J’ai eu l’opportunité à quelques reprises de déguster des sakés, et même de créer des recettes s’accordant avec cette boisson particulière. Je ne prétends pourtant pas connaître bien cet univers dont la diversité est très large.
Mes connaissances progressent au fil des découvertes des boissons et spécialités culinaires du Japon, auxquelles j’ai consacré une vingtaine de billets.
Hier, j’étais invitée à une master-class avec dégustation et propositions d’accords mets et sakés à l’Ecole Ferrandi organisée par Soleil Le Vin dans le cadre d’un projet élaboré en collaboration avec l’Agence Nationale des Impôts (le gouvernement japonais) et Pasona Agri-partners.
Ils se sont appuyés sur cette entreprise française, créée par Yuki Eguchi Mansoux, en raison de son expérience à faciliter les échanges culturels entre la France et le Japon au travers de différentes activités, comme l’import-export de vin, de champagne, de spiritueux, de saké, de produits artisanaux et d’oeuvres artistiques.
De nombreux restaurateurs et cavistes étaient présents et on a vu combien ils sont de plus en plus intéressés par des produits authentiques japonais, et notamment le saké, car cette boisson s’inscrit dans toute une culture … à consommer bien entendu en toute modération. Ce fut l’occasion pour moi d’en apprendre un peu plus et de découvrir quelques sakés désormais protégés par des Indications Géographiques, comme le sont tant de vins français. Cet article n’a pas pour ambition de tout vous dire sur cette après-midi mais de donner quelques éléments d’appréciation qui vous permettront, je l’espère, d’avoir envie de découvrir cet univers si vous ne le connaissez pas, ou très mal, à travers des alcools forts et d’ailleurs chinois.
Il est particulièrement d'actualité alors que les cerisiers s'apprêtent à fleurir, évènement qui attire toujours énormément de visiteurs, surtout au Parc de Sceaux où le bosquet Sud est planté de cerisiers blancs, et le bosquet Nord de cerisiers roses. (cf photo ci-dessous prise le 21 avril 2021).
Nous avons commencé par un cocktail de bienvenue, formidablement équilibré car aucun des ingrédients ne prend le pas sur l'autre. L'alcool employé est le Kuma Shochu, qui est une eau-de-vie originaire du sud du Japon, là où il y a le plus de centenaires. L'eau de la rivière Kuma lui confère un goût un peu soufré. Lui étaient associés de la sauge, de l'eau de coco et du Noilly vieilli en fut de chêne pour un résultat un peu iodé.
L’après-midi s’est poursuivie avec un séminaire animé conjointement par par Sylvain Huet (Saké Samurai et fondateur du Salon du saké) et Ken Takehisa (Sommelier, diplômé de Japan Sommelier Association, Spécialiste de GI) accompagné d’une dégustation comparative de deux sakés. Il s’agissait de faire le point sur les Tendances actuelles des Indications Géographiques du Japon (I.G.).
Voici l’essentiel de ce qui a été souligné. D’abord en terme de difficultés car il n'y a pas, pour le moment, de "petite IG" au sein d’une "plus grande IG" comme pour les vins en dehors du Japon. La différence majeure entre l'IG au Japon et l'IG dans les vins de l'UE est qu'il n'y a pas d'AOP sur une IGP, ce qui cause beaucoup de confusion parmi les producteurs au Japon. L'IG peut être attribuée aà l'échelle d'une préfecture ou de zones plus petites.
Il faut rappeler quelques points historiques. Au XVIII siècle, les maisons de saké d'Itami "exportaient" du saké vers Edo (aujourd'hui Tokyo). A cette époque, Itami était la région la plus réputée pour son saké, bien avant que Nada affirme sa puissance dans le domaine.
