C'est un chef qui combine toutes les qualités qu'on attend aujourd'hui dans sa profession : le talent, la créativité, l'audace, l'énergie, la sympathie et même l'humilité car, interrogé sur les coups de cœur qu'il peut avoir quand il va au restaurant (et manifestement il en connait énormément) il répond sans hésiter Rillons, tout récemment ouvert le 24 octobre 2023, aux environs de Lille, 7 Rue Grande Campagne - 59542 Templeuve-en-Pévèle.

Dirigé par Mickael, son compagnon de Top Chef, ce restaurant gastronomique (avec un menu à l'aveugle) à destination des épicuriens propose une cuisine comme celle qu'il avait mise en avant pendant la compétition et qu'il ne pourrait pas servir dans un bistronomique.
Le cerveau de Lilian fourmille d'idées qui vont sans doute bientôt se concrétiser car on sent aussi que son équipe est prête à le suivre. Dame Augustine est pour le moment son QG parisien et il est très agréable, avec une décoration soignée mais d'une élégance discrète. On s'y sent comme dans une maison, qui pourrait être celle de sa grand-mère ou de celle de son associé.

Situé avenue des Gobelins il est à deux pas de la Manufacture et du Mobilier national où l'on peut voir en ce moment une exposition aussi insolite que passionnante, au titre énigmatique, les Aliénés, que je vous recommande absolument (d'autant qu'elle est en entrée libre).

SAS Thomassin Propriétaire
98, route de Mont-Marsan à Léognan 33850
Dame Augustine - 32 avenue des Gobelins - 75013 Paris
Ouvert du mardi au dimanche.
De 12h à 14h pour le déjeuner
De 19h à 22h (dernière commande) pour le dîner
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J'ai ensuite associé le Coquillas Rouge 2021 que nous avions dégusté sans l'associer à un plat au cours du déjeuner en choisissant de le servir en accompagnement de travers de porc laqués, nouilles chinoises.
Quant au Château de France anniversaire cuvée 2022, elle s'est parfaitement accordée à un plat rustique, de saison, un pot-au-feu et nous avons passé un moment très gourmand qui valait bien un des moments célébrés dans le film La passion de Rodin Bouffant, dont je livre la critique ici. La fiche technique du vin y figure en fin d'article.

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