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dimanche 19 mai 2013

2013, l'année Le Nôtre, Le Parc de Sceaux va changer de perspective

(mise à jour 30 mai 2013)

Plusieurs entrées permettent d'accéder au Parc de Sceaux. J'aime bien le porche discret de la rue du Docteur Berger qui débouche sur le Petit Château.

Colbert avait acheté ce château en 1682, un an avant de mourir, alors qu'il détenait la totalité du Parc depuis 1670. La duchesse du Maine y installa ses enfants au XVIII°. Ils avaient la chance d'avoir dans leur jardin des automates qui s'agitaient sous l'action de l'eau.

Cette magie fut de courte durée. Une friche foisonnante prit possession des lieux lorsque le parc se retrouva à l'abandon après la première guerre mondiale. En 1923, un certain Henri Fournier (qui sera connu sous le nom d'Alain Fournier) décrivait une situation catastrophique. Il lui arrivait de sauter par dessus le mur d'enceinte pour explorer la nature sauvage alors qu'il préparait l'Ecole normale supérieure au lycée Lakanal à Sceaux où il est entré en octobre 1903.

On peut croire qu'il s'en est inspiré pour écrire quelques passages de son unique roman, le Grand Meaulnes, même s'il en situe l'action en Sologne.
Les jardins bordant le Petit Château sont aujourd'hui plantés de vivaces et de petits rosiers remontant s "Comte de Chambord" qui embaument les soirs d'été. 
Une statue de Claude Lalanne intitulée l'Olympe se dresse avec délicatesse au milieu d'un bassin rond. Juste de l'autre coté de l'allée gravillonnaire, le long bassin rectangulaire bordé d'iris accueille régulièrement un héron venu pêcher son dîner.
J'aime commencer la balade par ici parce que l'oeil porte jusqu'au Grand Canal à travers une trouée dans les feuillages. Observez la photo ci-dessus à droite, et la même en plan rapproché, juste en dessous. On a le sentiment d'avoir dérobé cette vision alors qu'elle a été pensée ainsi par le concepteur qui s'amusait de jouer avec les perspectives. Ce jardinier magnifique qui préfigurait le métier actuel de paysagiste c'est Le Nôtre, bien entendu.
Héron, cygnes, canards, chouettes sont les résidents fidèles ... les rouge-gorges aussi lorsqu'ils ne sont pas en migration.
Les jardins qui sont plantés entre cette zone et le pavillon de l'Aurore abondent en aubépines roses à fleurs doubles qui se déploient au-dessus de la charmille. Attention aux épines !
Des fontaines en rocaille ont été replacées en 2000 à l'identique de ce qui existait autrefois, séparées par un amphithéâtre de verdure.
Le bénitier étant un coquillage protégé ceux que l'on voit sont des faux. Une allée en sous-bois bordée de hauts cerfeuils conduit jusqu'au Château qui abrite le Musée d'Ile-de-France.
Il est 15 heures et le ciel est d'un noir de plomb, se confondant avec l'ardoise de la toiture alors qu'au lointain un panache de nuages blancs semble lutter pour se maintenir. Pas question de rebrousser chemin. Il faut bien s'aérer un peu.
Le domaine couvre 180 hectares. Le département de la Seine l'avait acheté en 1923 à la descendante des Trévise dont la famille avait reconstruit le château à partir de 1856. Il appartient au Conseil Général  des Hauts-de-Seine depuis les années 70. Il faut faire des choix. On se dirigera dans un premier temps vers les Cascades qui déroulaient leur nappe d'eau jusqu'à la "mare morte", et depuis lesquelles on devine le bassin de l'Octogone tout au bout.
Ce panorama n'existait plus à la Révolution française. Château et cascades avaient été rasées au profit d'une immense exploitation agricole et c'est au Duc de Trévise qu'on doit les premières remises en état.
Rodin avait réalisé des mascarons pour l'Exposition universelle qui se tint au Trocadéro. Léon Azema les récupèrent pour les placer sur le buffet d'eau, en haut des Cascades. Il réduit le nombre d'étages de cascades. De dix-sept au temps de Colbert, on passe à 9.
En tournant à droite juste après la dernière cascade on longe un mur d'origine, la "Terrasse de Colbert" érigé en 1673 qui nous mène au Bassin des Lilas.
Sur la gauche un muret retient les eaux pour servir de refuge aux batraciens en cas de vidange du bassin. Des joncs et des iris sont plantés pour leur servir d'échelle.
On repasse devant le château en s'interrogeant : qui va l'emporter dans ce combat entre le gris et le blanc. Réponse dans 5 minutes avec une pluie battante qui va abréger la promenade.
L'allée traverse un vaste chantier qui devrait permettre de retrouver les parterres de broderies tels que Le Nôtre les avaient conçus pour Colbert. S'ils étaient majestueux ils restaient tout de même modestes comparativement à ce que l'on verra à Versailles. La mauvaise expérience de Fouquet à Vaux-le-Vicomte est restée dans les mémoires. Et si l'on prend la même équipe on fait attention à ne pas déplaire au roi.
On verra pour terminer un pavillon nommé Pavillon de l'Aurore, en référence au roi Soleil qui d'ailleurs viendra deux fois dans le domaine. Les allégories surplombant la guérite de l'entrée principale ont été choisies avec sagesse : une licorne (symbole de loyauté) combattant un dragon, et un chien, symbole de fidélité, combattant le dogue.
Quand on se place à l'extrême droite on trouve une perspective très longue (la même que celle que l'on découvrait en entrant par le Petit Chateau). A l'inverse, en resserrant on devine la balustrade bordant la Terrasse des Pintades, ainsi nommée non pas en référence aux volatiles mais parce que les dames venaient y jacasser, parait-il.
Cette balustrade est classée Monument historique. Elle est placée là soulignant l'abrupt au-dessus du Grand Canal que l'on découvre au fur et à mesure qu'on s'éloigne parce qu'on s'élève aussi.

