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samedi 15 septembre 2012

Apart Together de Wang Quan'an pour Cuisine et cinéma

Le titre aurait pu être je pars, je reste ou une autre antithèse comparable.

Qiao Yu’e et Liu se retrouvent après 50 années de séparation. En 1949, soldat dans l’armée nationaliste, Liu a fui Shanghai devant l’avancée des troupes communistes. Parti se réfugier à Taiwan alors coupé de la Chine continentale, il a laissé derrière lui sa femme Qiao Yu’e enceinte de leur enfant. Cinquante ans plus tard, il retourne à Shanghai où il retrouve son amour de jeunesse et lui propose de venir vivre avec lui. Mais Qiao Yu’e a refait sa vie…

Le réalisateur a confié qu'il n'a pas mis plus de quatre mois à réaliser tout le projet en s'inspirant de situations plausibles du point de vue de la réalité historique. En 1949, l’armée du Kuomintang, le parti nationaliste chinois, est défaite par les troupes communistes de Mao et se retire sur l’île de Taïwan (appelée Formose à l’époque) avec deux millions de civils. Depuis, malgré quelques tensions, c’est le statu quo, dont aucune des deux parties ne semble vouloir sortir aujourd’hui : Taïwan n’est ni indépendante ni contrôlée par le régime communiste de Chine continentale. Quatre décennies de croissance économique rapide ont fait de Taïwan un des "dragons" d’Asie et ont assuré la prospérité de ses habitants. Depuis le milieu des années 2000, une relative détente politique a succédé au renforcement des liens économiques entre la Chine et Taïwan. Des lignes maritimes et aériennes directes sont ouvertes. Des touristes traversent le détroit. Des familles désunies reprennent contact, de manière un peu comparable à la chute du mur de Berlin.

Wang Quan'an est à peine cinquantenaire. Il appartient à un groupe que l'on désigne comme la 6 ème génération, la même que celle du documentaire The World, projeté hier mais que je n'ai pas vu. De nombreux réalisateurs de tous âges, Jia Zhangke, Wang Xiaoshuai ou bien encore Zhang Yuan, composent cette nouvelle vague dont le cinéma se veut plus urbain, sans doute en hommage aux massacres de la place Tian'anmen qui datent ce mouvement cinématographique à avril 1989. De fait, si son précédent film, le Mariage de Tuya, ours d’or à Berlin en 2007, se déroulait la campagne, Apart Together montre la ville à travers une alternance très réussie de séquences de courses et de repas.

Jusqu'en 1989 les documentaires n’étaient que des films de propagande. Ici on a un film qui est certes une fiction mais qui montre bien comment la réalité peut constituer une source d’inspiration. Les réalisateurs de la 6ème génération qui font de la fiction ont pris un regard de documentaliste.

Wang Quan'an met en lumière le changement de mode de vie engendré par l'urbanisation démentielle de Shanghai. Le film n'est pas encore sorti sur les écrans qu'il témoigne déjà de quartiers qui n'existent plus, à l'instar des ruelles pékinoises de Beijing Bicycle.

Autant la famille était unie et serrée autour de la table quand les grands parents vivaient dans un minuscule appartement communautaire, autant ils sont dans l'isolement de leur "riche" et vaste appartement où personne ne vient leur rendre visite. On pourrait s’étonner qu’elle ait plusieurs enfants mais ils sont nés avant la recommandation de se limiter à un seul.

Rares sont les films dont les personnages principaux sont des vétérans de 75 ans. C'est une réflexion sur la modernité, sur le temps qui passe et qui, comme le dit un des personnages, ne nous attend pas. Ce film là n’est pas frontal dans sa critique mais on devine la lourdeur administrative qui est pointée avec beaucoup d’humour. Devoir se photographier pour divorcer, en fait se marier officiellement, sans doute à cause du partage de l'appartement acquis en commun depuis, a quelque chose de parfaitement surréaliste.

Il aborde aussi la question fondamentale de l’être ou ne pas être. Toutes ces années je n'ai fait que survivre dit l'homme qui voudrait commencer à profiter de la vie et qui, par un coup du sort fait un AVC au moment crucial.

De 1949 et jusqu’en 1976 la Chine fut le pays du grand mensonge. Mais il ne faudrait pas idéaliser le pays d'avant Mao. Les femmes, dont on bandait les pieds, n’avaient pas une vie merveilleuse. Le marxisme leur a apporté un espoir en les plaçant à égalité avec les hommes.

L’action démarre en 1987. Le mot « dette » est invoqué par le vétéran de l’armée nationaliste combattant le communisme qui est parti pour Taiwan, contraint et forcé. Puis très vite on est en 2005, à Shanghai. 

Apart together est un très beau portrait de femme qu'il ne faudra pas manquer quand il sera programmé en salles. Il est assez symbolique de l’ouverture de la Chine, certes encore timide. Peu de confidences sont échangées. Mais on sent un immense regret : des deux cotés on est du même sang.

Les repas sont un moyen de se convaincre que "tout va bien". On cuisine les spécialités de fruits de mer et de poissons à Shanghai, en particulier l'anguille pour les retrouvailles, et puis la marmite de Boudha pour le repas d'adieu. La première réception est l’affaire de toute la famille et du quartier. L’homme est surnommé le « taïwanais ». Il est accueilli en fanfare à sa descente de taxi.

On remarque que le plat principal s'accompagne de multiples coupelles et que tout est posé sur la table en même temps. D'ailleurs dans Ma soeur chinoise on voyait les plateaux tournants superposés au centre de des tables de la cantine, fort pratique pour se servir un peu de tout, et plusieurs fois.

L'alcool semble être très important. On le boit chaud, dans des sortes de coupelles comme on le ferait avec du thé. On chante beaucoup, parfois des chants d'inspiration européenne. L'humour encore une fois imprègne le scénario quand le Crachin est le titre de la chanson qui attire la pluie.

La situation semble inextricable. Impossible pour cette femme d'abandonner l'homme qui a pris soin d'elle et de son fils. Elle a juste la consolation de pouvoir faire à son amour de jeunesse de vrais au-revoir mais qui ont cette fois le goût de l'adieu. L'histoire se répète avec la petite fille dont le fiancé part pour deux ans (deux vraiment ?) aux USA.

Tout espoir est-il vain ? Toujours est-il qu'elle prépare un bol pour un éventuel arrivant de dernière minute à la fin du film.

Cuisine et Cinéma marque une rencontre avec un chef. Serge Limare nous accompagna chaque fois en découvrant lui-même les thématiques. L'année dernière il avait combiné des saveurs méditerranéennes à l'occasion de la sortie en avant-première de El Bulli. Avec la Chine c’est certainement notre dernier épisode car Marianne Piquet quitte les commandes du festival mais il y aura d’autres choses.
Le chef du Chateaubriand nous avait préparé des nems, des samoussas et des bouchées vapeur. Ont suivis un porc laqué, des nouilles aux crevettes et un boeuf aux champignons noirs. Nous pouvions découvrir une bière chinoise avant de gouter à un dessert qu'il avoua n'avoir pas su faire lui-même, des demi-sphères fourrées à la pulpe de marron ou de haricots rouges.
Hôtel restaurant Le Chateaubriand, 418, avenue de la Division Leclerc, 92297 CHATENAY-MALABRY Cedex, Tél.: 01.46.29.98.20

Pour tout savoir de la 11 ème édition, horaires et programme du Festival : Le Rex, 364 avenue de la Division-Leclerc, 92290 Châtenay-Malabry - Renseignements : 01.40.83.19.81 Site du Rex : http://cinema.lerex.free.fr/

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