Je ne connaissais de lui que l'énorme araignée rouge qui semble si fluette au pied des tours du parvis de la Défense et quelques Fisbones (arrêtes de poisson) colorés, ou ces Quatre feuilles et trois pétales (conçues plus tard, en 1939) dont la photo est si souvent associée à cet homme (en fin d'article).
J'ai découvert un artiste radicalement différent de l'image que j'avais forgée. Un frère puis un père, constamment imaginatif et inventif, capable de créer une ménagerie réaliste en retournant ses poches, toujours pleines de bouchons, de morceaux récupérés et de bouts de ficelle.
Né en 1898 dans une famille d'artistes (sa mère est peintre, son père et son grand-père sont sculpteurs), le jeune Alexandre est conditionné par les valeurs du hand-made et du home-made.
Faire tout soi-même lui est totalement "naturel". Sa sœur lui offre sa première pince et ses parents le laissent investir la cave pour bricoler à loisir. Personne ne réalise alors qu'il est un artiste en devenir. Il n'a que 11 ans quand il modèle ce petit chien et ce canard dans de simples feuilles de cuivre.
Il devient humoriste et dessine des caricatures pour un journal d'actualités en se spécialisant dans les évènements sportifs, les scènes urbaines et le cirque. Il croque des centaines d'animaux observés dans les zoos. Son rêve serait de devenir peintre et il a l'idée, pour financer son projet, de commercialiser les jouets qu'il a inventés. En 1926, il arrive à Paris, une ville dont ses parents avaient beaucoup parlé devant lui.
Dans ses deux valises, Calder apporte un Cirque miniature dont il va assurer les représentations devant les artistes les plus célèbres de l'époque qui deviendront ses amis et conseillers. Le Centre Pompidou consacre aux années 1926-1933 une rétrospective majeure qui révèle combien les germes du talent étaient déjà en place.
Déployé sous une coupole, le Cirque ne provoque de l'émotion que parce qu'on peut le voir animé par Calder lui-même dans les films présentés conjointement. C'est un ensemble fragile, très usé, impossible à restaurer, qu'il est malgré tout intéressant de regarder de près pour comprendre l'essence même de la démarche artistique.
La performance se déroule devant des marchands d'art, dans des conditions proches d'un vrai cirque avec entracte et cacahuètes offertes aux spectateurs. Les numéros se multiplient. Il faudra cinq valises pour contenir l'œuvre à son retour aux États-Unis. Il y a Monsieur Loyal sur son tapis rouge. Fanni la danseuse du ventre. Les deux clowns, dont un trompettiste capable de fumer et de gonfler un ballon (par un astucieux système de tuyau), les otaries jongleuses, l'homme le plus fort du monde et ses haltères, les trapézistes, leur filet et les brancardiers sollicités en cas d'accident. Car les ratages font partie de l'histoire. Comme dans la vraie vie les numéros ne sont pas garantis.
Il fera le portrait d'une foule de personnalités et d'artistes, comme Kiki de Monparnasse ou Joséphine Baker, tous extrêmement reconnaissables et animés au moindre courant d'air, si bien que leur visage semble comme par magie changer d'expression.
Parallèlement, il ne cesse d'utiliser des morceaux trouvés. Il "fabrique" avec deux pièces de bois à peine retouchées, l'une reposant en équilibre sur l'autre et pouvant osciller, Requin et Baleine, vers 1933. On pourrait voir le contraire mais c'est le requin qui gigote en l'air sur le nez de la baleine.
Mobile en haut
Stabile en bas
Telle est la Tour Eiffel
Calder est comme elle.
Ciseleur de fer
Horloger du vent
Dresseur de fauves noirs
Ingénieur Hilare
Architecte inquiétant
Sculpteur du temps
Stabile en bas
Telle est la Tour Eiffel
Calder est comme elle.
Ciseleur de fer
Horloger du vent
Dresseur de fauves noirs
Ingénieur Hilare
Architecte inquiétant
Sculpteur du temps
Tel est Calder.

Difficile néanmoins de démêler les inspirations des uns et des autres. Cette huile sur bois de Jean Arp (Tänzerin, 1925) n'est-elle pas une danseuse proche de l'univers de Calder ?
On pourrait aussi aller en Touraine où Calder a vécu longuement, près de Saché, non loin de l'usine où il surveillait la reproduction de ses sculptures monumentales. Mais l'homme est toujours resté un bricoleur de génie, faisant lui-même les poignées de ses portes et les ustensiles de cuisine qu'il employait dans sa maison (grille-pain, couverts, passoires etc ...), les bijoux portés par sa femme, les jouets de ses enfants et petits-enfants. C'est le premier à avoir eu l'idée de récupérer de vieux moules à gâteaux pour en faire des abats-jour. Le développement durable s'est beaucoup inspiré de lui.
Pour terminer ce petit film pour partager son univers du Cirque, et qui témoigne que cette réalisation ne fut pas qu'œuvre de jeunesse car toute sa vie il resta fidèle à la simplicité de cette création.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire