Je suis venue voir l'Eveil du chameau, non pour son titre énigmatique mais parce que c'est Murielle Magellan qui a écrit le texte de la pièce. C'est moins profond que son dernier roman, les Indociles (que je vous recommande toujours), davantage dans la veine du scénario de Une famille à louer, donc enlevé, humoristique, ... et féministe.
A choisir, si c'est possible (car les places sont numérotées à l'Atelier), privilégiez un fauteuil à Jardin (sur la gauche de la salle en regardant la scène) pour avoir vue sur l'ensemble du décor, bien pensé par Oria Puppo.
Le pitch (l'accroche) nous est annoncé sur le papier comme l’histoire de deux êtres qui n’auraient jamais dû se rencontrer. Alors, forcément, on s'attend à de la tension, de la confrontation et des répliques qui feront mouche. Ce sera ça ... avec un petit supplément parce la construction imaginée par Murielle Magellan apporte matière à réfléchir. Elle traite un sujet "convenu" avec anticonformisme, nous offrant non pas un éveil mais deux.
Celui de Mickaël (Pascal Elbé), qui est un homme libre, passionné, et égoïste comme peut l’être un enfant. Avec l'explication, qui n'est pas une excuse, qu'il a peut-être manqué de père.
Et celui de Maryse (Barbara Schulz), une femme mariée, rangée, intelligente, d’une grande droiture. Qui sera capable de changer radicalement de comportement.
La grande perdante sera Frédérique (Valérie Decobert), ex-compagne de Mickaël, dont l'amour s'est transformé en dévouement puisqu'elle est son attentive collaboratrice.
Le spectateur compte les points et vit avec les protagonistes l'éveil à la conscience et l'éveil aux sens. Il y a matière à remuer notre conscience sur ce qui est bien, ou mal, ou entre deux. On écoute le texte. On prend parti. On s'interroge sur ce qu'on ferait à la place de l'un, de l'autre, de la troisième. On finit par trouver des liens (conscients ou non ?) entre les duettistes dont le prénom commence par un M, comme Murielle ou Magellan et dont le son renvoie au verbe aimer.
Elle écrit avec beaucoup de justesse sur le désir, en particulier lorsqu'il est détaché du sentiment amoureux et c'est assez inhabituel au théâtre. Elle interroge aussi avec subtilité la complexité du lien parental et sa construction (ou reconstruction). Il faut dire qu'elle connait le sujet de l'intérieur. La puissance de son humour fait le reste en évitant le double piège du vaudeville ou de la leçon de morale.
Une réplique de Maryse à Mickaël, relevée au hasard pour en témoigner : j'imagine que ce doit pas être simple pour vous d'être comme vous êtes.
Une autre, qui a beaucoup fait rire les spectateurs, mais qui hors contexte perd sans doute de sa force : l'anti-cernes est un produit misogyne si on y pense.
C'est toujours Maryse qui l'affirme. Elle s'approche à plusieurs reprises du public pour lui confier ses états d'âme et donner quelques éclairages supplémentaires. On sent bien qu'elle est au centre de l'écriture et on se surprend à la trouver de plus en plus sympathique, au fur et à mesure que ses principes s'émoussent et que son comportement d'abord à la limite de l'hystérie, bascule dans la spontanéité.
Les comédiens sont excellents. Est-il nécessaire que je résume leur parcours, essentiellement cinématographique pour Pascal et Barbara (récompensée aussi par les Molières) ? Allez-y en couple. Je parie qu'il y aura débat à la sortie.
L'éveil du chameau
De Murielle Magellan
Mise en scène de Anouche Setbon
Avec Barbara Schultz, Pascal Elbé et Valérie Decobert
Théâtre de l’Atelier
1 place Charles Dullin - 75018 Paris - 01 46 06 49 24
à partir du 4 octobre 2016
du mardi au samedi à 19h – matinée samedi à 16h30
Les photos qui ne sont pas logoypées A bride abattue sont de Chantal Depagne Palazon.
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