Je revendique le plaisir d’avoir été voir Un ours dans le jura au Rex de Châtenay. Franck Dubosc a conçu son troisième film comme une comédie noire sous forme de conte de fin d’année.
C’est très bien joué, par Franck Dubosc qui compose un couple pétillant avec Laure Calamy (encore une fois maman d’un enfant "différent"), par Benoit Poelvoorde qui portait déjà l’uniforme (de douanier cette fois) dans Rien à déclarer, le film réalisé par Dany Boon et qui forme un duo efficace avec Joséphine de Meaux (sa collègue Florence), par Kim Higelin qui incarne la grande ado indocile et moderne du gendarme, après avoir été si sensationnelle dans le film Le consentement de Vanessa Filho. Emmanuelle Devos est sensationnelle en patronne de club échangiste.
Les paysages sont magnifiques. On reconnaît l’impressionnante Cascade de la Billaude admirablement filmée. Décidément, le Jura est à l’honneur en 2024 (après Vingt dieux et Le roman de Jim, tous deux chroniqués ici) mais cette fois on le découvre en hiver.
Michel et Cathy, la cinquantaine, est un coupe paisible mais usé par le temps et par les difficultés financières, ayant perdu l’habitude de se parler, si ce n’est pour l’éducation de leur fils Doudou, lequel a des difficultés d’ordre autistique. Un jour Michel, pour éviter un ours sur la route, heurte une voiture et tue successivement deux personnes. Il découvre deux millions d'euros en billets usagés dans le coffre, ce qui pourrait totalement changer le cours de leur vie (et de quelques autres personnes) s’il était possible de taire cette affaire. A condition que le major de gendarmerie de la région ne tire pas les bonnes ficelles.
Je ne sais pas trop à quoi ça tient mais, d’emblée, j’ai eu le sentiment d’assister à un film américain. Peut-être à la réplique "tout est sous contrôle" (alors que rien ne l’est), au cadrage, à l’enchaînement des catastrophes, toutes plus folles les unes que les autres, et pourtant cohérentes, aux parti-pris audacieux …
Les rebondissements doivent beaucoup à l’imagination de Cathy, grande lectrice de roman policier, ce qui conditionne son raisonnements, ses hypothèses et ses prises de décision. C'est elle l'homme fort du couple. Et de la ténacité, il en faut pour résister à toutes les pressions et aux propositions des "bons" Samaritains, à commencer par le curé qui promet que Dieu seul peut laver l'argent sale.
Parfois gore, jamais vulgaire, le film s'ouvre et se ferme sur un tube de Marie Laforêt (admirez le jeu de mot au passage) en 1973 L'amour comme à seize ans, chanté à tue-tête par Michel au milieu des sapins et qui fera plus tard écho au comportement de la fille du gendarme.
Il y a beaucoup de clins d’œil culturels et mille et une références au cinéma noir (et pas seulement à Fargo). Et je salue sa collaboration pour le scénario avec Sarah Kamisnsky. Le commerce dans lequel on achète le rôti pour le réveillon s’appelle le Bois de l’Ours. Emmanuelle Devos est la mère maquerelle du Cul-Pidon dont l’entrée masque à peine le fameux tableau L’origine du monde de Gustave Courbet, né à Ornans dans le Doubs en 1819, donc natif du Jura.
On entendra sans surprise Les Nuits d'une demoiselle qui est probablement le titre plus connu de Colette Renard. Cette chanson paillarde de 1963 comprend sept couplets évoquant diverses pratiques sexuelles uniquement par des périphrases, ce qui fut sans doute plus scandaleux encore que l’oeuvre de Courbet.
Dans une des dernières scènes, dont je ne raconterai rien, je dirai juste que le gentil Doudou se transformera en Joker.
Allez voir ce film pour savoir si l’argent ne fait (vraiment) pas le bonheur et s’il est trop ambitieux de vouloir croquer une baleine quand on est seulement une petite fourmi.
Mon seul regret est de n’avoir rien vu de Puerto Vallarta (où se passe une scène). C’est un joli port mexicain où Liz Taylor habita (tumultueusement, je vous l’accorde) avec Marlon Brandon. Il est vrai que le film est tout à l’honneur du Haut-Jura dont nous sommes poussés à la visite par un immense panneau publicitaire peint sur le mur en face du commissariat.
Un ours dans le Jura réalisé par Franck Dubosc
Scénario co-écrit par Franck Dubosc et Sarah Kamisnsky
Avec Franck Dubosc, Laure Calamy, Benoit Poelvoorde, Joséphine de Meaux, Kim Higelin, Emmanuelle Devos …
En salles depuis le 1er janvier 2025
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