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La publication des articles est conçue selon une alternance entre le culinaire et la culture où prennent place des critiques de spectacles, de films, de concerts, de livres et d’expositions … pour y défendre les valeurs liées au patrimoine et la création, sous toutes ses formes.

lundi 11 mai 2020

Divin divan de et avec Mikael Bianic

Je connais Mikaël Bianic depuis quelques années et suffisamment en tout cas pour avoir constaté qu’il aime bien faire l’andouille. Ça me rend vivant, m'avait-t-il dit.

N’allez pas croire pour autant qu’il n’est pas sérieux. S’il vous promet un jour quelque chose soyez assurés qu’il mettra tout en cause pour la concrétiser.

Et sous des abords un peu loufoques son spectacle divin divan!  est tout à fait sérieux. Je devais en parler sur le blog il y a quelque temps en essayant de m'approcher d'une date de programmation mais avec ce foutu virus plus personne n'a de visibilité sur son calendrier.

Depuis quelques mois le spectacle se jouait dans un espace inattendu, la cave du Connétable, qui fait office de café-théâtre pouvant accueillir une bonne trentaine de personnes.

Sachant pertinemment que chacun a peur de l’autre et que c’est tout de même à lui de mettre le public à l’aise l'artiste ne l'abandonne jamais à sa condition de spectateur. Il fait l'ouvreuse en descendant avec lui et en veillant à son installation. Tout en respectant une certaine distance (qu'on ne s'inquiète donc pas à la reprise du spectacle après le confinement) il pulvérise carrément ce qu'on appelle au théâtre le quatrième mur.

Mikaël n'a pas toujours été comédien. Il a travaillé pendant 16 ans dans le secteur informatique où, comme vous le savez sans doute, les choses sont d'une façon ou d'une autre, mais jamais entre deux. Du jour au lendemain, et dans le contexte d'une rupture conventionnelle, il passe de la certitude d'un CDI à ... rien. Il se sent bien mais suppose que, peut-être, la perte d'une vie ritualisée par une routine rassurante pourrait le déstabiliser. Il pense alors qu'il serait prudent d'anticiper et de se faire aider, le temps de passer le cap.

Tout naturellement il s'oriente vers un CMP où il va découvrir un monde jusque là insoupçonné. A force d'attendre des heures dans une salle d’attente bondée de 10 personnes, qui étaient appelées au petit bonheur par le psy, l'idée lui est venue d'écrire un sketch sur un praticien cynique qui n’aurait rien à cirer de ses patients.

Il a beau avoir (presque) la carrure de Raymond Devos, le goût des mots bien sûr, et probablement aussi une certaine tendresse, Mikaël est persuadé qu'il n'est pas à la hauteur du challenge. L'inquiétude est un frein terriblement efficace.

Mais l'idée était dans sa tête et n'en sortait pas. Il a vérifié : il n’existait pas de spectacle sur la psychanalyse. Alors, son esprit cartésien a estimé qu'il était possible de remplir cette case encore libre, sans risquer de comparaison avec quiconque. D’ailleurs il a sans doute ouvert la voie puisque d’autres, depuis, se sont engouffrés dans le créneau. Par exemple Alexandre Astier, qui n'était alors connu que comme le personnage de Kaamelott.

Mikaël Bianic s'est beaucoup documenté. Et le spectacle évolue d'une représentation à l'autre depuis 7 ans (âge de raison). Sans être le moins du monde une conférence exhaustive sur l'histoire de la psychanalyse, la soirée est émaillée de quelques dates clés. Notre bonhomme se remémore avec humour les débuts de la psychanalyse, de l'Antiquité jusqu'à nos jours. Le récit historique est très détendu, ce qui ne manquera pas d'éveiller en lui, quelques doutes, qu'il nous transmettra. 

Il commence en 1696, avec le pourquoi de la création du conte du Petit chaperon rouge par Charles Perrault, poursuit avec Josef Breuer, qui fut le premier médecin à s'intéresser à l'hystérie en 1881, nous entraine 4 ans plus tard dans Vienne pour rencontrer Freud, juste avant qu'il ne devienne stagiaire à la Pitié Salpétrière. Un homme macho, on sera d'accord avec son analyse. Il a apporté des photos avec lui au cas où tous ces noms ne nous diraient rien.

Plus tard il convoquera Lacan, surnommé par ses détracteurs le Michel Onfray de la psychanalyse, et que je lui suggérerai volontiers de présenter en se munissant d'un cigare en bâton de chaise, pour la vérité historique, qui tout en étant exacte peut aussi être absurde. Il nous donne malgré tout la meilleure définition de l'amour que je connaisse : donner quelque chose qu'on n'a pas à quelqu'un qui n'en veut pas.

L'éducation est un sujet connexe. D'ailleurs il y aurait un débat à lancer à propos du comportement de la mère de la petite fille. Ça n'engage que moi mais lui faire traverser le bois en l'habillant d'une cape rouge (je me demande si c'est de là que l'armée française eut l'idée de fournir des pantalons de cette couleurs à ses soldats) il n'y pas mieux pour qu'elle se fasse repérer par le loup, même si elle n'a pas le droit de lui parler.

On reproche à Françoise Dolto d'avoir encouragé les bambins à devenir des enfants-rois (voire même empereurs de nos jours) mais là encore ce sont les parents qui les façonnent. On peut aimer et considérer sa progéniture sans tout lui permettre. De toute façon, verticale ou horizontale, rien ne marche en matière d'éducation nous dit l'artiste. Je suggérerais d'essayer la transversale.

Tour à tour sérieux, ou impertinents, ses propos sont toujours justes et sans dévotion pour ces grands "hommes". Mikaël est seul en scène mais il convoque tant de personnages qu'on ne risque pas de s'ennuyer. Ce qui est très fort c'est sa capacité à changer d'apparence alors que le public est sous ses yeux, cela tient du tour de passe passe.

Il est magicien, sorcière, petit chaperon rouge ... c'est une poignée de personnages qui occupent le terrain et il est évident que le travail qu'il a entrepris dans l'univers du clown depuis deux ans n'est pas pour rien dans le résultat. Il parvient à restituer sur scène des émotions et provoquer le trouble, en rendant crédible un personnage qui ne s’exprime pas avec des mots.

Parfois il grommelle à la mister Bean  : Vous lui avez dit la vérité. La vie n'est pas un conte.

Le comédien titille un peu le public en évoquant le refoulement, et l’évitement. Il cite volontiers les psychanalystes du film Deux moi de Cédric Klapisch. par exemple : il ne suffit pas d’avoir compris le problème pour pouvoir régler le problème... En même temps, il est absolument nécessaire d’avoir compris le problème pour pouvoir le régler,… le problème.

Une heure durant, Divin divan est un cocktail de rigolade, d'émotions, de références historiques et d'informations, avec un soupçon d’absurde et d’humour. Entre psychanalyse et psychiatrie, notre esprit balancera. Le sujet est prétexte à jouer et à nous faire jouir.

Pensez à jouir nous dit l'artiste. Lui il joue.

Divin divan ! de et par Mikaël Bianic
Prochaine dates : les jeudis 03 septembre, 1er Octobre, 19 Novembre, 17 Décembre 2020
Cabaret Le Connétable - 55 rue des archives - 75003 Paris
Entrée gratuite, sortie au chapeau

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