C'est la première fois qu'Amandine Rousseau se trouve seule en scène pour interpréter un spectacle. L'épreuve est brillamment réussie. Elle exprime toutes les émotions d'une femme qui est au début de la pièce dans le déni d'un acte terrible que Rien, plus rien au monde ne pourra jamais changer.
La pièce a été créée en 2015 et joué notamment au festival d'Avignon cette année là. Elle a tourné avant d'investir le Théâtre de la Contrescarpe, malheureusement pour deux jours par semaine seulement ... pour le moment.
Le public entre sur la musique nostalgique de Besame Mucho dont la mélancolie suinte même sans connaitre les paroles de la version originale : J'ai peur de te perdre une nouvelle fois ... comme si cette nuit était la dernière ... La comédienne semble au bout du rouleau, assise sur une chaise quelconque dans un décor artificiel d'objets hétéroclites.
On se demande si c'est bien dans cette tenue là qu'elle revient du supermarché. Rien ne parait alors plus important que de nous convaincre qu'elle est une bonne ménagère, soucieuse d'économiser l'argent du foyer. Faut que je range les courses mais là rien, plus rien au monde ne pourra remettre les choses à leur place.
On remarque les dégoulinades écarlates. On se demande s'il est bien raisonnable de partager sa joie enfantine au fur et à mesure qu'elle énumère les trouvailles qu'elle a faites pour quelques centimes en commentant chaque article du ticket de caisse, terminant par le Pineau des Charentes dont elle ne peut s'empêcher de faire descendre une petite goutte sans sa gorge ... une petite ... Elle songe à "la" petite dont elle nous dit qu'elle devrait ranger la chambre.
Mais elle temporise et nous raconte sa vie, pleine de misères, et de rêves qui s'évanouissent comme autant de mirages sur le sable d'un désert brûlant. Quand on gagne péniblement 6, 50€ de l'heure de ménage non déclarée, soit 642€ par mois on ne meurt pas de faim mais on est obligé de compter.
Avec ce budget là on s'offre une vie de discount où l'on ne peut guère avoir de vices. Elle concède Télé Z, Voici, le Loto, une fois par mois une couleur (chez une voisine coiffeuse à domicile) et ... le Pineau.
Avec cette vie là on avance en esquivant les risques. Il faut tenir le mari à la maison devant la télé pour le protéger des tentations. Et après leurs treize ans il faut surveiller les gamins comme le lait sur le feu. Si t'évite la drogue, c'est du tout cuit. La p'tite pourra (pourrait/aurait pu) épouser un gars gentil et fonder avec lui une autre famille ... tout autant minable.
Juliette n'a pas abandonné ses rêves. Ceux qu'elle fait devant le frigo ouvert de ses patronnes en consultant les étiquettes de produits de marque comme ceux qu'elle fabule en achetant un billet de loto ne la mèneront à rien. Alors elle reporte ses frustrations sur la petite qui, si elle perçait comme mannequin ou dans une émission de télé (n'importe laquelle pourvu qu'on ait un petit succès, même si c'est Un jour, une histoire). Sauf que la petite ne semble pas du tout partager cette utopie. Et que le comportement de la mère sera impardonnable, même quand elle pleurera qu'elle voulait juste que sa fille soit heureuse.
On a bien eu un doute tout à l'heure quand Juliette s'est exprimée avec dureté au sujet des sans papiers mais on éprouve à son égard tant d'empathie qu'on lui souhaite sincèrement de s'en sortir.
La ménagère a conservé son âme de jeune fille. Romantique à souhait. Ne pouvant retenir un pas de valse sur la chanson de Michèle Torr Enmène-moi danser ce soir qui évoquait en 1978 les difficultés d'un couple après plusieurs années de mariage. Le public commence à comprendre que oui rien plus rien au monde ne pourra remettre les choses comme avant. Mais avant quoi ... exactement ?
La tension monte d'un cran. Tout s'accélère. La folie a envahi tout l'espace. Juliette n'a qu'une seule voie possible : devenir elle-même l'héroïne d'une émission de télévision puisque la petite ne veut pas dont on imagine sans peine le titre : bonne mère, mauvaise fille ... ou l'inverse, allez savoir !
La pièce est brillamment interprétée par Amandine Rousseau dans une mise en scène de Fabian Ferrari. C'est l'adaptation théâtrale d'un roman de cinquante pages de Massimo Carlotto, un des écrivains italiens contemporains les plus lus et auteur de romans noirs.
