Publications prochaines :

La publication des articles est conçue selon une alternance entre le culinaire et la culture où prennent place des critiques de spectacles, de films, de concerts, de livres et d’expositions … pour y défendre les valeurs liées au patrimoine et la création, sous toutes ses formes.

mercredi 29 janvier 2025

Bonne fête des mères, Papa! de Roland Perez

(mise à jour le 8 mars 2025)
Il est toujours savoureux d'ouvrir un livre écrit par Roland Perez. Le troisième tome de l'histoire de sa famille,  Bonne fête des mères, Papa !, ne déroge pas.

Et pourtant,  on ne peut pas dire que sa vie aura commencé facilement. Il faut croire que l'amour d'une mère (dont il racontait l'obstination dans le premier tome de la série, et qui demeure présente dans cet opuset celui de sa femme (dont il parlait déjà dans le deuxième) ont des effets miraculeux.

Cette fois il se concentre sur la vie d'après, d'après le drame que fut la mort de Litzie et comment ses enfants ont fait face à l'absence de leur mère. Le troisième " roman vrai " de Roland Perez, aussi tendre, loufoque et chaleureux que les précédents.

Après avoir célébré sa mère, c'est surtout à sa femme adorée qu'il a voulu rendre hommage. Litzie était la maman chérie de ses trois enfants, Harold, Lorie et Ludivine, qui sont la prunelle de ses yeux et sa priorité, quelles que soient les circonstances.

Le lecteur ne peut en douter à la lecture des sacrifices que leur père leur concédera, allant jusqu'à céder sa chambre à son fils en acceptant de dormir sur la méridienne du salon (p. 171).

Devenu veuf à quarante-cinq ans, Roland refuse de se laisser abattre. Au contraire, il décide d’enchanter la vie de famille en la rendant la plus joyeuse possible, tout en faisant vivre le souvenir de leur mère disparue.

Forcément, il conserve son rôle de père et endosse celui de mère, justifiant que ses enfants lui offrent des fleurs pour la fête des mères. N'allez pas croire que ce sont des enfants faciles. Évidemment, on ne connaît des choses que ce que Papounet nous en dit mais j’ai le sentiment qu’il s’est plus d’une fois fait manipuler par ses enfants chéris. Ils lui font subir des contraintes que je n’aurais même pas pensé en rêve imposer à mon père comme le départ d'un appartement dans lequel ils viennent tout juste d'emménager.

Le plus surprenant est qu'il ne se plaint de rien. Selon sa vision de la paternité, le parent doit tout à tour endosser le costume d’un détective, d’un conseiller matrimonial (non sollicité) et d’un acrobate des émotions (p. 105). 

Comme on peut le constater, même les parenthèses ont leur importance et leur saveur dans ce livre qu'aucun scénariste n'aurait osé écrire. En fait, si sa mère Esther a un don pour raconter des histoires, lui l’a pour les coucher sur le papier avec un sens de la tragédie pour elle, de la comédie pour lui. Il a tant de talent qu'il est capable de nous narrer des épisodes auxquels il n’a pas assisté … comme s’il en avait été un témoin de premier plan.

Il a également le sens du dialogue. Le lire, c’est voir un film. Les épisodes si cocasses du casino et de la colonie de vacances ont peut-être inspiré Artus pour son premier film. Quand il relate ce que lui demande son fils Harold on perçoit autant la cocasserie de la situation que l'art de la métaphore. Il a toujours le mot pour se défiler d’une corvée : je suis plus rare qu’un rayon de soleil en plein hiver (p. 127).

De chapitre en chapitre, Roland jongle avec aléas et contraintes de la vie domestique, aidé de ses frères, ses sœurs, ses amis, les amis de ses amis, et toujours de l'inénarrable Esther, dont il serait inimaginable qu'elle n'adoube pas tout prétendant à chacune de ses petites-filles. 

Il reprendra naturellement sa promesse de donner sa vie à sa progéniture (note de bas de page 81). Au-delà des péripéties on perçoit une forte empreinte spirituelle me donnant fortement envie de partager un repas de Shabbat avec eux tous car je vois bien qu’il me manque quelques clés de lecture. 

Roland Perez est avocat et animateur de radio et de télévision. Après Ma mère, Dieu et Sylvie Vartan (Les Escales, 2021 ; Pocket, 2023), lauréat du Prix du Cheval Blanc 2022, et Ma mère, Dieu et Litzie (Les Escales, 2023 ; Pocket, 2024) qui ont rencontré un grand succès, Bonne fête des mères, Papa ! est son troisième roman publié aux Escales.

Comme l'annonce le bandeau qui entoure le livre, et comme il nous l'apprend dans le chapitre 19, Ma mère, Dieu et Sylvie Vartan a été adapté au cinéma par Ken Scott avec un casting exceptionnel (Leïla Bekhti, Jonathan Cohen, Sylvie Vartan…). Il sera en salles le 19 mars prochain.

Bonne fête des mères, Papa ! de Roland Perez, Les Escales, en librairie depuis le 20 février 2025

mardi 28 janvier 2025

Aline Chevalier sort un nouvel album, Satori

La dame en rouge, alias Aline Chevalier, sort un nouvel album en hommage à la dame en noir, Barbara bien sûr.

Premier point commun avec son ainée, la ville de Nantes où elle a grandi, subissant trop de pluie et de mélancolie, si bien qu'elle ne résista pas à écrire La pluie (piste 9) ! Second rapprochement avec son amour du piano, un beau Pleyel qui ouvrit grandes les ailes, avec une ultime référence à l'aigle noir aussi avec le titre de cette première chanson : Cet aigle-là (piste 1).

Ce vieux piano échoué dans le salon de famille devint son passe-temps favori. A l'instar de Don Quichotte qui baptise son cheval Rossinante pour en pas oublier que l'animal vient des bas-fonds Aline donne le même nom à son instrument assigné à tuer "les monstres de l'enfance avec assurance" pourvu que la musicienne lui tiennent la bride haute.