Bien entendu il y avait malgré tout de faux "Itami Sake" vendus à Edo. Voilà pourquoi la famille Konoe, propriétaire d'Itami et également proche parent de l'empereur, a accordé à partir de 1743, des sceaux de fer aux maisons de saké d'Itami, pour montrer qu'il s'agissait d'un véritable saké d'Itami. On peut donc affirmer que le saké japonais est protégé par une des plus anciennes marque régionale faisant l’objet d’une protection. Le Portugal légiférait sur le vin à la même période.
Le système IG actuel au Japon est conçu pour offrir de la flexibilité aux régions. En conséquence, il existe une gamme de "rigidité" dans les normes IG, reflétant les traditions régionales et ce que les régions essaient de réaliser avec les IG, les plus récentes ayant tendance à imposer plus de restrictions. Il ne faudrait pas en conclure que des restrictions plus légères soient synonymes d’infériorité.
Les restrictions concernent en premier lieu l'eau, puis l'origine du riz, la variété de riz et enfin la levure. La certification signifiera :
• Une expression et une assurance d'un caractère régional.
• Une assurance du gouvernement japonais à propos de l’intérêt de la robe de production à être protégée.
• Les normes de production sont établies pour assurer un caractère régional défini.
Enfin certains professionnels espèrent que l'IG pourra offrir une nouvelle norme de ce qu'est un "bon" saké par exemple "yamadanishiki poli jusqu'à x%".
A propos du riz il faut souligner que cette céréale est facilement transportable sur de longues distances. Certaines régions ont une longue tradition de fabrication de saké avec peu d'intérêt pour la provenance du riz employé.
• À l'époque d'Edo (1603-1868), les daimyos percevaient des impôts sous forme de riz.
• Le riz était ensuite transporté à Edo ou à Osaka, pour être monétisé.
• Osaka était un important centre de commerce du riz, le riz étant collecté dans tout le pays.
• Les maisons de saké des régions voisines (c'est-à-dire Itami, Nada) ont fabriqué du saké à partir de ces riz et ont "exporté" le saké vers Edo sous le nom de "Itami Sake“ ou "Nada Sake".
Il est intéressant de qualifier la régionalité pour le saké en donnant les caractéristiques typiques de chaque région tout en ayant conscience qu’il est presque impossible d'identifier la régionalité par un seul facteur. Une dégustation comparative est indispensable.
Pour Hokkaido un saké avec ds tonalités de crème fraîche, miel au nez. Très léger et élégant.
Pour Miyagi un saké d’une apparence et d’un goût épurés, tout en exprimant un solide umami.
Pour Tone Numata on observe un soupçon d'annin-tofu, avec un umami présentant une certaine amertume.
Pour Niigata un saké vif et sec, franc et léger avec un "kire“ (finale nette et précise).
Pour Nagano un saké puissant avec de l'umami.
Pour Shiga un saké très puissant et complexe.
Le premier verre qui nous a été servi (à gauche sur la photo) est un saké de Nadagogo, qui regroupe les cinq villages de Nada, à proximité de Kobé qui est considéré comme l'une des plus importantes régions de production de saké du Japon, depuis 1330. Les brasseries situées dans cette région produisent plus d'un quart du saké du pays. Le saké que nous avons dégusté est un alcool équilibré et sec, jouissant d'une finale fraiche, nette et précise (dite "kiré"). Sa saveur explose en bouche tout en préservant une élégante délicatesse. Une finale aux notes vanillées fait suite à de nobles arômes de jasmin et de fleur d'oranger.
En résumé le GI Nada Gogō se caractérise par des facteurs naturels tels que :
• Des vents rafraîchissants des montagnes Rokko pendant la saison hivernale de production.
• Une eau relativement dure "Miyamizu" qui favorise une fermentation active.
Et des facteurs humains :
• Tanba Tōji (Guilde des maîtres-sakéificateurs de Tanba).
• Société de recherche sur le saké de Nada.
Le second fut un Harima, de couleur légèrement plus ivoire (au centre sur la photo). C'est un saké léger et rafraichissant né du riz Yamada-Nishiki, une variété développé en 1936 et cultivée dans la préfecture de Hyogo. Ce producteur a été en 2003 les premiers de l'archipel à produire un saké avec un degré de polissage du riz atteignant moins de 20 % de matière résiduelle.
