L'annonce officielle du Prix vient d'avoir lieu pour la troisième année consécutive au Centre national du Livre. C'est Agnès Ledig qui l'emporte avec Juste avant le bonheur, publié chez Albin Michel.
Le jury, composé du comité de lecture et de 15 propriétaires de points de vente à l’enseigne Maison de la Presse, l'avait sélectionné cette année avec 5 autres titres :
Je vais mieux de David Foenkinos (Gallimard)
Éclats de voix d’Yves Hugues (Les Escales)
L'enfant de Calabre de Catherine Locandro (Héloïse d'Ormesson)
Le silence de Jean-Guy Soumy (Robert Laffont)
L'atelier des miracles de Valérie Tong-Cuong (JC Lattès)
Les auteurs étaient loin d'être des novices, ce qui rend le choix encore plus précieux pour la romancière, vivement encouragée à poursuivre sa carrière en tant qu'auteure. Se placer devant David Foenkinos témoigne d'un talent évident dont il faudrait qu'Agnès Ledig cesse de s'interroger.
J'ai eu la chance de lire cet ouvrage avant l'annonce de la récompense et dès les premières pages je n'ai aucun doute sur le verdict. Agnès Ledig décline merveilleusement la question de l'espérance. Mes amis connaissent ma formule : l'espoir est un emprunt fait au bonheur ... et il arrive parfois que les intérêts à verser soient hors de prix par comparaison à la brièveté du rêve.
C'est la posture derrière laquelle Julie s'est repliée. Au fond, le malheur a ceci de pratique qu'on sait à quoi s'attendre. Il est inconfortable certes, mais prévisible. Vous le savez. Vous l'avez expérimenté : le changement fatigue, la routine rassure. Julie est ainsi. Elle épluche les oignons sans pleurer mais elle déteste ce qui est nouveau (P. 131). Elle sera servie !
Cela fait longtemps que Julie ne croit plus aux contes de fée. Caissière dans un supermarché, elle élève seule son petit Lulu, unique rayon de soleil d’une vie difficile. Pourtant, un jour particulièrement sombre, le destin va lui tendre la main. Emu par leur situation, un homme généreux les invite dans sa maison du bord de mer, en Bretagne. La chance serait-elle enfin en train de tourner pour Julie ?
Depuis l'Année Brouillard de Michelle Richmond, j'avais rarement lu un roman qui illustrait si parfaitement ma philosophie. Juste avant le bonheur est un beau roman, une belle histoire. Mais pas que ...
On pourra lire ce roman pour engranger de nouveaux proverbes. Arabe : Ne baisse pas les bras, tu risquerais de le faire deux secondes avant le miracle. Japonais : Le bonheur va vers ceux qui savent rire. Personnel à l'auteure : Le temps passe et panse.
On pourra aussi doper ses connaissances en astronomie (P. 143). En apprendre davantage sur les méthodes des sage-femmes à travers une femme étonnante, Sylvie Petitjean (P. 291 et svtes). Sur ce plan l'inspiration ne fait aucun doute puisque c'est le métier qu'Agnès exerce dans la "vraie" vie. J'ai retrouvé l'atmosphère qui se dégage du Choeur des femmes de Martin Winckler. Là encore rien d'étonnant, la jeune femme connait parfaitement son avis sur la question et le partage.
A l'instar de Michelle Richmond, Agnès Ledig fouille elle aussi la question de la culpabilité et du choix. Certains parleront de destin. A quoi bon demeurer positif quand une pluie de poisse vous fait courber l'échine ?
Elle aborde la générosité en long, en large et en travers avec son corollaire, la reconnaissance, et l'interrogation qui taraude les bénéficiaires : sera-t-on redevable, et jusqu'à quel point ...
Elle nous offre aussi tout simplement de jolies histoires d'amour, avec de très beaux personnages masculins, ce qui n'est pas si fréquent.
La nature prend une place importante dans son écriture. Entre paysages marins et randonnées en montagne, le lecteur remarque le rôle que les grands espaces peuvent jouer dans le développement personnel.
Le style est vivant, jamais monotone, alternant des dialogues très dynamiques avec quelques pages d'introspection, en italiques, évoquant un journal intime. De temps en temps une petite paillette surgit avec un mot d'enfant. Là encore sans nul doute la résurgence d'un vécu sans que le livre ne soit jamais un récit de vie totalement inspiré de la sienne.
Jean-Louis Servan-Schreiber, qui présidait la soirée (succédant ainsi à Patrick Poivre d’Arvor, François Busnel et Jean d’Ormesson pour ne citer que les trois derniers) saluait la performance d'Agnès Ledig dans la course aux prix littéraire, un sport remarquable où elle concoure et gagne pour la seconde fois, avec une histoire touchante où les dialogues aiment mettre en manœuvre les échanges des idées. En effet, son premier roman, Marie d’en haut, fut le Coup de cœur du grand prix des lectrices de Femme Actuelle.
Agnès Ledig était tremblante d'émotion, se déclarant non plus "juste avant" mais "en plein" dans le bonheur. Si parfois la vie lui a offert une cerise sur le gâteau, ce soir c'est le cerisier tout entier qui lui est servi. Et au moment où les jolies choses de la vie lui arrivent, elle affirme les savourer à leur juste valeur.
Ce livre est une victoire. Je forme le voeu que chacun puisse intégrer ce petit morceau d'espoir contenu dans cette histoire qui peut arriver à chacun. Je dédie le prix à ma maman qui n'est plus là, à mon mari Emmanuel qui est à mes côtés depuis 20 ans, et surtout à mon petit Nathanaël qui m'a donné la force de continuer sans lui.
Sa photo dans la vitrine de la célèbre librairie de la place Kleber à Strasbourg avait fait un choc à sa nature alsacienne. Elle s'attend à en avoir d'autres en traversant le Cantal cet été, ne doutant pas de la sollicitation des libraires auvergnats. N'hésitez pas à l'arrêter quelques instants si vous croisez sa route. Elle sera sans nul doute heureuse d'échanger quelques mots avec vous.
Après la découverte de la notion de résilience avec Boris Cyrulnik, Agnès Ledig nous enseigne la coalescence. Cela fait du bien.
Juste avant le bonheur d'Agnès Ledig, Albin Michel, Mai 2013
1 commentaire:
Les références à Winckler et à Michelle Richmond auraient plutôt tendance à me freiner. Deux lectures que nous avions partagées et que j'avais moyennement appréciées (surtout Le Choeur des femmes, my god, quel ennui). Mais vu ton avis enthousiaste, qui sait, je pourrais au moins lui laisser une chance ;-)
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