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La publication des articles est conçue selon une alternance entre le culinaire et la culture où prennent place des critiques de spectacles, de films, de concerts, de livres et d’expositions … pour y défendre les valeurs liées au patrimoine et la création, sous toutes ses formes.

dimanche 10 novembre 2013

Le bal des Intouchables sous le Chapiteau de La Villette

Si je n'avais le droit de défendre qu'un seul spectacle c'est sur Le Bal des Intouchables que je concentrerais mon énergie. Le qualificatif qui s'imposait en quittant hier le parc de la Villette était "prodigieux". Les prises de risques sont très osées, mais jamais gratuites. Presque chacune des scènes mène à une disparition qui provoque une renaissance.

La mort rode sans arrêt mais ne gagne jamais la partie.

Pourquoi "Intouchables" ? Mais en référence au film qui a bouleversé le public et que j'avais découvert avant sa sortie nationale. Il faut peut-être rappeler qu'Antoine Rigot, le fondateur des Colporteurs (avec Agathe Olivier) a perdu l'usage de ses jambes suite à un accident. Il a réussi à remarcher à force de ténacité et de courage. Il est même remonté sur le fil. Ce fut l'émouvant spectacle Sur la route.

Il est allé plus loin en concevant un spectacle autour d'un personnage de clown en fauteuil roulant qu'il a d'ailleurs interprété à la création à Lausanne en septembre 2012 et pendant plusieurs mois. Le handicap, la marginalité et la différence sont les fils directeurs de ce spectacle.
Le bouche à oreille est déjà très actif et une foule impressionnante composait une longue file d'attente plus d'une demi-heure avant le début depuis le bord de la Déferlante (c'est le nom de l'enceinte du chapithôtel où sont hébergés les artistes, à deux pas du chapiteau) qui est une oeuvre que l'on doit à l'artiste Johann le Guillerm.

Sur le sol, des étoiles de couleur vive où s'inscriront le nom de chacune des compagnies qui se produira à la Villette.
C'est le clown-girouette qui attend la file à l'autre bout. Le vent le fait danser, ouvrir et refermer les bras.  Il est cassé en deux mais si majestueux ... Il annonce le personnage central de la création ... mais personne n'a encore fait le parallèle. On se divise en deux groupes pour pénétrer dans le chapiteau pour effectuer le tour extérieur des gradins et profiter de 6 saynètes qui installent l'ambiance.
Vanité ... Automne. On découvre derrière un voile tout ou partie d'un corps ... Le dos, un bras, un visage, apparent ou prisonnier de la nappe qui enserre le plateau d'une table.
On peut ensuite grimper les quelques marches pour accéder aux gradins. Le moindre détail est pensé ... jusqu'aux paillassons au logo du spectacle.
Le public est très familial, avec beaucoup d'enfants qui, sans doute s'attendent à un spectacle de cirque plutôt conventionnel. Ce ne sera pas du tout cela mais personne ne sera déçu.

Antoine entre en scène, et va s'asseoir presque comme un spectateur "ordinaire" juste en face de moi. Le spectacle va commencer par la livraison de sacs poubelle. Les saynètes nous ont mis sur la voie. Chacun contient 1 ou 2 artistes mais si nous n'avions pas cet indice on ne le soupçonnerait pas ... jusqu'à ce qu'un bras ou une jambe perce le plastique comme un animal extraordinaire percerait une coquille. Le pied a une allure de tête d'oiseau.

Les boules se frottent dans des froissements musicaux. Une tête, deux ... les notes de musique retentissent. La bande marche en rond, comme des moutons, dans une ronde qui symbolise une autre forme d'enfermement. Un subtil jeu de cache-cache se met en branle entre les circassiens qui se doublent les uns les autres.

Les Colporteurs inventent le cirque sériel jusqu'à l'épuisement du geste.

Arrive le clown sur son fauteuil, fanfaronnant Bonsoir dans toutes les langues, empêtré dans une corde qu'il tente de s'enrouler autour du cou.

Le propos est tragique. Le traitement est artistique. L'humour veille. Bobby, lève-toi et marche, intime-t-on au clown qui s'exécute et qui tout à l'heure lâchera ses béquilles pour marcher sur le fil.

Suivront de subjuguantes envolées au trapèze et des traversées étonnantes sur le fil. La gestion de la prise de risques est purement époustouflante. A la fin on assiste, médusés, à la quasi évaporation des artistes qui disparaissent dans les air ou en coulisses en toute discrétion. L'espace est pensé comme une architecture.
Les artistes jouent avec les proportions, les perspectives. Agathe se faufile dans une robe immense comme celles que Goude avait conçues pour les cérémonies du bicentenaire de la Révolution. Rien ne l'empêchera de marcher sur le fil, ni le volume de tissus, ni la hauteur de ses talons rouges.

Les artistes témoignent que tout est possible, sans limite aucune, pourvu qu'on ait confiance, en soi et dans l'autre. Ils font voler en éclats le concept classique du couple, revisitant l'image idyllique du duo dansé, du double et du miroir. On oublie souvent qu'ils ne sont pas sur terre.

La musique est entrainante, parfois déchirante, avec des accents violents et sauvages de hard rock ou des mesures évoquant un SOS.
Les contorsionnistes miment la métaphore du conformisme. Il leur fait tenir dans un espace confiné et parvenir malgré tout à s'en échapper en résistant à la pression de l'entourage.

A la fin c'est plus qu'une ovation que l'équipe toute entière reçoit en hommage.

Le Bal des Intouchables
du 7 au 29 décembre 2013 sous l'Espace chapiteaux du Parc de la Villette (métro Corentin Cariou)
Informations-réservations 01 40 03 75 75

Tournée :
A Saint-Quentin -en-Yvelines (base de Loisirs de Trappes) du 24 janvier au 1er février 2014
A Calais (Le Channel) du 14 au 30 Mars
A Amiens (Cirque Jules Verne) les 10 et 11 Avril
A Noisiel (Ferme du Buisson) du 16 au 18 Mai

Le chapiteau peut s'endormir paisiblement sous les étoiles ...
La photo d'Agathe Olivier en robe de tulle est de Sébastien Armangol. Celle des contorsionnistes de JP Estournet et l'affiche a été illustrée par Anne Rigot

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