J'ai été envoutée par ce film d’animation très particulier, qui s’adresse à un public d’adultes, que je suis allée voir au Rex de Chatenay-Malabry mais qui passe dans beaucoup de cinémas en France en ce moment.
Il s’intitule J’ai perdu mon corps et retenez le nom du réalisateur. C'est le premier film réalisé par Jérémie Clapin. Il ne va sans doute pas en rester là et tout le monde dit qu’il est promu à un bel avenir.
Le scénario est tiré du roman "Happy hand" paru au Seuil en 2006. Contrairement à ce que le titre peut laisser croire c’est un roman écrit par un français qui s’appelle Guillaume Laurant. Happy Hand a une proximité phonétique avec l’expression Happy End, qui signifie joyeuse fin. L’auteur a voulu faire un jeu de mots en modifiant l’expression en Happy Hand, qui, traduit littéralement, devient Joyeuse main.
Je regrette que Jérémie Clapin ait préféré le titre de J’ai perdu mon corps qui est plus prosaïque, mais qui néanmoins annonce clairement la première scène du film quand la main "se réveille" alors qu’elle est enfermée dans un sac en plastique à l'intérieur d'un réfrigérateur, dans un probable laboratoire médical. Elle parvient à s’échapper, évidemment d’une façon totalement incroyable. Commencent alors ses innombrables aventures, à la recherche éperdue du corps auquel elle appartient et qui est celui d’un jeune homme qui s’appelle Naoufel.
Je ne sais pas si j’avais déjà vu auparavant un film conjuguant de manière aussi originale l’angoisse, la poésie et l’humour, même si j’avais eu un énorme coup de coeur à la rentrée pour les Hirondelles de Kaboul. Le contexte est différent puisqu’il était inspiré d’une histoire vraie.
Avec J’ai perdu mon corps chaque plan est une surprise, par le cadrage, les couleurs, soit délavées, soit noir et blanc. Par la bande son qui est prodigieuse. Et par l’histoire qui est très touchante et finalement plausible. C’est le miracle du surréalisme quand il est au service du talent.
En précisant que J’ai perdu mon corps est un film d’animation pour adultes, cela signifie juste qu’il ne s’adresse pas à de jeunes enfants.
C’est vraiment du jamais vu. Trois récits, dans trois univers, se déroulent en parallèle. D’abord c’est cette main, qui ne parle pas évidemment, mais qui exprime une variété incroyable d’émotions, et qui devient au fil du temps quasiment un personnage à part entière. C’est Naoufel qui rêvait d’être cosmonaute ou pianiste et qui n’est "que" livreur de pizza, subissant sa vie et multipliant les difficultés avec ses livraisons. C’est aussi Naoufel petit garçon heureux au sein d’une famille unie, en Algérie, jusqu’à ce qu’arrive un drame que bien sûr je ne vous raconte pas.
La vie de Naoufel connait plusieurs déboires mais un jour il rencontre Gabrielle, qui vit quasiment dans le ciel puisque son appartement est au 34 ème étage d’une tour. Le garçon va alors tout mettre en oeuvre pour convaincre la jeune fille de s’intéresser à lui.
Les trois récits se chevauchent et le spectateur progresse dans la reconstitution de l’histoire et va comprendre progressivement comment cette main a pu être séparée du corps du jeune homme.
Ce film donne autant à penser qu’à réfléchir. Les images demeurent dans notre mémoire parce que le propos a une dimension philosophique sur ce qui est important dans la vie, et sur le poids (ou la légèreté) du destin, même s'il n'est pas nécessaire de s’identifier à l’un des personnages.
Ce film marquera un tournant historique pour le cinéma d’animation français. Parce que tout y est beau, surprenant, et que la poésie y est élevée au rang de vertu.
J’ai frissonné, même pleuré. J’ai ri aussi et j’ai constamment été émerveillée par le style unique de ce réalisateur qui jongle de manière si originale avec l’espace et le temps.
Alors allez voir, et je suis sûre que vous aurez même envie de le revoir…
J’ai perdu mon corps de Jérémie Clapin
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