Le Parc est un vrai théâtre d'illusion. Le canal semble court alors qu'il a plus d'un kilomètre de long. Il prend les reflets du ciel, justifiant le terme de "jardin baroque" puisque ce mot de baroque signifie mouvement. La vue change dès qu'on se déplace.
Le Pavillon de l'Aurore est à l'Est du Parc, coté soleil levant. A l'époque de Colbert la vue s'étalait sur la campagne. Le lycée Lakanal n'occultait pas encore le belvédère.
La Quintinie avait conçu un immense jardin potager. Tout au fond on remarque un arbre surprenant en région parisienne puisqu'il s'agit d'un chêne liège, à l'écorce si caractéristique.
Le Duc et la duchesse du Maine organisèrent dans ce Pavillon de l'Aurore des activités mondaines et des divertissements dont les " Nuits de Sceaux ", restées célèbres avec les "people" de l'époque ... D'autres spectacles animent le Parc aujourd'hui. Comme les opéras en plein air à la mi-juin. J'avais beaucoup aimé il y a deux ans Madame Butterfly, malgré un temps déjà maussade. Ce sera la Flute enchantée les 14 et 15 juin sur une mise en scène de Francis Huster.

Avant cela, samedi 25 prochain la compagnie Phénomène et Cie de Stéphanie Tesson proposera une représentation intitulée « Les Fables de La Fontaine » le long d’un circuit de 40 minutes environ. J'avais apprécié le travail de cette jeune femme au Théâtre 13 et je suis sûre que son parcours sera très bucolique.

S'il fait beau ce sera très agréable de revenir ici rencontrer les personnages des fables dans un parc transformé en théâtre de verdure.

S’en suivront des spectacles musicaux fin juin et un cycle de conférences sur « L’art d’André Le Nôtre dans le territoire des Hauts-de-Seine » à l’Orangerie du parc de Sceaux en septembre et octobre. 

L’année 2013 marque brillamment le 400e anniversaire de la naissance d’André Le Nôtre, architecte et paysagiste, illustre jardinier de Louis XIV. Avec en fil rouge la restauration des parterres de broderies et de gazon dont l'inauguration est prévue pour septembre prochain à l’occasion des Journées du Patrimoine.

Des visites thématiques et gratuites sont programmées toute l'année.

Toutes les informations sur le site dédié à l'année Le Nôtre dans les Hauts de Seine

1 commentaire:

Armelle a dit…

J'arrive ici tout à fait par hasard et dans le cadre de l'Année Le Nôtre, justement. Quelqu'un sur mon blog a justement laissé un commentaire concernant Sceaux qu'il faut absolument que je redécouvre. Ce billet est très interessant ! Merci

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