Alien Chevalier maitrise admirablement la langue française et donne clairement envie d'écouter ses chansons à de multiples reprises, avant d'en lire les paroles.

Sa voix prend des reliefs après une longue introduction au piano lancinant dans Satori (piste 2). Les mots sont recherchés. D'abord le titre qui signifie "éveil à la connaissance de la vérité, dans le bouddhisme japonais", puis des termes comme adouber, endémique … sans oublier le jeu de mots avec son patronyme, chevalier, qui réapparait à de multiples reprises dans l'album. Et qui se décline à l'infini, en passant par le château-forteresse de Ta capitale (piste 3) avant de jouer librement avec les mots dans Pastiche (piste 7) et de nous ravir dans A mi-mots (piste 10). Et on notera l'usage de caractères japonais sur la dernière page de couverture du livret en marge du texte de cet inédit.

C'est donc un grand plaisir d'écouter des chansons originales écrites en si bon français mais je ne suis pas certaine que l'artiste nous revienne avec ce nouvel album le coeur aussi léger qu'elle ne l'annonce, pour faire "la planche au soleil et flotter, flotter le cœur léger" comme elle le chante (piste 4).

Elle n'oublie pas ses études de philosophie pour nous interroger sur la frontière traditionnellement tracée entre l’homme et l’animal. Le chat de Derrida (piste 5) est inspiré du dernier ouvrage de ce philosophe de la deuxième moitié du XX° siècle, L’animal que donc je suis, publié à titre posthume à partir de divers textes et d’enregistrements. Derrida y remet en question ce que la tradition cartésienne définit comme l’essence de l’homme, et, par jeu de miroir, l’essence de l’animal. Aline Chevalier cite dans sa chanson une multitude de personnalités connues pour leurs amours félins. Elle-même n'oublie pas le chien avec Cerbère (piste 8).

Elle se souvient de la pandémie qui nous éloigna des salles obscures et les célèbrent dans Sous les sièges en skaï (piste 6).

Elle est très attachée au piano et peut s'inspirer d'un allegro de Mozart (piste 4) ou d'une romance de Fauré (piste 10). Elle a aussi recours aux percussions dans des duos rythmiques avec Gilles Belouin, vibraphoniste-percussionniste aux multiples couleurs.

Elle aime le rouge sans voir rouge. Elle en explore toutes les nuances possible, à l'instar de cette exposition exceptionnelle qui m'avait tant appris sur cette couleur au Musée des Arts décoratifs.

Il faut croire que la pluie n'a pas provoqué chez elle de phobie aquatique parce que le clip qui annonce la sortie de ce second album est de toute beauté.
Nouvel album Satori
Aline Chevalier : Musique, Paroles, Chant, Piano
Gilles Belouin : Musique, Vibraphone, Choeurs, Percussions
Sortie le 10 janvier 2025 chez Association Sylzelle/ Inouïe Distribution

Prochains concerts (d'abord à Nantes) :
- Jeudi 23 Janvier 19h "Librairie du Musée d'Arts" - Concert de Sortie d’album Satori à Nantes (44)
- Jeudi 30 Janvier 17-18h "Qu’est-ce que vous me chantez là!" live Radio G 101.5 (49)
- Vendredi 28 Février 20h "Bab’El Ouest" – Nantes(44)
- Samedi 08 Mars Concert privé – Montreuil (93)
- Mars Festival "Féminin Pluriel" – Prinquiau (44)
- Samedi 29 Mars "L’Atelier" Chez Marie-Geneviève et Serge Crampon – Villedieu-La-Blouère (49)

lundi 27 janvier 2025

Plus grands que le monde de Meredith Hall

J'ai été envoutée par Plus grands que le monde et l'atmosphère qu'installe d'emblée Meredith Hall en étant surprise d'une telle maitrise pour un premier roman.

Il faut croire qu'on se bonifie avec l'âge puisque l'auteure l'a publié au-delà de ses 70 ans.

Je n'imaginais pas qu'il puisse s'agir d'une nouveauté tant la couverture est proche de celle du roman de Joyce MaynardOù vivaient les gens heureux, dont la version française est parue chez le même éditeur il y a quatre ans. Les deux femmes ont sans doute beaucoup de choses en commun. D'ailleurs la seconde a qualifié le livre de la première bouleversant de poésie, de beauté et de grâce.

On ne saurait dire mieux.
Lorsque Doris et Tup se rencontrent dans les années 1930, l'avenir leur apparaît comme une évidence. A tout juste dix-huit ans, Doris troque ses rêves d'enseignante pour une vie d'amour et de labeur aux côtés de Tup dans la ferme laitière familiale du Maine. Là-bas, leurs journées suivent les rythmes de la terre ; un quotidien fait de joies simples, en communion avec la nature, qu'égayent bientôt trois enfants au caractère affirmé : Sonny, qui fait de sa chambre un musée consacré aux insectes uniques de la région ; Dodie, la cadette au grand coeur ; et Beston, le petit dernier, calme et dévoué.
Une vie de découverte et de partage bien réglée, jusqu'au jour où survient une terrible tragédie, ébranlant à jamais les fondations familiales... Etendant le récit sur presque vingt ans, Meredith Hall rend compte du quotidien d'une famille américaine ordinaire au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, prise entre les tourments personnels et les bouleversements sociétaux.
Le thème pourrait a priori effrayer. Mais il est traité avec pudeur, tendresse et empathie à l'égard de chaque personnage, sans jamais juger leurs actions, ni leurs faiblesses. On se doute que la famille trouvera le chemin de la reconstruction mais on devine que chacun suivra celui qui lui semble le meilleur (ou le plus envisageable) sans pouvoir présumer de ce qui les attend dans les dernières pages : une ultime réconciliation ou une séparation définitive.

Ce qu'on peut en tout cas dire sans révéler l'issue c'est qu'il y a beaucoup d'amour dans cet ouvrage qui est une double ode à la nature, et au travail. Donc l'amour de la terre en premier lieu, comme dans nombre de romans américains. Le travail fait l'objet d'un dévouement extrême tout autant que de joie. L'exploitation agricole leur apporte non seulement de quoi manger et subvenir à leurs besoins essentiels mais elle procure aussi énormément de satisfactions. Le lecteur assiste à l'épanouissement d'un bonheur intense.

Je vis avec des êtres qui semblent plus grands que le monde (confie Doris, la mère p 21). J'ai trouvé la formule très belle et l'ai notée sans me rendre compte à cet instant que c’était précisément le titre du livre, dans sa version française car il a été publié aux USA en 2020 sous le titre Beneficence (Bienfaisance).

Alors que des guerres résonnent à l'autre bout du monde, Doris est convaincue en 1947 que rien de terrible n'arrivera ici. Il suffit de se montrer prudent, de faire attention et simplement d'avoir confiance que tout ira bien. C'est le prix à payer pour la beauté et la tranquillité de cette terre (p. 24). Cet espace est-il pour autant un rempart insubmersible qu'aucun incident ne pourra ébranler ?

Les parents semblent exemplaires : J'enseigne à mes enfants que nous sommes responsables de tout ce que nous faisons et ne faisons pas dit le père (p. 68). Pourtant ils ne sont pas naïfs et ont pleinement conscience du temps qui passe et passera Un jour, Doris et moi deviendront ces fantômes là-haut sur la colline (p. 76).

Les phrases sont belles pour décrire la nature, les tâches du quotidien, fussent-elle ardues, comme pour nous faire partager les relations qui unissent les protagonistes, ce qui est renforcé par le choix d'une structure chorale tout au long de deux décennies. On ne sent aucune fausse note, si ce n'est, à intervalles réguliers, et à petites touches, lorsque Meredith Hall ajoute quelques mots par exemple à la fin de la description d'une après-midi de patinage, suggérant qu'une menace pourrait plausiblement venir tout bousculer (p. 80) ou sous-entendant que quelqu'un pourrait se comporter de manière répréhensible : Je redoute parfois de découvrir un jour que je me suis trompé en pensant faire le bien et qu'on me le reproche (dit le père p. 73).

L'amour semble couler de source, qu'il soit filial, parental, marital ou fraternel. Le lecteur se surprend à penser que le résumé l'a induit en erreur. La première partie, sous-titrée "Avant" est quasi merveilleuse.

"Après" sera un chemin de pierres mais enfants comme parents s'efforceront de continuer d'avancer, un pas après l'autre, malgré le repliement de Doris à l'intérieur d'elle-même. Les personnages sont touchants même lorsqu'ils font des choses qu'on ne trouve pas acceptables.

Dodie, la fille, n'a que quatorze ans mais elle fait preuve de courage autant que de maturité : J’ignorais que les hommes et les femmes avaient autant de temps en travaillant pour réfléchir aux questions qui troublent la nuit (p. 146).

Doris, celle qui, apparemment aura été la plus ébranlée, s'interroge à la fin à bon escient sur son parcours de vie : la moindre différence dans les choix que j'ai faits et ma vie aurait été tout autre (p. 258). C'est un point de vue qu'on adopte souvent après un accident ou un drame, assorti d'un "si j'avais su…". Mais elle conclue que si c'était à refaire elle choisirait (malgré tout) cette vie dans toute sa tristesse et toute sa grâce, en ajoutant que dire oui aux autres, c'est dire oui à soi-même.

Ce roman a ceci de splendide qu'il est une fiction tout en étant un récit de vie qui aurait pu être le nôtre si nous avions choisi, nous aussi, la voie de la bienfaisance, sans doute unique chemin pour ne pas sombrer dans les mondes obscurs, malgré les blessures émotionnelles de l'enfance, irrémédiablement indélébiles.

Meredith Hall est née en 1949. Elle partage sa vie entre l’écriture et l’enseignement à l’université du New Hampshire. En 2007, elle publie ses mémoires, Without a Map, immédiatement reconnus outre-Atlantique comme un classique du genre. Elle collabore régulièrement avec Five Points, The Gettysburg Review, The Kenyon Review, ou encore The New York Times. Aussi surprenant qu'on puisse le croire Plus grands que le monde est son premier roman, publié à 74 ans.

Plus grands que le monde de Meredith Hall, traduit de l'anglais (États-Unis) par Laurence Richard, Philippe Rey, en librairie depuis le 1er février 2024

Sélectionné pour le Prix des Lecteurs d'Antony 2025

dimanche 26 janvier 2025

Jouer avec le feu de Delphine Coulin et Muriel Coulin

(Article mis à jour le 1er février 2025)
Beaucoup de cinéphiles s’interdisent d’aller au cinéma voir l’adaptation d’un livre qu’ils ont beaucoup apprécié. Ce n’est pas mon cas même si j’avais une certaine appréhension à découvrir sur grand écran les personnages de Ce qu’il faut de nuit de Laurent Petitmangin.

J’ai entendu, à la sortie, des critiques à propos des parti-pris de réalisation et il est probable que mes souvenirs de lecture m’ont aidée à être en empathie avec le personnage du père car l’auteur narre cette histoire de son point de vue, ce qui est d’ailleurs respecté par le scénario.

Ma réserve à aller voir le film tenait essentiellement au sujet car il n’est pas aisé de traduire la violence au cinéma. Je connaissais Delphine Coulin et Muriel Coulin à travers leur film Voir du pays en 2016 à propos de deux soldates françaises tentant d'oublier l'Afghanistan. Cette fiction bien documentée m'avait beaucoup interpelée sur l'aspect politique de la violence. L’originalité de leur nouveau film -qui porte sur un tout autre contexte- est de démontrer que celle-ci est une addiction avant de s’inscrire dans un discours politique. C’est un aspect qui était nettement moins prégnant dans le roman mais il est très intéressant car il permet d’approcher la fascination d’une frange de la population pour des actes extrêmes.

Quelque chose me mettait mal à l’aise au fur et à mesure de la projection et que je n’avais pas ressenti de cette manière dans le souvenir que j’avais du roman. J’ai donc décidé de le relire quelques jours plus tard, ce qui m’a amenée à remanier la critique que j’avais écrite de ce film.

