Quand je vois le nom d’Agnès Ledig, je clique. Je veux dire par là que j’aime tellement son écriture que je ne lis même pas le résumé pour savoir que j’ai envie de la lire. Voilà comment je me suis retrouvée avec Sous l’écorce sans avoir la moindre idée du sujet.
Je peux être soulagée, je ne suis pas la seule et j’ai franchement ri de lire ces mots : j’ai quelques auteurs et autrices incontournables dont j’achète la nouveauté sans lire ni le résumé ni les avis.(p. 59).
Je m’attendais malgré tout à un roman et j’ai été surprise ! D’autant plus que, l’ayant reçu en version numérique, le texte n’était pas encadré par une couverture et une quatrième qui m’aurait fourni quelques pistes.
C’est en lisant le livre que j’en ai découvert le sujet. Et bien plus tard que j’ai apprécié la couverture imaginée par un illustrateur devenu un de ses amis, Frédéric Pillot, qui a remarquablement combiné l’image de l’arbre et de la plume.
Sous l’écorce est un mode d’emploi. Il est destiné à ceux qui voudraient se lancer dans l’écriture d’un roman et qui ne sauraient pas comment s’y prendre. Mais, derrière cette apparence, c’est un livre de confession comme le serait une autobiographie.
Je ne reviendrai pas sur l’origine de la vocation d’écrivaine d’Agnès Ledig. Elle en a suffisamment parlé, avec une sincérité souvent douloureuse. Elle refait malgré tout le point là-dessus dans ce livre, évidemment. Mais comme elle le mentionne elle-même, avoir publié dix romans devrait donner envie aux journalistes de la questionner sur l’avenir et plus sur le passé.
Il me semble que précisément elle se tourne vers quelque chose de l’ordre de la transmission, ce qui est in fine le sens de ce dernier ouvrage. Laisser une trace… Peut-être ce qui anime chaque auteur et chaque autrice (p. 29).
Agnès aime les arbres. La preuve, elle a rédigé le texte de présentation du livre de Georges Feterman, paru chez Albin Michel, en 2022 Les Arbres les plus remarquables de France. Avec Sous l’écorce, elle file la métaphore jusqu’au bout avec force et justesse.
Je soulignerai que j’ai été passionnée par ce qu’elle dit du travail éditorial (dont je trouve souvent qu’il manque à certains auteurs alors que je ne savais même pas en quoi consistait ce travail) même si jamais personne ne pourra vous dire qu’il faut écrire de telle ou telle façon. Car l’écriture appartient à chaque individu, en cela qu’elle s’inspire de qui il est (p. 152). J’ai aimé cette analyse qui suggère que l’écriture serait chez chacun de nous équivalente en terme d’unicité à une empreinte digitale, totalement personnelle.
Je ne vais donc pas commenter sa méthode d’écriture. J’apprécie toutefois qu’elle nous en fasse cadeau. Toutefois, ce que j’ai surtout préféré c’est la conversation qu’elle lance avec le lecteur à qui elle s’adresse comme à un ami, un confident, une sorte de partenaire de lecture. Chacun pointera ce qui le touche.
Il est très juste de souligner la dimension thérapeutique de l’écriture (p. 36), même si la motivation reste la clé de voûte d’une réussite (p. 26), ce qui est vrai pour tout.
Certaines anecdotes en disent long sur la position de l’auteur. Il faut une sacrée dose de bonne volonté, et beaucoup de force de ne pas se laisser décourager par le peu de livres signés au cours de longues après-midis bloquées par des dédicaces dans des lieux parfois improbables (p. 42). Franck Courtès souligne lui aussi dans A pied d’œuvre combien ce « métier » n’est pas le meilleur moyen de gagner sa vie. Pour Agnès Ledig ce serait une triste motivation (p; 44) mais je crois que c’est surtout une réalité dramatique.
