Vous connaissez peut-être les éditions de Borée pour ses beaux-livres ou ses romans de terroir. La maison s'est lancée au printemps dans un autre domaine avec une nouvelle collection de romans dédiée aux femmes.
Rassemblés sous le label Terres de femmes on trouve déjà quatre titres et la collection à l'ambition de s’ouvrir à tous les genres : contemporain, historique, aventures, suspense, ... pourvu que les héroïnes soient attachantes et combatives, fortes et fragiles à la fois.
Fugue vénitienne de Marie-Claude Gay correspond exactement à ce profil et cette lecture est d'actualité en période de week-end prolongé.
Ne vous fiez pas au titre. Si Clarisse ira effectivement dans la Cité des Doges cette fugue ne s'étend que sur les quarante dernières pages du livre. Elle aura auparavant fait une escapade tunisienne qui n'aura rien de romantique croyez moi.
Le roman ne fait pas le portrait d'une famille idyllique. Marie-Claude Gay a tellement entendu de confidences malheureuses au temps où elle dirigeait un organisme de formation qu'elle avait de quoi "charger" son héroïne. Elle-même est maman de quatre enfants et elle en connait un rayon sur ce que les jeunes peuvent faire endurer à leurs parents.
La façon de s'exprimer de la progéniture tyrannique de Clarisse fait penser aux conversations qui émaillent le livre de Valérie Clo, les Gosses. Il ne fait aucun doute que les temps ont changé et qu'on ne peut plus raconter une histoire d'amour comme on le faisait au siècle dernier. Le roman à l'eau de rose ne serait plus crédible aujourd'hui.
Fugue vénitienne est ancré dans une forme de réalité. La recherche d'un équilibre affectif et professionnel anime l'héroïne et les lectrices se reconnaitront dans cette quête parsemée d'embûches. L'écriture est fluide et dynamique. Le point de vue de chaque protagoniste est intelligemment défendu, qu'il s'agisse des grands enfants ou des adultes, si bien que nous ne sommes pas enfermés dans les soucis de Clarisse.
L'auteure fustige d'emblée la Journée de la femme, y voyant une idée de mec. Elle célèbre au passage Belle du seigneur, satisfaite de constater que l'homme peut aimer et vénérer la femme dans ce monde de supermachos. (p.27)
Même au XXI° siècle l'émancipation n'est qu'une sombre utopie (...) Si la situation actuelle ne relevait pas de l'écoeurement, je la trouverais comique. (p. 206). Des exemples de la sorte, il y en a à foison. Je me suis donc interrogée sur ses motivations. Lui a-t-on fixé comme objectif d'écrire un roman féministe ou bien a-t-elle spontanément eu envie de régler des comptes ? Il m'a semblé que les hommes y étaient plus machos les uns que les autres (ce qui soit dit en passant est parfaitement crédible, hélas), à une exception près qui tenterait à prouver que le romantisme n'est pas une valeur totalement périmée.
A l'heure où les médias relaient les revendications des papas poule on ne peut pas défendre le mode de vie égoïste d'Olivier. Non seulement il laisse toutes les charges à son épouse mais, en plus, s'octroie du bon temps sans aucun scrupule, misant sur la confiance absolue qu'elle lui témoigne. Les "mauvaises" choses, aussi, ont une fin et l'épouse sera consternée par la découverte de sa tromperie. Olivier se défendra mollement, qualifiant ses égarements de "simple exutoire" et la rendant au final responsable de son mode de vie.
Elle jette aux orties sa panoplie de femme parfaite mais la conquête de sa liberté ne sera pas idyllique comme le titre le suggérait.
Ses péripéties sont racontées avec beaucoup d'humour, ... et une pointe de désillusion. Chacun nait et meurt seul. Il suffit de le savoir, rappelle l'auteure. (p.147)
J'ai appris que Marie-Claude Gay avait une véritable passion pour Venise et j'attends son prochain livre qui se passera dans cette ville au XVIII° siècle. Dépaysement assuré.
En attendant, et parce que cette nouvelle collection a su me plaire, je vais mettre mon nez dans un autre des trois volumes déjà parus. Probablement la Dame de Saïgon de Karine Lebert, histoire d'entreprendre un autre voyage.
Fugue vénitienne de Marie-Claude Gay, collection Terres de femmes, aux éditions De Borée, avril 2013
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