Pour résumer mon point de vue Jouer avec le feu est admirablement construit et interprété. Mais il ne restitue pas les subtilités avec lesquelles le romancier avait tricoté son histoire. Le contexte régional très particulier de la Lorraine y est presque effacé. Plusieurs personnages, à mes yeux essentiels, ont été gommés. Quelques scènes fortes ont été occultées. La fin est différente, et l’émotion qu’elle provoque n’est pas ressentie au cours de la projection. Il me semble que presque tout ce qui permettait de nuancer l’enchaînement dramatique a été écarté de manière à livrer au spectateur un portrait à charge. Laurent Petitmangin n’excuse jamais mais il installe un climat semblable à celui qui est travaillé dans ce qu’on appelle aujourd’hui la justice réparative et qu’il transpose dans l’univers social. C’est selon moi capital pour ne pas alimenter les discours de haine qui ne sont pas constructifs, et cela bien qu’il ne faille évidemment pas être conciliant avec les extrêmes.

L’analyse qui suit se focalise sur le scénario du film et son interprétation, tout en revenant au livre quand c’est nécessaire pour éclairer le thème qui reste central.
Pierre, chef mécanicien de nuit à la SNCF, ancré à gauche, rangé du syndicalisme avec l’âge, élève seul ses deux fils dans son pavillon de Metz depuis la mort de son épouse. Louis, le cadet, réussit de brillantes études et avance facilement dans la vie. Fus, l'aîné, part à la dérive. Fasciné par la violence et les rapports de force, il se rapproche de groupes d'extrême-droite, à l'opposé des valeurs de son père, et partage avec eux les rixes et les idées. Pierre assiste impuissant à l'emprise de ces fréquentations sur son fils. Peu à peu, l'amour cède place à l'incompréhension.
Les acteurs comptent pour beaucoup dans la cohérence de cette famille. Pierre (dont le prénom est une promesse de force) est interprété par Vincent Lindon qui fut primé pour ce rôle à la Mostra de Venise. Stefan Crépon est Louis (un prénom de roi mais dans le roman il était Gillou, surnommé Gros, pour signifier son caractère de nounours), le fils cadet, poursuivant de brillantes études mais restant humble. Benjamin Voisin (qu'on avait déjà remarqué en 2021 dans Illusions perduesest Felix, l’ainé, formé à la métallurgie mais désertant son IUT sans doute parce qu’il a peu d’espoir de trouver un travail dans son domaine. Son prénom aurait dû lui porter chance puisqu’il signifie bonheur. La vie a voulu qu’on l’appelle plutôt Fus, selon le diminutif donné par sa mère, en référence à Fussbol, mot dérivé de l’allemand désignant ce sport qu’il adore et où il se donne à fond.

Les deux comédiens se connaissaient dans la vraie vie, ayant partagé une colocation ; autant dire qu’ils sont plus que parfaitement crédibles en frères et qui plus est dans la fraternité qui les soude. On apprendra au cours du déroulement des faits que l’ainé s’est beaucoup occupé du second pendant la maladie de leur mère.

Celle-ci est "présente" par la chaise vide à la table de la cuisine, ce qui n’est pas autant perceptible dans le film que dans le livre, même si dans les dernières minutes de la projection le père raccourcit la table en rentrant les deux rallonges, signe probable d’une fin de deuil.

On ne sait pas pourquoi le garçon traine avec des militants d’extrême-droite qu’il désigne d’ailleurs comme "des mecs de l’IUT" sans doute parce qu’il sait bien que son père désapprouverait qu'il en dise plus.

Ce serait trop facile d’opposer le bon Louis au mauvais Fus. Le film est un peu long, sans doute parce que les soeurs Coulin ont tenu à ce que le spectateur ne conclue pas trop vite. D’ailleurs on n’imagine pas combien les choses vont s’accélérer et déraper, car c’est un peu de cela qu’il s’agit.

Fus n’est pas du tout un dur à cuire animé par la méchanceté. Il démontre sa tendresse à l’égard de son père (très jolie scène pendant laquelle il ôte précautionneusement les chaussures de son paternel affalé sur son lit, et éteint la lumière, à laquelle une autre scène répondra en écho quand le père le déshabillera à son retour d’hôpital). Il pousse son frère à poursuivre ses études à Paris sans une once de jalousie. Il ne ménage pas sa peine pour l’aider à s’installer dans son appartement parisien. On le voit triste de ne pas pouvoir participer au déménagement car la voiture est soit-disant trop petite. Il prépare à manger pour son père et son frère. Il se réjouit avec eux pendant un match de football. Il demande à son père de l’initier au rock (vrai moment de joie).

Jamais il ne se plaint. Il laisse juste échapper quelques critiques à propos de ses études qui fabriquent de la "chair à canon" pour les usines et surtout il ne croit pas en la justice, ce qui justifiera qu'il ne porte pas plainte malgré les encouragements de son père après son agression. Le spectateur ignorant ce qui s’est passé pourra imaginer qu’il a "juste"  été victime d’un combat à mains nues qui aurait mal tourné.

Dans cet univers très masculin, aussi bien entre copains, que dans le métier du père, ou l’association sportive footbalistique de Fus, la figure féminine est très peu présente. La mère est morte. Il y a peu de femmes parmi les ultras. Les réalisatrices ont pris le parti d'occulter la petite amie de Fus tout en lui accordant une partenaire fugace le temps d’une danse, mais pas de laisser entendre que la figure féminine soit totalement absente de notre société et qu'elle peut jouer des rôles importants : être doyenne de la faculté des lettres de la Sorbonne, avocate (on aura reconnu Maëlle Poésy) ou encore juge.

La première scène montre Fus (mais on ne sait pas encore que c’est lui) danser sur un rythme fou et sous des lumières stroboscopiques. Tout de suite après, c’est le père qui marche sur les rails brandissant sa torche pour annoncer le passage de la machine roulante contrôlant les caténaires (il faut d’ailleurs savoir que ce type d’opération est en train de changer et de se simplifier avec un système portatif standard moins coûteux en équipement car il faut tout de même contrôler ces caténaires tous les 3 jours environ). Qui joue avec le feu à ce moment de l’histoire ?