Je me suis reconnue dans la façon qu’avait son grand-père de tracer la lettre d (que j’avais copiée d’une personne que j’admirais) et sa manie de collectionner les carnets vierges pour noter tout ce qui concerne un livre en gestation. Théoriquement elle en a donc usé 10. J’y fait la prise de notes des spectacles auxquels j’assiste, des films, des expositions, des interviews, des ateliers culinaires, bref de tout ce qui va ensuite faire l’objet d’un article dans le blog. Mais je n’y rédige aucun brouillon d’article. Ils sont en quelque sorte les carnets intimes de tout ce que je fais, donc chronologiques et je dois en avoir rempli une centaine. C’est toujours un crève-cœur de devoir en sélectionner un nouveau quand le précédent a été rempli.
Dans l’idéal (et ce qui suit est destiné à ceux qui cherchent des « goodies » pour assurer la promotion des livres et qui voudraient trouver une meilleure idée que le « tote bag » …) il doit pouvoir tenir dans une poche, avec un élastique pour y glisser le stylo (qu’il n’est pas nécessaire de fournir), en papier sur lequel le stylo glissera vite, un peu jaune parce que le blanc fait mal aux yeux, surtout sans lignes car elles me sont inutiles quand j’écris dans le noir (au théâtre et au cinéma), plutôt à spirale, car il est moins encombrant pour prendre des notes par exemple sur une table de restaurant, pas trop épais car il pèserait lourd dans le sac. Et bien sûr sa couverture reprend celle du livre, ce qui assure la diffusion d’un message publicitaire pendant toute la durée de son utilisation.
Agnès Ledig a la sincérité de nous donner sa livre de livres indispensables parmi lesquels je n’en ai encore lu qu’un seul, pour lequel je partage son avis positif. Il faut du courage pour donner des noms, car on sait qu’on va susciter des reproches de tant d’auteurs appréciables au demeurant.
En tout cas me voici avec une nouvelle liste et donc du pain pour ma PAL …et le prochain livre prévu est précisément Des diables et des saints de Jean-Baptiste Andrea, qu’Agnès dit avoir récemment découvert. Serai-je moi aussi émue par le même passage qu’elle ? Je me souviens de mon enthousiasme à la lecture de son premier, Ma reine, en 2017.
Je ne vous donnerai pas la liste des romans d’Agnès Ledig à lire (si vous ne l’avez déjà fait). Ils sont tous excellents. Je me souviens malgré tout particulièrement de Juste avant le bonheur, seul titre qu’elle n’a pas véritablement validé (et que j’adore).
Il est toujours utile de rappeler les droits du lecteur formulés par Daniel Pennac. J’avais oublié qu’il avait prévu le droit de nous taire en ne parlant pas de livres qu’on a lus et qu’on n’a pas aimés. Que j’exerce très peu sur le blog car je trouve intéressant l’exercice d’expliquer pourquoi on n’a pas apprécié tel ou tel livre, à condition de l’avoir lu en entier. J’ajouterai le droit de changer d’avis, après relecture, des années plus tard, et dans un autre contexte.
Sous l’écorce est autant un témoignage humain qu’un manifeste écologique que résume assez bien cette maxime : Nous n’avons pas besoin de paillettes, mais de paille pour protéger nos chevreaux et notre potager (p. 50). Et si nos actions semblent dérisoires, au moins Le seul réconfort est de se dire que nous ne sommes pas restés les bras ballants en attendant la fin (p. 51).
Il n’empêche. Agnès Ledig n’hésite pas à utiliser la notoriété pour ses engagements Ayant toujours rêvé de changer le monde pour en faire disparaître les injustices, un des intérêts que je trouve à la notoriété est de pouvoir l’utiliser à ces fins, afin de rendre visibles certaines causes qui me tiennent à cœur. Le don du sang, la protection du vivant, les violences faites aux femmes, l’agroécologie. Autant de combats que j’aborde dans mon écriture et que j’essaie de porter au vu et au su du plus grand nombre (p. 146).
Ainsi la dimension thérapeutique de l’écriture déborderait de son action sur l’auteur pour se propager à la société toute entière, nous apportant un superbe message d’espoir.
Sous l'écorce d’Agnès Ledig, illustré par Frédéric Pillot, Albin Michel
Lu en version numérique de 176 pages
En librairie à partir du 12 octobre 2023
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