
Il travaille actuellement à une réécriture de La Métamorphose de Kafka pour le Théâtre du Rictus de Nantes. Mais Une belle fille avec un fusil est la dernière pièce qu’il a conçue pour le théâtre.
Elle a déjà été jouée en 2021 par Alice David quelques fois à Cholet et Angers, pour la Compagnie la Grange aux Arts, dans une mise en scène de Laurence Brunel qui a dirigé la comédienne entre jeu et dialogue avec son personnage, Niki de Saint Phalle.
Cependant la pièce n’a été publiée, par Lansman Editeur, qu’en septembre 2024. La plateforme Babelio, que je remercie, me l’a adressée dans le cadre d’une opération de masse critique. L’ouvrage est dédié à Caroline Deyns qui est l’auteure d’une biographie romancée de l’artiste, Trencadis, publiée en 2020. Elle y interroge des témoins réels ou fictifs et se base sur différents supports (poèmes, calligrammes, fragments) afin de mettre en lumière la vie de l’artiste et en particulier la difficulté d'être femme.
Il faut dire que Niki de Saint Phalle est une artiste dont la vie ne cesse de nous questionner et je voudrais tout d’abord signaler Niki, le premier film de Céline Salette qui a réussi admirablement à nous faire approcher sa problématique.
Le personnage d’Eric Pessan se raconte en situant ses confidences à l’âge de 40 ans. Tout est alors en place. Les traces se sont multipliées. On devine que le personnage va rectifier certaines opinions à propos de l’été des serpents et se présenter, ou se résumer, à une belle fille avec un fusil (p. 9), ce qui est d’ailleurs le titre de la pièce.
Un long monologue, ou plutôt un dialogue avec elle-même, ponctué de quelques mots et/ou phrases en anglais, qui probablement sont des résurgences de son enfance américaine. La comédienne parle de Niki dans un discours intérieur : les mots c’est le pouvoir. Tu le sais bien (p. 12). Les actes les plus forts de l’artiste sont récupérables (parfois récupérés) par un mouvement comme #Me Too. Mais rien qui ne claque comme le tir d’une carabine (…) ou d’une décharge électrique (p. 12), à moins que ce ne soient les souvenirs (…) comme un coup de feu (p. 18).
Ce qui est très pertinent c’est la double interrogation sur le personnage et sur son acte. Ce qui amène Eric Pessan à pointer que la vérité est comprise (contenue) comme une métaphore, en miroir à la remarque de son père « tu fais ta comédienne » lui permettant à se dédouaner de ses actes.
Niki a publié Mon secret en 1994, à propos de faits intervenus dans les années 1940. Eric Pessan fait remarquer, à bon escient, qu’à l’instar de la chanson créée en 1970 L’aigle noir, le véritable sujet n’a été décrypté qu’après coup, à savoir en 1997 pour Barbara. Il est amusant à cet égard de savoir que cette chanson avait été le sujet d’une épreuve de l’oral de français du Bac en 1972.
Parmi les confidences de Niki on apprend qu’elle confondait libre et sans attache (p. 27), que si ses cercles n’étaient jamais tout à fait ronds c’était par choix, car la perfection est froide. L’imperfection donne la vie et elle aime la vie.
L’auteur définit le théâtre, ajoutant modestement « peut-être ». Ce serait mettre de l’ordre dans une histoire, pour le temps d’une représentation. Faire croire que les choses qui se produisent ont un sens (p. 33).
Il fait demander à la comédienne quel effet ça fait de tirer (p. 36). J’ai eu l’opportunité de vivre cette expérience pendant la visite d’une exposition à Mons en Belgique comme on peut le constater sur la photo ci-dessus. Se mettre corporellement dans la peau de l'artiste est une proposition plutôt inédite ... et jouissive.
Le texte ne comporte que 39 pages. C’est bref mais pourtant intense.
Une belle fille avec un fusil d’Eric Pessan, chez Lansman Poche, en librairie depuis le 8 octobre 2024
A partir de 14 ans
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