Cet alcool a une saveur douce et ronde, avec un minimum d'astringence, un corps élégant, et une palette aromatique florale expressive. Il est riche en umani. La finale est plus longue que le saké précédent. On remarquera que la bouteille se rapproche de celle des vins, avec une étiquette faisant référence au château des seigneurs de Himeji, le Héron blanc.
Le GI Harima se caractérise par des facteurs naturels :
• Climat et ressources en eau propices à la culture du riz Yamada Nishiki, le roi du riz à saké qui pousse sur des plaines réputées pour leur fertilité.
Et des facteurs humains:
• Lieu d’origine du Yamada Nishiki.
• Apprentissage conjoint et partage du savoir-faire à l'échelle de la préfecture.
Ceux d'entre nous qui ont eu le souci de regoûter les boissons ont réalisé combien la température modifiait les arômes et les sensations. Il est certain que si nous avions employé un contenant en céramique la perception aurait été encore plus différente. Et a fortiori avec un Masu comme cela m'est arrivé lors d'une célébration, quand un baril de saké est défoncé et que les invités reçoivent un contenant carré en bois de cèdre qu'ils emportent en souvenir.
Enfin un verre de Umeshu, IG "vin de prune de Wakayama" en provenance de la préfecture du même nom. Il a un parfum riche et épais d'ume (une prune japonaise) verte fraîche, le rendant idéal pour un apéritif. Sa douceur et son acidité sont bien équilibrées, avec une longue finale. Sa bouteille (à droite sur la photo plus haut) évoque l'univers du whisky.
Le GI Wakayama Umeshu a comme facteurs naturels :
• Des pruniers qui poussent bien sur les terres vallonnées au sol peu fertile de Wakayama.
Et comme facteurs humains :
• Une longue tradition de fermentation (Miso Kinzanji, Sauce Soja Yuasa).
• Une longue tradition de culture de prunes (et la production d'umeboshi).
Nous avons ensuite été invités à compléter la dégustation en associant le saké de notre choix avec des bouchées préparées par deux cuisiniers talentueux du restaurant Accents, 1 Étoile Michelin au guide depuis 2019, situé à deux pas de la Bourse de Paris, au 24 rue Feydeau.
Ayumi Sugiyama (à gauche sur la photo) est une des rares femmes gérantes d’un restaurant étoilé en France. Elle y exerce aussi en qualité de Chef Pâtissière, tantdis que Romain Mahi (à droite sur la photo) est Chef de Cuisine. Tous deux ont décrit les plats qu’ils avaient imaginé à partir de produits typiques de la gastronomie japonaise, et de manière à s’accorder avec les sakés et alcools présentés, Umeshu, Shochu, Vinaigre, Wagyu (bœuf japonais) et Iburigakko.
Ils ont réalisé un beignet rempli d'une sorte de choucroute végétarienne, ont travaillé le foie de lotte, l'ail confit, le yuzu, la patate douce et le daikon. Nous avons apprécié des bouchées aériennes embellies de tuiles et de riz croustillant. Il serait trop complexe de reprendre leurs termes. Une photo est plus parlante. comme ci-dessous avec cette raviole de wagyu. Sachez en tout cas que le raffinement était exceptionnel.
Je rappelle enfin que le prochain Salon du saké, organisé par Sylvain Huet aura lieu en octobre 2022.
Soleil Le Vin met en relation les clients professionnels en France et en Europe. Voici ses principales missions :
– Promotion du Saké en tant que boisson alcoolisée du terroir japonais.
– Marketing du saké japonais aux clients étrangers, négociants et intermédiaires
– Consultation sur l’importation et la promotion des produits japonais
– Présentation du Saké japonais aux clients professionnels
– Organisation d’événements autour du Saké et sa culture
– Agent d’importation et conseil d’export
Contact Yuki Eguchi Mansoux - 06 07 59 34 98
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