Je suis allée à Versailles voir Marie Stuart, d’après Friedrich Schiller, dans l'adaptation et la mise en scène de Maryse Estier.
Marie Stuart est une tragédie écrite en vers, en 1800. La pièce raconte les derniers jours et l'exécution de la reine d'Écosse en Angleterre, en 1587 après 19 ans d'enfermement. Dès la première scène, deux personnages de comédie se disputent et nous livrent deux récits opposés du personnage éponyme. Nous apprenons ensuite que Marie a été jugée coupable de haute trahison par le tribunal de Westminster composé de 40 hommes. Il revient à Elizabeth lère, alors reine d'Angleterre, de signer l'arrêt de mort. Marie est-elle véritablement coupable des complots qui lui sont reprochés? Peut-on lire dans le cœur des gens sans se laisser piéger par des récits subjectifs, parfois intéressés ? Sa cousine Elizabeth lui fera-t-elle grâce ? L'enjeu de cette histoire est-il la vérité, la liberté ou le pouvoir
J'étais très intéressée de découvrir le travail de Maryse Estier. Qu'une femme, jeune de surcroit, s'empare de cette histoire de rivalité entre deux reines à une époque où les hommes dominaient le monde (même si cela n'a pas tant que ça évolué aujourd'hui) ne pouvait que me donner envie de voir ce spectacle qui, et c'est à mettre aussi à son crédit, était conçu pour être joué sans entracte en moins de heures.
Le résultat est résolument moderne à tous points de vue. L’équipe artistique ose des choix audacieux, donc forcément segmentants. Les costumes ne feront probablement l'unanimité. Ils sont audacieux pour les femmes, mais évoquent surtout l'univers de la course automobile pour les hommes.
J’imagine que les deux rôles féminins principaux sont intentionnellement les plus forts afin d’appuyer la thèse du refus d’allégeance des femmes aux hommes. De fait, j'ai été moins sensible au jeu de leurs partenaires qui parfois sont interprétés de manière caricaturale, quoique ce soit probablement voulu pour distiller de l'humour dans cette tragédie.
L'absence de décor rend souvent l'audition difficile parce que les dialogues se perdent dans l'espace sans trouver de mur pour les réfléchir vers la salle. C'est regrettable car on perd l'essentiel de l'affrontement qui est en premier lieu dialectique. L'usage du socle rouge, symbolisant sans doute l'écrin d'une boite à bijoux, est complexe pour les comédiens chargés d'en modifier régulièrement l'inclinaison.
Tout se passe essentiellement en noir et rouge, dans une nuit profonde qui offre peu de relâchement au spectateur … malgré des instants d'humour. Chaque changement d'acte est cependant précédé par une chorégraphie soignée et marqué par un arrêt sur image qui est d'une grande beauté.
Si la focalisation sur le face-à-face entre Marie et Elisabeth est facile à approuver par contre il m'a été totalement impossible d’adhérer à la manipulation de la reine Élisabeth bien que les subtilités de comportement soient fort admirablement jouées par Clémence Longy (Elisabeth Tudor).
Elisabeth nous est montrée si féministe (on remarquera qu'elle porte le pantalon pendant presque toute la pièce et que sa démarche est souvent masculine) que l'on comprend mal qu'elle ait pu se faire duper par son entourage. Je sais bien pourtant qu'il s'agit là d'une vérité historique.
Outre le dilemme juridique puisque la majorité des voix condamnant Marie Stuart n'a pas valeur de loi. et le conflit d’intérêt on observe un atermoiement lié à la parenté entre les deux femmes et à la soririté jusqu’à la scène finale où Elisabeth nous revient en robe et ceinte d’un diadème signalant sa toute puissance. Mais exercer son pouvoir est-il une preuve de liberté ?
Marie suit une évolution comparable, mais inverse, passant de la combinaison de cuir noir à la robe de soie couleur ciel. Alors qui de Marie ou d’Élisabeth sort réellement grandie de ce duel ? Le spectateur conservera son libre arbitre et c'est peut-être ce conflit que Maryse Estier a cherché à nous faire percevoir.
Marie Stuart, d’après Friedrich Schiller, dans l'adaptation et la mise en scène de Maryse Estier.
Avec Margaux Le Mignan (Marie Stuart), Clémence Longy (Elisabeth Tudor), Pierre Cuq, Axel Mandron, Daniel Léocadie, Nicolas Avinée, Dylan Ferreux
Traduction Hippolyte Loiseau
Scénographie Marlène Berkane
Lumière Lucien Valle
Musiques originales et son David Hess
Costumes Clément Vachelard
Du 7 au 11 novembre à 20 h 30 au Théâtre Montansier - 13 Rue des Réservoirs - 78000 Versailles
Du 12 au 15 décembre 2023 à la Manufacture - CDN de Nancy
Du 12 au 15 décembre 2023 à la Manufacture - CDN de Nancy
Les photos qui ne sont pas logotypées A bride abattue sont de Christophe Raynaud de Lage
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