Le premier tome de Sauveur & Fils avait été couronné au Salon du Livre Jeunesse de Montreuil en recevant la Pépite 2016 France Télévisions catégorie "Grands". Le soir de la remise du Prix Marie-Aude Murail, très heureuse, avait annoncé qu'elle portait déjà dans son cœur le numéro 4. Elle avait réitéré sa promesse à la sortie du tome 3. Celui-ci arrive 10 mois seulement après la sortie du précédent, toujours à l'Ecole des loisirs. Mais que les aficionados se préparent, ce sera définitivement le dernier.
Nous sommes un peu tristes d'apprendre cette nouvelle. Mais soulagés de savoir qu’elle continuera de traiter des sujets de société qui nous tiennent à cœur comme les rapports hommes-femmes et l'éducation des garçons.
La série Sauveur aura en tout cas pointé, et particulièrement encore dans les premiers chapitres du 4, la progression du décrochage scolaire suite à un harcèlement ou en raison de l’addiction aux écrans. La manette de jeux figurant sur la couverture donne bien le ton. C’est sans surprise que le personnage de Louise (qui est un peu Marie-Aude) y peaufine un article sur le phénomène des hikikomoris (p. 43) qui commence à se faire remarquer en France.
Elle est très préoccupée par les dégâts que les réseaux sociaux peuvent faire sur les adolescents et par les cauchemars provoqués par les histoires de zombis (ce type de film est lui aussi en progression). Espérons que les parents (qui composent aussi largement son lectorat) finiront par entendre le message qui se multiplie … dans les médias. Ajouté à l‘abus de sucre et au manque de sommeil c’est effectivement toute une génération qui souffre. Je ne veux pas être trop négative mais si on ajoute la progression de l’alcoolisme il y a de quoi s’inquiéter franchement.
Les rechutes d’adolescents (une de ses jeunes patientes a recommencé à se scarifier) minent le moral de Sauveur mais son point de vue sur l’exercice de sa profession reste objectif, il n’est pas magicien (p. 263) comme il le disait déjà, avec d’autres mots, dans le premier tome : n'oublie pas même si tu es très malin que tu n'es pas tout-puissant (p. 115).
L’auteure rencontre un très large public scolaire, en France et parfois très loin. On apprend dans les remerciements qu’elle est allée l’an dernier jusqu’à Mexico. C’est ce qui lui permet d’être si proche de la pensée des jeunes. Bien sur ses enfants lui donnent aussi un éclairage, d’autant qu’ils sont trois, avec un fort écart d’âge, et donc de regard sur le monde. Sa dernière, Constance, est (c’est elle qui le dit) son éclaireuse en ce XXI° siècle, si fragile et si passionnant.
On sent l’écrivaine derrière plusieurs personnages. En particulier Ella, est une jeune fille harcelée par ses camarades de classe parce qu’elle avait une allure garçonne, et à qui elle fait gagner le concours Je bouquine … comme elle au début de sa carrière.
Elle avait été bien inspirée de faire figurer le mot "fils" dans le titre parce que cette saga est transgénérationnelle. Le terme s’écrivant à l’identique au singulier comme au pluriel, on comprend qu’il puisse s’étendre à tous les garçons que le psychologue soutient au-delà de la famille qu’il recompose.
Peut-être que ce qui est différent dans ce dernier tomme c’est la volonté de l’auteure de faire passer un message vraiment positif à travers un personnage jusque-là en demi-teinte, l’enseignante Mme Dumayet qui va initier ses à la philosophie. A propos du bonheur j’ai retenu la sagesse de Noam : le bonheur, c’est de faire des erreurs et de réussir après, là où on a fait des erreurs (p. 158) et la formule de Lazare, digne fils de Sauveur, le bonheur, c’est de donner un sens à sa vie. Le psychologue a une formule un peu différente : c’est savoir quoi faire de son malheur.
Ella déclame un texte qui parle lui aussi de cet état : Et pourtant je vous dis que le bonheur existe/ ailleurs que dans le rêve ailleurs que dans les nues / terre terre voici ses rades inconnues. (p. 232)
A peine ai-je lu les premiers mots que j’entends la voix chaude de Jean Ferrat chantant Louis Aragon. La référence au Roman inachevé aurait mérité une note de bas de page pour ceux qui voudrait en savoir plus sur ce si beau texte. La mention en remerciements est peu explicite.
C’est sur cette quête que Marie-Aude Murail achève la série. La famille est en bonne voie, … malgré les complications à venir, les larmes et les soucis qui ne manqueront sans doute pas d’advenir.
Je recommande particulièrement la lecture de la saga en famille, et tout autant d’en discuter ensuite. Espérons que les enfants-lecteurs s’en porteront le mieux possible.
Sauveur & Fils de Marie-Aude Murail à l'Ecole des loisirs, à partir de 12 ansSaison 1 parue en avril 2016
Saison 2 parue en novembre 2016
Saison 3 parue en mars 2017
Saison 4, en librairie depuis le 17 janvier 2018
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire