Evelyne Dress m'avait parlé de son roman il y a pile un an en me donnant immédiatement envie de la suivre sur Les chemins de Garwolin.
Elle m'avait confié que pendant très longtemps, les questions identitaires ne l’intéressaient pas, ou plutôt qu'elle les repoussait. À partir des années 90, elle s'est mise à écrire et la question de l’identité s’est imposée à elle pour devenir de plus en plus prégnante.
Avec Les chemins de Garwolin elle témoigne de ce que l’héritage de la shoah a produit en elle, alors qu'elle ne l'a pas vécue, non pour ramener le problème à elle, mais pour l’ouvrir à tous les génocides, et à tous les crimes contre l’humanité, que l’on soit enfant de victimes ou enfant de bourreaux.
Elle utilise le cadre d'un château pour faire renaître de vieux fantômes et, par une mise en mouvement de l’espace et du temps, elle tente de les mettre à distance en tirant le fil tumultueux de la mémoire.
À Garwolin, non loin de Varsovie, plusieurs rencontres et expériences vont s’avérer décisives pour Sylvia Gutmanster : d’abord, un curé atypique, le père Jozef, homme attentif et pieux, qui a découvert tardivement que ses parents étaient Juifs ; la visite d’un château abandonné, tantôt désert, tantôt peuplé, où Sylvia se découvre la capacité de voyager à travers le temps, comme si elle était un fantôme retenu sur terre par un secret et des non-dits ; la rencontre de Michaël Flame, sa moitié d’âme, l’élu qui lui a été envoyé pour la guider sur la route de la vérité, mais qui a disparu en lui laissant l’étoile de David ayant appartenu à sa propre mère décédée. Sylvia Gutmanster poursuit son aventure à Auschwitz et se retrouve face-à-face avec Cywia, sa tante assassinée, qui pourrait être son "dibbouk", l’esprit qui a pris possession d’elle. À Paris, où, enfin libérée des fantômes de ses vies antérieures, sa quête la mène sur les pas de sa mère qui l’a abandonnée dès sa naissance et qu’elle revoit quand il est trop tard.
C’est un roman avec beaucoup de vrai, d'investissement personnel et de réflexion sur le monde où elle a mis beaucoup de son expérience.
Si tout ce qui y est consigné paraît avoir été inventé, pourtant, aussi invraisemblable que cela puisse paraître, beaucoup de scènes ont été vécues. Evelyne Dress est convaincue de l'existence de failles temporelles et elle en parle avec conviction : vous êtes en conversation avec une personne, et, soudain, cette personne s’échappe par une faille temporelle et va vivre une expérience dans un monde parallèle, là où le temps se déroule à une autre vitesse. Lorsqu’elle revient dans la conversation, il n’y a eu aucun changement pour celle qui est restée en place, l'échange lui semble s’être poursuivi normalement.
L'héroïne du roman, Sylvia Gutmanster, s’échappe ainsi, le temps d’explorer des mondes parallèles où, selon la théorie d’Einstein, vies passées, actuelles et futures sont imbriquées.
Si la quête de ses racines se teinte de romantisme et si son enquête flirte avec la physique quantique, les frontières se brouillent entre l’imaginaire et la réalité. Néanmoins Les chemins de Garwolin n’est pas un roman de science-fiction, quoiqu’on y côtoie des mythes qui alimentent ce genre. Il n’est pas, non plus, une collection de faits bizarres, quoique l’ange du Bizarre s’y trouve à l’aise. Il est le récit, parfois légende et parfois exact, d’un premier voyage dans des domaines de la connaissance encore à peine explorés et s'appuie sur des anecdotes réelles.
Il y est question du rejaillissement, inévitable, de l'inconscient. Le roman fouille tout à la fois les mystères de la filiation, l'ombre de la mort en soi, interroge les manifestations conscientes et inconscientes.
La continuité du temps n’étant qu’une apparence, son écoulement lent et son écoulement rapide peuvent s’exercer simultanément dans l’horizon, permettant à certains de vivre des expériences uniques.
Evelyne Dress est actrice, réalisatrice et écrivain.
Les chemins de Garwolin de Evelyne Dress, éditions Glyphe, en librairie depuis le 10 octobre 2016
A signaler la réédition de deux précédents romans, Les tournesols de Jérusalem et Le rendez-vous de Rangoon.
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