A son retour, après sa nuit à effectuer des réparations manifestement dangereuses, le père entend des informations à la radio à propos de mouvements de jeunes appartenant à une génération oubliée. Il réveille son fils en douceur et l’exhorte à surtout ne pas se rendormir. Le père n’a pas dormi de la nuit mais il accompagne malgré tout Fus à son match de foot dont il est le premier supporter. Il tique à propos d'une action répréhensible mais comme le dira Fus : Pas de carton, pas de faute (l’équivalent du pas vu, pas pris) lourd de sens.

Son collègue Bernard l’interroge à propos de la présence d'un gars qui ressemble à Fus parmi les jeunes qui ont décollé les affiches syndicales. Pierre botte en touche, rappelant qu’il a décroché du syndicat et affirmant que non, son fils n’a pas de blouson avec un dragon rouge dans le dos.

Avoir confié le rôle de Bernard à Arnaud Rebotini ne peut pas être un hasard. Il est aussi un musicien, DJ emblématique de la scène française, compositeur de musique électronique et producteur français, né à Nancy (donc en Lorraine, lieu où se situe l’intrigue) le 12 avril 1970. Il se produit sous son propre nom, mais aussi sous le pseudonyme Zend Avesta. Il est aussi l'un des fondateurs du groupe Black Strobe.

La musique est presque un personnage, dès le générique et elle deviendra presque insoutenable pendant les séances de rééducation. Elle est signée Pawel Mykietvn, combinant rock et electro avec Patti Smith, Soko, Thurston Moore, la musique brute de Cantenac Dagar, l’electro de Rone, et du Gabber, une électro de 160 à 220 bpm qu’écoutent des militants d’extrême droite.

samedi 25 janvier 2025

Joie Sauvage, album, livre et bientôt concert de Nicolas Fraissinet

Le nouvel album de Nicolas Fraissinet est glissé dans une pochette en noir et blanc, évoquant un paysage de grand hiver recouvert de neige.

Et pourtant beaucoup de couleurs se dégagent de Joie Sauvage, des orages et une renaissance après l'affrontement avec le diable.

Les paroles de chaque chanson sont si fortes que l'artiste a décidé de les publier non seulement avec le CD mais aussi dans un livre où chacune est le point de départ d'une série de poèmes. Tout est en français, ce qui est un atout pour toucher un large public, y compris les jeunes, et on peut espérer que des enseignants se saisiront de ses publications.

Nicolas Fraissinet est un chanteur franco-suisse, que l'on dit inclassable mais qu'on n'hésite pourtant pas à comparer à David Bowie dont il est un fervent admirateur. A croire que l’éclectisme reste une vertu mal comprise. Et la multiplicités des dons puisqu'il écrit, compose, arrange, chante et signe aussi la création graphique.

Il est vrai que sa proposition hors format est inhabituelle en associant album musical,  récit poétique et narration visuelle immersive, en fouillant la résilience animale à travers ses chansons.

A cet égard Loups (piste 10) exprime clairement sa prise de position en faveur du règne animal, me faisant penser au film éponyme, et aussi à tous les livres qui traitent de ce sujet, en particulier ceux de Camille Brunel.

Il fait le choix de l'authenticité et affirme haut et fort l'urgence de dire, en prenant à bras le corps le sujet qui est depuis toujours vital pour lui (et pour nous même si nous n'en avons pas conscience) en nous faisant partager son point de vue : la nature, la condition animale à défendre et notre condition d'humains-animaux à retrouver.

Les jeux de mots sont subtils comme avec Lierre encore (piste2) qu'on peut entendre comme Hier encore.

Il a recours au lexique animal (flair, ailes, cri, hibernation …) en inversant le principe de l'anthropomorphisme. Il ne mâche pas les mots dès qu'il le faut. Avec Abattoirs (piste 6) on s'éloigne de la nostalgie mais par nécessité.

Sur le plan musical, il combine l’acoustique et l’électro, sans s'éloigner longtemps du piano. Je suis un peu perplexe à propos de ses compositions parce qu'elles ont provoqué de multiples réminiscences dont je me suis demandé si elles étaient intentionnelles ou fortuites. Je n'en donnerais qu'un exemple avec Hiver (piste 4) dont les premières secondes évoquent nettement Emmanuelle que chantait Pierre Bachelet en 1974.

Quoiqu'il en soit elles ne sont pas gênantes, bien au contraire puisqu'elles convoquent des souvenirs, d'anciennes émotions, et  je suis  persuadée que l'artiste ne fait rien à la légère. Le cadrage de chacune des images qu'il utilise en concert (on devrait dire spectacle) est signifiant, comme par exemple le moment où la pleine lune resplendit au centre de branchages devenant la pupille blanche d'un oeil à l'iris noir. Encore une inversion nous poussant à modifier notre regard.

La voix est douce, tendre, pouvant grimper ou trahir une blessure, pour toujours exprimer plus que ce que les paroles veulent signifier.

Admettons que Nicolas Fraissinet emprunte des chemins de traverse sur lesquels il trace sa route, hors cadre et personnelle, jamais égoiste puisqu'il nous invite à l'y rejoindre.

Il sera en concert le 10 mars 2025 à Paris, au Zèbre de Belleville, avant de partir en tournée. Vous aurez pu découvrir juste avant Black Dog le film choc de Guan Hu qui sortira sur les grands écrans le 5 mars, qui a reçu le Prix Un certain regard à Cannes, et qui fait parfaitement écho à l'univers de Nicolas Fraissinet.
Joie Sauvage de Nicolas Fraissinet
Sortie le 17 janvier 2025 chez Trytons / Inouïe Distribution
En concert le 10 mars 2025 à Paris au Zèbre de Belleville et en tournée

vendredi 24 janvier 2025

Quoi de neuf aux Thermalies ?

L'intitulé de cet article est une sur-promesse, j'en conviens. Le salon des Thermalies est un endroit foisonnant est il est impossible d'en faire un compte-rendu exhaustif.

