
Dans la mesure où Jean-Pascal Zadi prit la parole le premier les téléspectateurs n'ont pas forcément compris cette subtilité et ont pu penser qu'il avait lâché l'affaire en court de route. Le partage de la scène était pourtant une bonne idée et aurait mérité d'être expliqué. Il y eu donc au micro Pio Marmaï, Raphaël Quenard (qui tous les deux ont composé un duo hilarant sur la jalousie), Emmanuelle Béart, Alice Belaïdi, Cécile de France … qui ont chacun eu à coeur de mettre leur grain … d'humour dans la soirée.
C'est, je crois, la 6ème fois que j'écris un article à propos de cette soirée. Mon objectif n'est pas de la raconter mais d'en pointer quelques moments et de souligner quelques succès qui m'ont réjouie.
Alors que les invités s'installaient Jean-Pascal Zadi a voulu prendre le contrepied de la situation en promettant que "avoir un César, les gars c'est pas grave". Bien entendu c'est tout le contraire qu'il fallait entendre et j'imagine l'amertume de ceux qui, arrivés favoris comme l'équipe de L'Amour ouf (13 nominations) sont repartis bredouille, ou presque. Seul Alain Chabat obtiendra le Meilleur acteur dans un second rôle.
Pire encore pour Un p'tit truc en plus qui malgré 11 millions d'entrées (et c'est heureux pour ce film) n'obtiendra pas le César du meilleur premier film. Il faut reconnaitre que la compétition était sévère.
Déception aussi sans nul doute pour Miséricorde (8 nominations) et il faut souhaiter à David Ayala d'avoir une seconde chance en 2025 pour le rôle de Bruno, le fils d'Hélène Vincent dans On ira, le film de Enya Baroux, qui sortira le 12 mars.
La fanfare que Cédric Klapisch, avait convoquée pour cette soirée d'ouverture n'a pas davantage porté chance au film En fanfare (7 nominations, dont une pour Pierre Lottin qu'on retrouvera lui aussi dans On ira). Je signale d'ailleurs que le réalisateur de la soirée s'était largement trompé dans ses prévisions de statuettes. Les votants restent classiques dans leurs choix bien qu'ils ne soient pas passés à coté de films d'immenses qualités. Ils sont 4951 (à jour de leur cotisation) au 20 décembre 2024.
Catherine Deneuve, présidente de la cérémonie, a souligné la présence croissante des femmes à des postes clé dans le cinéma et a dédié (et c'était un soulagement de l'entendre après avoir subi le comportement du président américain à l'égard du président ukrainien) la soirée à l’Ukraine dont elle portait l'insigne : le cinéma a changé ma vie et j'espère que ma présence ce soir donnera de l'espoir à tous.
Nous avons revu des images iconiques de films d'Alain Delon qui ont fait venir une larme dans les yeux de son fils Anthony. Tout à l'heure, Pomme et Aliocha Schneider accompagneront trois jolies séquences In mémoriam, dédiées aux disparus de l'année et qui pour une fois a été imaginée de façon originale. Il y aura aussi un hommage à Michel Blanc qui sera pour Josiane Balasko l'occasion de souhaiter une Europe de la culture (sans doute irréaliste quand on voit combien l'institution est mise à mal).
Puis ce fut le moment attendu de l'annonce de la Meilleure révélation masculine et le choix d'Abou Sangare dans L'Histoire de Souleymane a été une confirmation de tous les paris. Le comédien, qui est aujourd'hui mécanicien poids lourds dans un garage en Picardie, a ému ceux qui ne connaissaient pas son parcours. Très touché par sa reconnaissance il nous invite à réfléchir sur qu'est-ce que c'est que recevoir quand on peut donner. Personne ne mettra en doute la misère qu'il a connue et qui l'a poussé à traverser la Méditerranée.
Evidemment (mais est-ce vraiment utile de plaisanter sur ce sujet si sensible ?) Jean-Pascal Zadi n'a pas pu s'empêcher de proposer à Julia Roberts, venue pour recevoir un César d'honneur de solliciter la nationalité française en affirmant que la France était une terre d'accueil pour les réfugiés. L'allusion était malgré tout directe au comportement choquant du président américain. L'actrice qui affirme que sa vie aujourd'hui est un rêve ne se lancera sans doute pas dans cette procédure.
Plus tard dans la soirée le film recevra 3 autres César : Boris Lojkine et Delphine Agut ont été remarqués pour le Meilleur scénario original (la vraie vie demeure la meilleure source d'inspiration, même s'il est nécessaire d'y apporter de la fiction), Xavier Sirven pour le Meilleur montage et côté interprétation Nina Meurisse en Meilleur second rôle … ce qui est presque amusant quand on songe que c'était la seule actrice professionnelle du film. Comme elle a raison de dire malgré tout qu'on n'est rien sans un bon scénario.
Il avait aussi été nominé comme Meilleur film, Meilleure réalisation, Meilleur son mais il était quasi impossible de rivaliser avec Emilia Pérez de Jacques Audiard dans ces catégories.
Le film reçu d'abord le César de la Meilleure adaptation et le réalisateur monta sur scène avec son légendaire chapeau noir. Il challenge ainsi Le Comte de Monte-Cristo dans cette catégorie et celles du Meilleur film (succédant ainsi à Anatomie d'une chute de Justine Triet), du Meilleur son, Meilleure musique originale (pour Clément Ducol et Camille) de la Meilleure photo, des Meilleurs effets visuels pour Cédric Fayolle qui travaillait pour la cinquième fois avec Jacques Audiard. Le réalisateur s'attendait-il à autant de succès ? Il a invoqué le psychanalyste Donald Winnicott disant être partagé entre le plaisir de se cacher et la terreur de ne pas être découvert. Merci de m'avoir trouvé !
Il concède juste Meilleurs costumes et Meilleurs décors pour Thierry Delettre (qui a bien raison de s'étonner que le Maquillage et la coiffure soient absents des César) et Stéphane Taillasson qui ont travaillé sur le film réalisé par Matthieu Delaporte et Alexandre de La Patellière qui repartirent avec (seulement) deux récompenses. Le César des lycéens pourra-t-il consoler la production ?
La remise du César du premier film ne m'a pas surprise. J'avais découvert Vingt Dieux réalisé par Louise Courvoisier dans le cadre de la soirée surprise de l'AFCAE le premier lundi du mois. Son talent à mettre en lumière la jeunesse rurale est manifeste, tout comme l'est la qualité de l'interprétation de la non-comédienne Maïwène Barthelemy comme Meilleure révélation féminine, confirmant que, cette année, ce sont de vraies "révélations" féminine comme masculine, qui sont couronnées. La jeune femme s'est exprimée à travers un très beau discours.
Il n'empêche que mon coeur balançait malgré tout avec Le Royaume réalisé par Julien Colonna, lui aussi choisi par l'AFCAE.
Karim Leklou obtint le César du meilleur acteur pour sa très belle prestation dans Le roman de Jim. Le choix a dû être cornélien entre François Civil dans L'Amour ouf, Benjamin Lavernhe dans En fanfare, Pierre Niney dans Le Comte de Monte-Cristo et Tahar Rahim (si génial il faut le dire) dans Monsieur Aznavour. Passablement ému le vainqueur affirma : C'est pas normal ce qui se passe. Y a des gens dans ma tête qui font la fête. Le comédien a dédié sa récompense à tous les gentils et à tous les résilients.
Dix-sept ans après avoir reçu le César du Meilleur Espoir, Hafsia Herzi est couronnée Meilleure actrice pour Borgo. Elle aussi avait des concurrentes de taille : Adèle Exarchopoulos dans L'Amour ouf ; Karla Sofía Gascón dans Emilia Pérez ; Zoe Saldaña dans Emilia Pérez ; Hélène Vincent dans Quand vient l'automne. Cette dernière (meilleure actrice dans un second rôle pour La vie est un long fleuve tranquille en 1989) sera peut-être gagnante l'an prochain avec On ira.
Coté court, le Meilleur film de court métrage de fiction est L'Homme qui ne se taisait pas (Palme d'or à Cannes et nominé pour les Oscars) réalisé par Nebojša Slijepčevićle qui rappela la philosophie de son film : Il peut perdre sa vie en ne se taisant pas mais il peut changer le monde.
Meilleur film de court métrage d’animation Beurk ! réalisé par Loïc Espuche, également nommé aux Oscars et qui a beau être "court" a nécessité plus de cinq années de travail.
Meilleur film de court métrage documentaire Les Fiancées du Sud réalisé par Elena López Riera.
Le Meilleur film d’animation est le superbe Flow, le chat qui n'avait plus peur de l'eau réalisé par Gints Zilbalodis et qui est aussi en lice pour les Oscars. Il totalise déjà plus de 620 000 entrées et porte un message de confiance, en soi et dans les autres.
Meilleur film documentaire La Ferme des Bertrand réalisé par Gilles Perret qui fit des remerciements éminemment politiques et souligna la nécessité de rendre visibles les invisibles, dédiant sa statuette à ceux qui luttent pour vivre de leur travail. On constate que le monde rural n'aura pas été oublié cette année avec au moins trois films célébrant cet univers, dont deux le Jura.
Le lauréat du César du Meilleur film étranger est La Zone d'intérêt (The Zone of Interest) réalisé par Jonathan Glazer qui fit un discours très remarqué à propos de Gaza et Israël. J'avais pour ma part l'espoir que le vainqueur soit Les Graines du figuier sauvage (Daneh Anjeer Moghadas) réalisé par Mohammad Rasoulof, autre film lui aussi très politique.
Outre le César d'honneur à l'actrice américaine Julia Roberts et un autre fut remis au réalisateur franco-grec Costa-Gavras qui remercia la "France accueillante".
Il fallait bien une séquence humour. Ce fut Franck Dubosc qui s'y colla, acceptant de recevoir un Césario, une statuette miniature destinée à tous ceux qui n'ont pas eu la grande. Avec 52 films à son actif il est étonnant qu'il soit passé "entre les mailles de la raquette". Qui sait si avec son réellement excellent Ours dans le Jura il n'aura pas le grand format l'an prochain ?
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