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jeudi 18 juin 2020

Réouverture des Jardins d'Albert Kahn

Les Jardins Albert Kahn rouvrent, après le confinement, et d’importants travaux qui d’ailleurs ne permettent pour le moment que l’accès aux jardins. C’est une chance car nous avons tous souffert d’être enfermés avec l'impression de manquer d’oxygène.

Il y a cependant, et on ignore pour combien de temps, une petite contrainte car il faut réserver en amont, de manière à contrôler les flux de personnes. A titre indicatif, je peux dire qu’il y a eu tout de suite 1000 demandes de visites pour les premiers jours.

Mais ça vaut le coup à plus d'un titre. Outre la bouffée d'air pur, on découvre les différents espaces dans ce qu'ils ont de plus sauvage. Les photos en témoignent et je vous invite à cliquer sur la première pour les voir ensuite défiler en grand format. J’aime bien le côté sauvage de cet espace. Mais j’imagine que la direction des jardins ne souhaite pas le montrer longtemps ainsi. Alors hâtez-vous !

Les feuilles mortes jonchent encore les allées. Elles n’ont pas été ramassées partout. L’entretien a sans doute été sommaire. Les jardiniers ont manifestement été peu présents parce que j'ai remarqué beaucoup d'herbes folles. Ils étaient très actifs ce matin, désherbant à tour de bras, taillant les espaliers, faisant ce qu'ils estimantes être une beauté alors que les jardins sont, de mon point de vue, plus intéressants dans leur vitalité post-confinement, avec des imperfections qui témoignent de naturel.

Bien sûr la visite suit impérativement un sens unique obligatoire, sans retour en arrière. On ne peut pas flâner au fil des parcs en se laissant guider par ses envies. On reste à prudente distance les uns des autres et on sait que le temps nous est compté. Une heure, pas davantage, mais c'est suffisant.

Est-ce l’obligation de suivre un circuit impératif qui n'aurait peut-être pas été le mien s'il avait pu être spontané, ou bien ai-je un souvenir trop ancien, toujours est-il que je n’avais pas la mémoire exacte de cette configuration. Je le croyais plus grand. Cette perception est peut-être aussi consécutive à l’angle de vue qui nous est imposé sur les différents jardins.

Lorsqu’il devient propriétaire de l’hôtel particulier en 1895, Albert Kahn se consacra à sa passion pour l’art du jardin, dans cet écrin aménagé en 1894, par le paysagiste Eugène Deny. Il constituera jusqu’en 1910, le terrain de l'espace actuel en achetant progressivement une vingtaine de parcelles, rassemblées sur près de quatre hectares. Cette démarche conduit à la création d’un genre de jardin bien particulier siècle précédent, le jardin dit "de scènes".
Par exemple le "japonisme" dans le jardin japonais par lequel nous commençons. Les arbustes arborent la taille en nuages caractéristique du genre. On remarque les immenses bambous qui ploient au moindre souffle. Quelques allées condamnées contraignent nos pas jusqu'au pont de bois rouge vif. Le Département des Hauts-de-Seine s’est engagé depuis de nombreuses années dans la restauration et la conservation du patrimoine du jardin du musée. Les deux maisons japonaises, importées en France à la fin du XIXe siècle, ont ainsi été rénovées en 2015-2016, grâce au travail de Maîtres charpentiers japonais spécialisés dans la restauration de bâtiments patrimoniaux. Mais elles ne sont admirables qu'à bonne distance pour le moment.
Les carpes doivent être très âgées. L'eau bruisse entre les roches et les poissons, énormes, se faufilent entre les nénuphars, lesquels déploieront leurs corolles, explosant de couleurs, quand le soleil sera au zénith.

Les sols sont, en de multiples endroits, composés de calades en galets ou en ardoises. Et quelques sculptures, sans doute significatives d'un art particulier, sont disposées en des points stratégiques. Le géranium sauvage bec-de-grue prospère autour des roches et dégagent leur parfum si caractéristique au moindre frôlement.
Le style "paysager" du jardin anglais s'oppose au style "régulier", si caractéristique du jardin français dont le Parc de Sceaux offre un exemple caractéristique (sans parler de Versailles, évidemment) surtout depuis qu'il a repris sa configuration d'origine.
La pelouse de la roseraie est cuite. Pour le moment, un tapis de liserons s'étend sous les fruitiers. On peut lire sur la palissade protégeant la serre (encore fermée) : Albert Kahn, jardin d’hiver, Je ne vous demande qu’une chose. C’est d’avoir les yeux grand ouverts.
Ces jardins sont le pendant végétal de l’œuvre du banquier dédiée à un idéal de paix universelle, à travers la connaissance respective de chaque culture et bientôt les collections permanentes pourront de nouveau être présentées, dans un nouveau bâtiment, conçu dans un réel souci d’intégration avec le  jardin anglais. 
Le tracé des allées n'est pas modifié. Le travail du paysagiste reste cantonné à des espaces qui n'étaient pas accessibles au public : l'arrière de la serre devient une extension de la forêt vosgienne.
Le circuit  nous fait hésiter entre cette zone et celle de la forêt bleue presque envahie par pléthore d’herbes sauvages, y compris d’orties. Les escargots ont laissé les traces de leurs morsures dans leurs plantes préférées. Des papillons volent en myriades.
On quitte progressivement la rusticité de cette zone pour retrouver une partie plus civilisée puis l'agitation parisienne, relative en ce moment, du boulevard voisin, en nous rapprochant de la sortie.
En "temps ordinaire" on serait volontiers retourné s'asseoir et lire un roman sur un des bancs du jardin français, près de la serre, et nous aurions été voir, ou revoir, la collection d’images des Archives de la Planète, ... mais nous ne sommes pas revenus à la "vie d'avant", ...  pas encore, et apprécions ce premier pas dans ce bel univers chargé d'histoire et porteur d'un si beau message.

Jardins du Musée départemental Albert-Kahn
1 rue des Abondances - 92100 Boulogne-Billancourt
Ouvert du mardi au dimanche, fermeture le lundi.
De 11h à 18h d’octobre à avril et de 11h à 19h de mai à septembre
Tous renseignements sur le site de l'établissement

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