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dimanche 5 novembre 2023

Un dimanche au Musée Picasso

J'ai voulu poursuivre l'expérience de la gratuité du premier dimanche du mois pour, après Orsay, revenir au Musée national Picasso-Paris. Je me réjouissais à la perspective de revoir les pauvres majeures de cet artiste et que j'avais vu es il y a une vingtaine d'années.

J'avais simplement oublié qu'en avril 2023 on a célébré le cinquantième anniversaire de sa mort, le 8 avril 1973, à l’âge de 91 ans, laissant derrière lui plusieurs milliers d’œuvres. De nombreux musées de par le monde ont fait la demande de prêts exceptionnels pour célébrer l'événement et c'est logique.

Si bien qu'à Paris il ne reste pas grand chose, même si la collection d'oeuvres choisies qui est présentée en ce moment demeure très intéressante. Elle occupe une partie du sous-sol tandis que la totalité des quatre étages de l’hôtel Salé est investi par une artiste contemporaine, Sophie Calle, qui célèbre à sa manière les 50 ans de la mort de Pablo Picasso.

Et même la cour puisqu'on y voit son Autobianchi Lutèce, toute petite voiture de 1968 surnommée par elle Ma Jolie.

Intitulée A toi de faire, ma mignonne, et organisée en quatre temps correspondant aux quatre étages du musée, cette exposition prend le contre-pied des multiples évènements de la "Célébration Picasso 1973-2023" qui mettent à l’honneur l’artiste espagnol. Cette exposition porte un regard curieux et décalé sur un choix d’œuvres emblématiques de Picasso dont l’artiste convoque les images ou la mémoire au travers d’un récit personnel qui se déroule au rez-de-chaussée du musée.
Je n'ai aucunement été surprise de revoir Le cénotaphe de Sophie (oeuvre en faïence émaillée réalisée en 2017 par Serena Carone, née en 1958) que j'avais déjà vu au Musée de la Chasse et de la Nature il y a 4 ou 5 ans. Elle est ici placée devant un Loup blanc naturalisé appartenant à la collection personnelle de Sophie Calle.

Cette artiste fait l’objet de nombreuses expositions à travers le monde depuis la fin des années 70. Tour à tour décrite comme artiste conceptuelle, photographe, vidéaste et même détective, elle a développé une pratique immédiatement reconnaissable, alliant le texte à la photographie pour nourrir une narration qui lui est propre. Ses travaux forment un vaste système d’échos et de références internes, connectés entre eux comme les chapitres d’une œuvre globale dans laquelle Sophie Calle brouille quelquefois les frontières entre l’intime et le public, la réalité et la fiction, l’art et la vie. 

Dans cette exposition-carte blanche elle explore largement certaines des thématiques qui lui sont centrales telles que la privation du regard (c'est ainsi que la célèbre sculpture de Picasso La chèvre est présentée recouverte d'un drap) ou la disparition en ayant recours à l’archive et à l’écriture comme sources et matières premières de sa création. Elle comporte tant de textes à lire et qui font partie intégrante de son œuvre qu'il est recommandé de visiter cette partie en deux fois voire plus. Autant vous dire que j'ai vite renoncé à m'immerger dans cet univers foisonnant. J'ai pris au pied de la lettre (et je parie que je ferais sourire Sophie Calle si elle l'apprenait) deux messages. Celui du titre du roman policier en équilibre sur une chaise accrochée au mur : Game over (Fin de partie) et le salut de la reine d'Angleterre dont l'orientation de la main est strictement inverse à notre manière de dire bonjour. A ce propos je signalerai qu'au Mexique on fait ainsi pour remercier la courtoisie d'un automobiliste alors que notre façon de faire est équivalente à une insulte.
J'étais venue voir Picasso. Je me suis donc focalisée sur ce qui préfigure l’accrochage permanent qui occupera, à partir de mars 2024, trois étages de l’Hôtel Salé, autour d'une sélection de chefs d’œuvres réunissant peintures, sculptures, dessins et céramiques parmi les plus emblématiques.

J'avais déjà vu certaines oeuvres dans de précédentes expositions, comme Picasso devant la nature au Chateau de Sceaux (en 2017) qui présentait notamment L'arbre (Paris, été 1907, huile sur toile), et Nu dans un jardin (Boisgeloup, 4 aout 1934, huile sur toile) où Marie-Thérèse fut modèle.
On est un peu égotiste, mais si heureux que la Nature morte à la chaise cannée (Paris, printemps 2012, huile et toile cirée sur toile encadrée de corde) soit restée à Paris. Ce tondo (tableau de forme circulaire) étiré en largeur est le premier collage de l'histoire de l'art moderne. Il est caractéristique du cubisme de synthèse, qui cherche à représenter les objets à travers leurs traits essentiels, de façon synthétique. L'oeuvre combine diverses manières de représenter le réel. Le signe pictural dans la partie supérieure et droite de la toile figure une nature morte au verre. L'écriture avec les lettres JOU signifient journal. Le trompe-l'oeil est reconnaissable au morceau de toile cirée qui donne l'illusion d'une assise de chaise sur laquelle reposerait la composition. Enfin le cordage fait office de cadre. 
C'est toujours une émotion de revoir ces deux tableaux associés à l'enfance : Paul en Arlequin (Paris 1924, huile sur toile) et Claude dessinant Françoise et Paloma, (Vallauris, 1954, huile sur toile) représentant les deux enfants qu'il a eu avec Françoise Gilot.
Et puis on prend toujours plaisir à plonger le regard dans ces portraits de Dora Maar (Paris 1er octobre 1937, huile et pastel sur toile), Marie-Thérèse (Paris 6 janvier 1937, huile sur toile) ou Jacqueline aux mains croisées (Vallauris, 3 juin 1954, huile sur toile).
Ou encore celui de cette Femme aux cheveux verts (Paris, 18 avril 1949, lavis sur papier lithographique décalqué sur quatre zincs).
J'ai bien entendu été émue de revoir aussi le Chat saisissant un oiseau (Paris 22 avril 1939, huile sur toile) dont je sais qu'il est une référence directe à la menace de la Seconde Guerre Mondiale.
Et puis de découvrir des tableaux moins souvent montrés, comme cette délicate Composition au papillon (Boisgeloup, 15 septembre 1932, tissu, bois, végétaux, ficelle, punaise, papillon, huile sur toile).
En ressortant du musée, la tête riche de toutes ces oeuvres j'en ai vu une autre, spontanée, anonyme, sur le sable du square voisin :
A toi de faire, ma mignonne
Une exposition de Sophie Calle au Musée Picasso
Du 3 octobre 2023 au 7 janvier 2024

La collection, oeuvres choisies
Du 29 août 2023 au 3 mars 2024
Musée Picasso - 5 rue de Thorigny - 75003 Paris

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