Le film de Mathieu Amalric a été présenté en ouverture d'Un certain regard au Festival de Cannes 2017. Il arrive maintenant sur nos grands écrans.
Brigitte (Jeanne Balibar), est une comédienne se préparant à entrer dans la peau de Barbara sous le regard du réalisateur Yves Zand. Elle travaille d'arrache-pied pour être prête pour le tournage de ce biopic consacré à la célèbre interprète de "L'Aigle noir".
Elle s’imprègne des images de son modèle, s’approprie ses gestes, pousse la chansonnette, tandis que le cinéaste continue de nourrir son scénario en poursuivant son enquête, en dénichant de nouvelles archives...
Ce qui est très réussi c'est l'imbrication entre le film et le film dans le film. A tel point qu'on finit par nous y perdre, ne distinguant plus la "vraie" Barbara de son interprète. On a compris que c'est volontaire et c'est parfait ainsi.
Parce que cette méthode permet d'être au plus près de l'intimité de la chanteuse. Et cela dès le générique au cours duquel on assiste à la naissance d'une chanson comme le faisait la longue dame brune en laissant des mots en suspends : la voix, ... tu vois .... (quelques notes sont jouées au piano) et on entend de nouveau la voix, ... tu vois ...., à trois reprises sans qu'on ait eu l'impression de redites.
Le processus créatif est au coeur du film. Quel que soit le domaine, chanson ou cinéma.
On surprend l'actrice jouer du piano dans une gare, comme on peut le faire aujourd'hui partout. Ses vêtements sont fantasques. Elle fait arrêter la voiture pour marcher sur le pont de Sully. Mathieu Amalric collectionne les post it sur un mur d'images. La voix de gorge de Balibar prononce la phrase devenue mythique : Je n’ose pas, je n’ose pas ... mais quand j’ose, j’ose.
Les images d'archives sont mixées avec des scènes tournées aujourd'hui. On ne cherche plus le vrai du reconstitué. On veut bien croire que ça s’est passé comme ça. Quelques moments surprennent (elle vouvoie sa mère), preuve qu'on ne savait pas tout de la vie de l'artiste. Jeanne fredonne des chansons qu'on a peu entendu dans les récitals. Comme La petite fille et le père Noël de Brassens. Il faut dire que ses reprises de Brassens sont vraiment anciennes (1960). C'était son second album.
On entendra avec autant de plaisir Du bout des lèvres et Chapeau bas.
Mathieu Amalric ne nous donne pas un biopic à voir, pas davantage qu'un documentaire, c'est étonnant, et somme toute radicalement différent de tous les spectacles d'hommage qui ont été récemment à l'affiche. Je pense notamment au très réussi Homme en habit rouge conçu par son ex compagnon Roland Romanelli (que je trouve trop "discret" dans le film, ce sera mon unique bémol). Sa Barbara est une évocation de l'essentiel, ses coups de colère, sa passion maniaque pour les courses et sa manière personnelle d'offrir des cadeaux à tout le monde.
On la voit prendre possession du plateau qui était, comme elle le disait, son navire. On l'apprécie modeste aussi : De l’Écluse au Châtelet je n’ai fait que traverser la Seine.
Le film s'arrête juste avant le concert de Pantin. Barbara est restée pleinement vivante. L'illusion est troublante et c'est magnifique.
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