Ce salon qui s'est tenu du 23 au 26 janvier 2025, au Carrousel du Louvre à Paris, permet de rencontrer les acteurs principaux de la Thalassothérapie, du Thermalisme, de la Balnéothérapie et du Spa, en terme de santé, de bien-être et de beauté.

Les visiteurs sont pour la plupart déjà bien informés des bienfaits de l’eau de mer et de source (ou thermale) sur le corps, mais aussi sur le mental. Beaucoup profitent de leur visite pour choisir et organiser leurs prochaines cures et soins, en bénéficiant parfois d'offres spéciales.

A la suite de l'édition 2024 j'ai passé une journée au Novotel Thalassa Oléron Saint-Trojan, sur la Plage de Gatseau de Saint-Trojan-les-Bains sur l'Ile d'Oléron (que je connais bien) et j'en ai fait le compte-rendu détaillé ici. J'en ai apprécié tous les soins et chaque moment alors que l'établissement s'apprêtait à subir une transformation radicale. J'imagine qu'il va être encore plus agréable l'an prochain après les travaux.

Quelques années auparavant j'avais fait l'expérience du Spa Marin de Pléneuf Val-André dans les Côtes d'armor, qui a donné lieu à plusieurs publications. J'envisage bientôt d'autres expériences, a priori en région parisienne parce qu'il me semble essentiel de démontrer que le dépaysement et le bien-être ne sont pas nécessairement corrélés à un déplacement important. Les facilités d'emploi du Navigo Liberté + ouvrent de nouvelles perspectives et je songe à Enghien-les-Bains …

Les Thermalies sont aussi un espace de conférences et de "talks". Étant toujours désireuse d'en apprendre davantage j'ai suivi celui qui s'intitulait "Choisir les massages qui sont fait pour vous" mené par Jean-Jacques Gauthier et Marie-Paule Leblanc-Péru au nom du SPA-A qui est la fédération des professionnels du Spa et du Bien-être. Si elle existe depuis 22 ans elle a été relancée en 2020 et compte aujourd'hui 350 membres.

Les bienfaits des massages manuels ou à l’aide de machines sont désormais démontrés, mais il s’agit de comprendre les différentes pratiques et contre-indications. Et comment se déterminer face à un choix plétorique qui ne cesse de croitre d'année en année ?

Tout a commencé il y a plus de 5000 ans, en Inde, a continué en Egypte avant d'arriver en Grèce (700 ans av. JC) pour aider les sportifs à se détendre. Le massage a toujours été le pilier de la médecine ayurvédique. Hippocrate en prescrivait en association à un régime alimentaire, des exercices et … de la musique.

il faut distinguer les massages médicaux réservés aux kinésithérapeutes des massages de confort, bien-être, relaxation, longtemps désignés sous le terme de "modelage" pour des raisons réglementaires. Est si depuis janvier 2016 le modelage est accepté en tant que massage non thérapeutique ce terme subsiste encore et vous pourrez le rencontrer.

Jean-Jacques Gauthier n'a pas donné de clés aux participants pour choisir le massage qui leur convient, estimant que la responsabilité du professionnel devait garantir ses actes. peu importe le nom que l'on donne (californien, suédois, balinais …) il est surtout essentiel de connaitre quelques règles non négociables.

Il faut proscrire les huiles minérales (dérivées de la rétro-chimie) et essentielles (sous risque de brulure) et ne jamais accepter de se faire masser en utilisant autre chose que des huiles végétales (de pépin de raisin, de sésame, d'argan, voire même d'huile d'olive). Dans l'idéal le professionnel utilisera un chauffe-biberon pour la conserver à la température idoine.

Il est intéressant de savoir que si le massage échauffe celui/celle qui l'effectue (a fortiori au bout de plusieurs heures de pratique) à l'inverse il fait baisser al température du corps massé d'au moins 1 degré, ce qui signifie que toutes les surfaces du corps qui ne sont pas concernées doivent être recouvertes, et si possible par une couverture. Ce n'est donc pas une question de pudeur mais de palliatif contre la chute thermique.

Il est essentiel de connaitre les contre-indications. Un drainage lymphatique ne doit pas être violent, surtout sur des veines fragiles. A l'inverse un massage en profondeur aura un effet dopant. Il convient donc de préciser ses attentes avant de commencer.

Quelques mots ont été dits à propos des massages sur des lits hydro-massants. Les premiers ont été inventés en 1986 par un ostéopathe allemand. Un des avantages est l'inutilité de se déshabiller.

Depuis le système s'est perfectionné est avec l' iYU® qui agit avec un bras robotisé collaboratif et une main articulée brevetée. Un capteur 3D et des algorithmes d’IA permettent d’ajuster le massage en temps réel selon la morphologie et les préférences de l’utilisateur, pour garantir une expérience de massage douce et adaptée aux besoins de chaque utilisateur et surtout un soin de qualité.

La tentation était forte de me prêter à l'exercice, non pas de l' iYU® (pas encore) mais du moins de l'Aquatizer QZ.240 de Koncept’O qui même en situation de démonstration de quelques minutes offre un moment agréable et relaxant.

L’Aquatizer est un lit hydromassant composé de 4 jets puissants et précis et -et c'est là aussi son originalité et un point fort- d’un massage au niveau des pieds. Les zones à masser sont identifiées avec précision via un capteur détectant la taille du client. C'est une alternative séduisante pour se relaxer ou suivre une préparation sportive. Je signale que l'appareil est présent au sein du Spa by Clarins de l'hôtel Molitor.

Si je n'avais pas été convaincue à la fin de ma dernière visite au salon Muséum Connections par un système de bornes d'écoute par conduction osseuse et j'ai de ce fait été attentive à la proposition de Aqua Musique qui a développé une innovation permettant de sonoriser une piscine de balnéothérapie sans perforer le bassin.

