Hervé Briaux nous livre un condensé de l’œuvre et de la psychologie de François-René de Chateaubriand à partir des Mémoires d’outre-tombe.
Pour moi qui vais régulièrement dans la maison de la Vallée-aux-loups qui se trouve toujours à Châtenay-Malabry (92) (et dont je recommande la visite de cette demeure comme du parc et de l’arboretum) cette soirée avec ce personnage est quasiment troublante.
Car il incarne fidèlement, me semble-t-il, cet écrivain à la personnalité rare, observateur actif d’un monde encore troublé par le spectre de la Révolution en se fondant à son personnage en une confession intime et politique aux portes du Romantisme.
Le spectacle est conçu de manière à enchanter ceux qui savent tout de la vie de l’écrivain-diplomate tout autant que ceux qui ne le connaissent que de loin.
C’est très agréable de plonger dans les méandres de l’esprit de cet homme d’un autre siècle, mais dont les préoccupations pourraient être les nôtres. On se figure que la décadence qui accompagne la vieillesse est une nouveauté de notre époque mais on constate que c’était déjà le cas pour lui : En ce temps là, la vieillesse était une dignité. Aujourd'hui c’est une charge.
Les oiseaux gazouillent joyeusement alors qu’on découvre un homme qui avoue avoir souffert d’ennui toute sa vie alors qu’on l’imaginait évoluer dans un tourbillon de rencontres, de soirées mondaines et de voyages passionnants ponctuant une vie qui fut très agitée.
Il a pensé au suicide, a échoué dans cette volonté et il cultive désormais le goût de la solitude tout en repensant avec nostalgie aux paysages océaniques et à une enfance heureuse chez sa grand-mère bretonne, seul moment de félicité dans une vie bien remplie : Je n’ai jamais atteint le bonheur que j’ai cherché avec persévérance.
Il reconnaît pourtant avoir organisé de somptueuses fêtes.
Il reconnaît une certaine usure, est conscient que le temps lui est compté, mais on comprend que c’est le travail d’écriture qui est la principale motivation d’une journée réglée par des rituels destinés à calmer ses angoisses : Je me lève à quatre heures, bois un chocolat, enfile ma robe de chambre et travaille, effectue une promenade, déjeune rapidement, travaille encore, fais petit tour avant de dîner à 18 heures …
Quelle image gardera-t-on de cet homme habitué à évoluer parmi les "grands de ce monde" ? Le misanthrope préférant la compagnie des chats à celles des humains ? Le sage paysagiste épris de nature qui parle aux hirondelles ? L’homme insatiable jamais repu de fêtes grandioses ? Le politique reconnaissant avec amertume le bain de sang révolutionnaire ? L’écrivain criblé de dettes, contraint de vendre sa tombe et sa vie, ne possédant plus rien, pas même ses mémoires ? Le vieillard enflammé qui tourne le regard vers la lune ?
Chateaubriand est un peu de tout cela, avec ses joies qui passent et ses chagrins qui restent, profondément lucide et désabusé, y compris sur sa propre œuvre : Et quand je pense que les hommes se persuadent qu’ils laissent des traces !
Le spectacle prend la forme d’une confession intime à la fois sincère et triste, somme toute profondément romantique.
Chateaubriand, mémoires d'outre-tombe, adaptation et interprétation d'Hervé Briaux
Du mardi au samedi à 21 heures
Depuis le 18 janvier 2023
Au Poche Montparnasse - 75 bd du Montparnasse - 75006 Paris
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