C'était un livre qu'Eric-Emmanuel Schmitt avait publié à la rentrée en écho au Poison d'amour et que j'avais chroniqué ici. C'est devenu une pièce où l'effet de miroir est cette fois intégré dans la mise en scène jusqu'aux couleurs des costumes.
Séparés, Louise et Adam habitent désormais à des milliers de kilomètres. Si lui est resté à Paris, elle l'a fui à Montréal. Pourtant, ils ne peuvent se passer l’un de l’autre. Par mail, ils se lancent un étrange défi : provoquer l’amour à coup sûr. Mais qui sera la victime ? Qui sera la proie ? Ce jeu est un piège qui provoque la passion et qui masque sans doute une autre manipulation ...
Eric-Emmanuel Schmitt est très à l'aise sur la scène du Rive Gauche. C'est très naturel puisqu'il en a pris la co-direction en janvier 2012 avec le producteur et comédien Bruno Metzger. Il était déjà monté brièvement sur les planches auparavant pour Ibrahim et les fleurs du Coran. Il s'amuse manifestement avec son texte, partageant son plaisir avec le public.
Il ne m'a pas paru nécessaire que ce soit lui qui déclenche les pauses musicales avec une télécommande mais à part ce détail la mise en scène, très sobre, est cependant plutôt réussie.
Adam à jardin fait semblant de tapoter des mails sur un micro-ordinateur qui partent en vrombissant le bruit caractéristique que nous connaissons tous. La scénographie de Stéfanie Jarre est délibérément simple: une double photographie monumentale de Paris et de Montréal sous ciel bleu avec nuages légers. Les toits de zinc situent l'homme dans la capitale tandis que Louise, à cour, se tient elle aussi à son petit bureau devant un cliché évoquant les gratte-ciels canadiens.
Louise est Marie-Claude Pietragalla. L'étoile de l’Opéra de Paris a inspiré les plus grands chorégraphes contemporains avant de devenir chorégraphe elle-même et de prendre le risque d'assumer cette première performance en tant que comédienne. Le pari est tout à fait réussi.
Les deux protagonistes composent franchement un couple improbable auquel il m'a été difficile d'adhérer. Ils se situent davantage dans la tendresse que dans la passion. Néanmoins le défi qu'elle lui lance, trouver l’élixir d’amour, est tout à fait crédible. Elle oscille avec subtilité entre désir de vengeance et désir de reconquête.
Amour et haine sont des sentiments alternatifs, c'est bien connu, et l'ambiguïté des sentiments est tout à fait palpable comme la différence des comportements homme/femme qui provoque les rires. Adam et Louise jouent à merveille ce couple qui sous prétexte d'évoquer le passé va se laisse piéger par le présent, lui en affichant une liberté d'action, suggérant qu'il ne faudrait pas confondre amour et sexe, elle faisant monter les enchères, et tous deux comme séparés par une invisible vitre sans tain.
Aucun regard ne sera échangé entre eux. C'est le public qui fait le lien comme pris à parti dans un duel dont on espère qu'il n'y aura pas de perdant. Le suspense est joli et tenu jusqu'au bout.
L'Elixir d'AmourComédie romantique de Eric-Emmanuel Schmitt
Mise en scène de Steve Suissa
Depuis le 14 janvier 2015 pour 40 dates exceptionnelles jusqu'au 15 mars.
Au Théâtre Rive Gauche, 6 rue de la Gaité, 75014 Paris, 01 43 35 32 31
A 19 heures du lundi au samedi (Séances supplémentaires à 21h les 13 et 14 février 2015).
Durée: 1h30.
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