La technique d'Aqua-massage-musical afférente est très séduisante. Reste à l'expérimenter dans un avenir proche pour en parler en toute connaissance de cause.
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La première illustration de cet article est une vue de la piscine principale de l'Hôtel de la Luz - Spa Holistic Resort, situé à Tepoztlán (Mexique) où on pratique des massages de grande qualité et où j'ai effectué un séjour de rêve.

jeudi 23 janvier 2025

Tatiana Wolska, Prix Drawing Now 2024, expose Belladone

Le vernissage de l’exposition Belladone au Drawing Lab intervient au moment où les médias se font l’écho d’un nouveau scandale. Offrir des fleurs coupées serait dangereux pour la santé en raison des multiples traitements avec des pesticides nécessaires à leur culture.

Louise Bourgeois n’avait pas attendu une telle annonce pour se débarrasser du moindre bouquet sur les marches de l’église voisine. Et c'est loin d'être un hasard si Tatiana Wolska, lauréate du prix Drawing Now 2024 fait référence à cette artiste.

Depuis toujours, la fleur peut autant être porteuse de vie que de mort. Si nécessaire en cardiologie et néamoins associée à la sorcellerie, la belladone en est un exemple archétypal.

L’exposition met en valeur des oeuvres que le spectateur interprète d’abord comme des aquarelles, peut-être des encres, et qui sont en fait exécutées aux crayons de couleur. Elles se meuvent et notre regard y voit des évocations florales, puis assez vite évocations du sexe féminin ou masculin.

La grande salle de l’espace d’exposition située au sous-sol est entièrement investie par une oeuvre produite spécialement. L'espace y devient une sorte d'agora qui sera foulée par les visiteurs. On a conscience que l’œuvre s’abîmera, c’est normal, mais elle ne se fanera pas complètement. Des fragments seront préservés et récupérés (et très probablement réinvestis ultérieurement).

Tatiana est née en 1977 en Pologne. Elle vit et travaille à Bruxelles. C'est peut-être la reconnaissance du Salon de Montrouge dont elle fut lauréate en 2014 qui aura été décisive dans sa pratique artistique. Je regrette de ne pas l'y avoir vue, mais je ne suis allée dans ce salon qu'à partir de 2015

Elle a l'habitude de pratiquer le recyclage et d'employer des matériaux de récupération. Ses sculptures le démontrent. Faire avec ce qu’on a ou ce qui est possible, ne pas dépasser le budget sont des contraintes qu'elle ne subit pas avec effroi et qui au contraire alimentent sa force créative.
 
Pour celle-ci, elle a travaillé sans maquette ni dessin préparatoire, par tâtonnement par ajouts, en tenant compte du noir du plafond et de l’éclairage horizontal au moyen de néons. Elle est restée vigilante tout au long du processus au rythme et à la gamme des couleurs de manière à ce que le résultat soit lumineux et vivant.

J'ai été saisie en descendant l'escalier par cet endroit qui pourrait  être considéré comme une extension du jardin des tarots de Niki de Saint Phalle. Tatiana (assise ci-contre au milieu de son oeuvre) est une artiste d’une simplicité touchante, très ancrée dans le quotidien, ne refusant aucune question mais trop fatiguée aujourd'hui pour répondre longuement à chacune, ce qui est tout à fait compréhensible quand on mesure l'ampleur du travail engagé.

Elle a cependant expliqué que cette installation était pour elle une "première" et que ce travail en volume faisait suite à une résidence l’été dernier en Sologne.

Mais c'est surtout Marianne Derrien, la commissaire, qui a pris la parole pour parler de cette artiste avec qui elle a d'abord noué un lien dans le domaine de la sculpture.

La jeune femme est commissaire indépendante, critique d'art et enseignante. Elle publie régulièrement des textes critiques. Elle est en résidence curatoriale au Wonder depuis 2020. Elle est lauréate, en 2023 du programme BMW Art Makers dans le cadre des Rencontres d'Arles et de Paris photo.

Elle a détaillé le processus créatif, auquel elle a participé activement pendant la dizaine de jours d'installation, positionnant et agrafant les morceaux de papier en suivant les directives de l'artiste qui elle-même s'activait tout autant.

Ce mode d'action est familier à Tatiana qui travaille souvent à 4 mains en invitant d’autres artistes.

Il a fallu beaucoup de scotch et ce sont près de 200 000 agrafes qui ont été nécessaires. Le résultat est graphique et structural, autant abstrait que figuratif. On prend compte de l'importance de ce matériau en s'approchant et il convient de remercier l'entreprise Raja pour son mécénat.
En déambulant dans l'installation on effectue un voyage physique et sensuel qui nous permet de prendre la mesure du défi et de traverser des mondes.
L'oeuvre n'est pas figurative. Elle est ouverte mais elle se ressent. La balade provoque une perte de repères qui nous conduit, par proximité sémantique entre beladone et Belledonne, dans le massif alpin de Belledonne, et on pourrait presque entendre belle dame.

mercredi 22 janvier 2025

Quel plat associer avec la cuvée Pierre-François 2023 du Domaine Colin (Vendômois)

J’avais participé en novembre dernier à une dégustation de plusieurs vins du Vendômois au cours de laquelle j’avais fait quelques découvertes qui m’ont donné envie de faire d’autres accords vin-met, complémentaires à celles que j’avais faits à l’été 2024 avec par exemple le Chenin Blanc du domaine du Four à Chaux ou le Saveurs d’été Gris 2023 de Denis Noury.

Il s’agit cette fois de la cuvée Pierre-François Colin pour le Domaine Colin. Le viticulteur est issu d'une longue lignée de vignerons puisqu'il représente la 9ème génération. Il a réussi à maintenir de bons rendements et à maîtriser le mildiou sur les 28 hectares de vigne, sauf en 2021 parce que le gel fut exceptionnel cette année là. Sa spécificité par rapport aux autres exploitants de l’appellation est de ne pas être et longtemps il fut le seul en bio. C'est un domaine important puisqu'il exploite un tiers du territoire de l'appellation.

