J'ai reçu une très jolie dédicace de Gil Ben Aych ... ce n'est pas une motivation suffisante pour lire un livre mais tout de même ... Il faut dire que j'avais consacré un billet à plusieurs de ses livres en avril 2012. La coïncidence m'a amusée. Allons inventer lui et moi un rituel spécial chaque mois d'avril ?
Pessah 5711 est un nouveau livre de souvenirs. Le point de départ se situe en 1951, à Tlemcen, en Algérie, le jour où Simon, trois ans, célèbre la Pâque juive en famille. Personne ne s'en souviendrait si un incident n'avait perturbé la fête.
Et l'incident est de taille : le petit garçon refuse de consommer du pain azyme et préfère ne rien manger du tout tant qu'on ne lui aura pas donné son pain habituel.
Si vous connaissez la religion juive vous aurez compris l'ampleur du dilemme. D'un coté on ne doit pas priver un enfant de nourriture. De l'autre c'est un péché impardonnable de ne pas respecter l'interdiction de manger du pain levé pendant Pessah ... qui se déroule tout de même sur plusieurs jours. D'ailleurs cette année c'est du 26 mars au 1er avril.
On a tous dans nos familles des "casseroles" qu'on se trainent ainsi et qui font le délice des réunions familiales. Le pauvre héros doit supporter d'être piteusement sur le devant de la scène. Il aimerait bien qu'on l'oublie mais il y a toujours un "ancien" pour remettre l'affaire sur le tapis. Chez moi c'était l'histoire de la tartine de pain. Mon père racontait que tout petit il refusait de manger du pain avec du beurre dessus. Cela exaspérait tout le monde, d'autant que ma grand-mère barattait le beurre et que sans doute on y voyait un acte frondeur insupportable.
Un jour mon grand-père a tendu une tartine à son fils en le surveillant du coin de l'oeil.
- Alors, elle est bonne ?
- Oui.
- Tu veux toujours pas que je la beurre ?
- Non.
- Retourne la !
Et mon père de s'étouffer de rire à chaque fois en avouant sa découverte d'une grosse couche de beurre.
A soixante-dix ans il racontait encore l'histoire, feignant de croire que nous ne l'avions jamais entendue. Il suffisait qu'un de mes enfants disent ne pas aimer tel ou tel ingrédient pour qu'il évoque ce souvenir. Et inmanquablement mon fils s'étonnait : mais on sent davantage encore le beurre quand le pain est beurré "en-dessous" ...
Simon y a droit à chaque fois. les protagonistes se disputent pour prendre la parole. Les dialogues sont à peu près récurrents, avec quelques variantes, juste ce qu'il faut pour que nous devenions nous aussi complices de cet acharnement. On vit en plus le rituel de Pessah, sa (relative) évolution au fil des années, depuis Tlemcen jusqu'à Paris pour Pessah 5868 en passant par Champigny-sur-marne, Mandelieu et Vincennes.
Tout fait débat : les prières, le fondement historique et les interdits alimentaires qui en découlent, en expliquant pourquoi la viande d'agneau, le pain azyme, le céleri, les herbes amères, le vinaigre, la confiture spéciale. Jusqu'à la Mimouna, le huitième soir avec le couscous au beurre auquel on convie tous ceux qui veulent passer.
On détaille aussi à chaque fois les types d'enfants : le sage, le méchant, le simplet et le mutique ... sans se poser la question de la catégorie où ranger Simon. Parmi les sages sans aucun doute.
Pessah 5711 de Gil Ben Aych, Ecole des loisirs, collection Neuf, avril 2013
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