Conservez votre billet. Il vous permettra de bénéficier d'un tarif réduit à votre prochaine venue, sauf pour les concerts.Le public entre sur la musique nostalgique de Besame Mucho dont la mélancolie suinte même sans connaitre les paroles de la version originale : J'ai peur de te perdre une nouvelle fois ... comme si cette nuit était la dernière ... La comédienne semble au bout du rouleau, assise sur une chaise quelconque dans un décor artificiel d'objets hétéroclites.
On se demande si c'est bien dans cette tenue là qu'elle revient du supermarché. Rien ne parait alors plus important que de nous convaincre qu'elle est une bonne ménagère, soucieuse d'économiser l'argent du foyer. Faut que je range les courses mais là rien, plus rien au monde ne pourra remettre les choses à leur place.
On remarque les dégoulinades écarlates. On se demande s'il est bien raisonnable de partager sa joie enfantine au fur et à mesure qu'elle énumère les trouvailles qu'elle a faites pour quelques centimes en commentant chaque article du ticket de caisse, terminant par le Pineau des Charentes dont elle ne peut s'empêcher de faire descendre une petite goutte sans sa gorge ... une petite ... Elle songe à "la" petite dont elle nous dit qu'elle devrait ranger la chambre.
Mais elle temporise et nous raconte sa vie, pleine de misères, et de rêves qui s'évanouissent comme autant de mirages sur le sable d'un désert brûlant. Quand on gagne péniblement 6, 50€ de l'heure de ménage non déclarée, soit 642€ par mois on ne meurt pas de faim mais on est obligé de compter.
Avec ce budget là on s'offre une vie de discount où l'on ne peut guère avoir de vices. Elle concède Télé Z, Voici, le Loto, une fois par mois une couleur (chez une voisine coiffeuse à domicile) et ... le Pineau.
Avec cette vie là on avance en esquivant les risques. Il faut tenir le mari à la maison devant la télé pour le protéger des tentations. Et après leurs treize ans il faut surveiller les gamins comme le lait sur le feu. Si t'évite la drogue, c'est du tout cuit. La p'tite pourra (pourrait/aurait pu) épouser un gars gentil et fonder avec lui une autre famille ... tout autant minable.
Juliette n'a pas abandonné ses rêves. Ceux qu'elle fait devant le frigo ouvert de ses patronnes en consultant les étiquettes de produits de marque comme ceux qu'elle fabule en achetant un billet de loto ne la mèneront à rien. Alors elle reporte ses frustrations sur la petite qui, si elle perçait comme mannequin ou dans une émission de télé (n'importe laquelle pourvu qu'on ait un petit succès, même si c'est Un jour, une histoire). Sauf que la petite ne semble pas du tout partager cette utopie. Et que le comportement de la mère sera impardonnable, même quand elle pleurera qu'elle voulait juste que sa fille soit heureuse.
On a bien eu un doute tout à l'heure quand Juliette s'est exprimée avec dureté au sujet des sans papiers mais on éprouve à son égard tant d'empathie qu'on lui souhaite sincèrement de s'en sortir.
La ménagère a conservé son âme de jeune fille. Romantique à souhait. Ne pouvant retenir un pas de valse sur la chanson de Michèle Torr Enmène-moi danser ce soir qui évoquait en 1978 les difficultés d'un couple après plusieurs années de mariage. Le public commence à comprendre que oui rien plus rien au monde ne pourra remettre les choses comme avant. Mais avant quoi ... exactement ?
La tension monte d'un cran. Tout s'accélère. La folie a envahi tout l'espace. Juliette n'a qu'une seule voie possible : devenir elle-même l'héroïne d'une émission de télévision puisque la petite ne veut pas dont on imagine sans peine le titre : bonne mère, mauvaise fille ... ou l'inverse, allez savoir !
La pièce est brillamment interprétée par Amandine Rousseau dans une mise en scène de Fabian Ferrari. C'est l'adaptation théâtrale d'un roman de cinquante pages de Massimo Carlotto, un des écrivains italiens contemporains les plus lus et auteur de romans noirs.
Rien, plus rien au monde
Un monologue de Massimo Carlotto, mis en scène de Fabian Ferrari
avec Amandine Rousseau
au Théâtre de la Contrescarpe, 5 Rue Blainville, 75005 Paris
Téléphone : 01 42 01 81 88
Du 6 novembre au 26 décembre les dimanches à 15h et les lundis à 20h
Prolongation en raison de son succès les 8, 15, 22, 29 Janvier à 15 h puis du 5 mars au 30 avril, toujours le dimanche à 15 h
Les photos qui ne sont pas logotypées A bride abattue sont de F. Beauguion.
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