C'est, parmi tous leurs vins, et en toute modération, un rouge qui a eu ma préférence, lRouge Pierre-François 2023– AOP Coteaux du Vendômois - Assemblage de Pineau d'Aunis, Gamay et Pinot noir vendangé du 23 au 28 septembre 2023 qui a un potentiel de garde de 5 ans.
Le nez est très fruité, sur la cerise, la bouche souple sur les fruits mûrs et les épices. Sa note fumée aiguise l'appétit mais il a une belle fraicheur en finale. Ce vin est un appel au partage, à servir sur des charcuteries, viandes blanches et fromages. Il pourrait faire merveille sur un poisson grillé, voire même un carpaccio mais surtout en évitant un plat trop salé ou une viande fumée parce que le sel déstabilise les tanins. Il fut parfait sur du veau mijoté.

mardi 21 janvier 2025

Une belle fille avec un fusil d’Eric Pessan

Je connaissais surtout Éric Pessan en tant qu’auteur pour la jeunesse, un domaine où il excelle. Mais il est aussi dramaturge. Il écrit des romans, du théâtre, de la poésie, des récits et des fictions radiophoniques (toutes produites par France Culture).

Il travaille actuellement à une réécriture de La Métamorphose de Kafka pour le Théâtre du Rictus de Nantes. Mais Une belle fille avec un fusil est la dernière pièce qu’il a conçue pour le théâtre.

Elle a déjà été jouée en 2021 par Alice David quelques fois à Cholet et Angers, pour la Compagnie la Grange aux Arts, dans une mise en scène de Laurence Brunel qui a dirigé la comédienne entre jeu et dialogue avec son personnage, Niki de Saint Phalle.

Cependant la pièce n’a été publiée, par Lansman Editeur, qu’en septembre 2024. La plateforme Babelio, que je remercie, me l’a adressée dans le cadre d’une opération de masse critique. L’ouvrage est dédié à Caroline Deyns qui est l’auteure d’une biographie romancée de l’artiste, Trencadis, publiée en 2020. Elle y interroge des témoins réels ou fictifs et se base sur différents supports (poèmes, calligrammes, fragments) afin de mettre en lumière la vie de l’artiste et en particulier la difficulté d'être femme.

Il faut dire que Niki de Saint Phalle est une artiste dont la vie ne cesse de nous questionner et je voudrais tout d’abord signaler Niki, le premier film de Céline Salette qui a réussi admirablement à nous faire approcher sa problématique.

Le personnage d’Eric Pessan se raconte en situant ses confidences à l’âge de 40 ans. Tout est alors en place. Les traces se sont multipliées. On devine que le personnage va rectifier certaines opinions à propos de l’été des serpents et se présenter, ou se résumer, à une belle fille avec un fusil (p. 9), ce qui est d’ailleurs le titre de la pièce.

Un long monologue, ou plutôt un dialogue avec elle-même, ponctué de quelques mots et/ou phrases en anglais, qui probablement sont des résurgences de son enfance américaine. La comédienne parle de Niki dans un discours intérieur : les mots c’est le pouvoir. Tu le sais bien (p. 12). Les actes les plus forts de l’artiste sont récupérables (parfois récupérés) par un mouvement comme #Me Too. Mais rien qui ne claque comme le tir d’une carabine (…) ou d’une décharge électrique (p. 12), à moins que ce ne soient les souvenirs (…) comme un coup de feu (p. 18).

Ce qui est très pertinent c’est la double interrogation sur le personnage et sur son acte. Ce qui amène Eric Pessan à pointer que la vérité est comprise (contenue) comme une métaphore, en miroir à la remarque de son père « tu fais ta comédienne » lui permettant à se dédouaner de ses actes.

Niki a publié Mon secret en 1994, à propos de faits intervenus dans les années 1940. Eric Pessan fait remarquer, à bon escient, qu’à l’instar de la chanson créée en 1970 L’aigle noir, le véritable sujet n’a été décrypté qu’après coup, à savoir en 1997 pour Barbara. Il est amusant à cet égard de savoir que cette chanson avait été le sujet d’une épreuve de l’oral de français du Bac en 1972.

Parmi les confidences de Niki on apprend qu’elle confondait libre et sans attache (p. 27), que si ses cercles n’étaient jamais tout à fait ronds c’était par choix, car la perfection est froide. L’imperfection donne la vie et elle aime la vie.

L’auteur définit le théâtre, ajoutant modestement « peut-être ». Ce serait mettre de l’ordre dans une histoire, pour le temps d’une représentation. Faire croire que les choses qui se produisent ont un sens (p. 33).
Il fait demander à la comédienne quel effet ça fait de tirer (p. 36). J’ai eu l’opportunité de vivre cette expérience pendant la visite d’une exposition à Mons en Belgique comme on peut le constater sur la photo ci-dessus. Se mettre corporellement dans la peau de l'artiste est une proposition plutôt inédite ... et jouissive.

Le texte ne comporte que 39 pages. C’est bref mais pourtant intense.

Une belle fille avec un fusil d’Eric Pessan, chez Lansman Poche, en librairie depuis le 8 octobre 2024
A partir de 14 ans

lundi 20 janvier 2025

Le Théâtre 14 fête 5 ans de collaboration avec une nouvelle équipe

A l’instar de l'embarcation qui symbolise la Ville de Paris, le Théâtre 14 a beaucoup fluctué, mais n’a jamais coulé, et c’est peut-être pour cela que je vois un bateau sur l’image commémorant son 5ème anniversaire le 20 janvier 2025 à 20 heures.

La soirée célébrant l'évènement fut joyeuse, sérieuse et pourtant décalée, émouvante aussi.

C'est toujours avec plaisir et intérêt que je suis venue dans ce théâtre et j'avais une petite appréhension au changement même si j'avais beaucoup aimé Un garçon d'Italie au festival d'Avignon, ce qui m'avait donné l'occasion d'approcher le travail de Mathieu Touzé dont j'annonçais alors l'arrivée dans ses nouvelles fonctions.

Que dire si ce n'est que nous somme nombreux à avoir vu grandir et prospérer la nouvelle aventure ? Ce ne fut pas facile, avec un démarrage qui s'est pris de plein fouet le confinement. Il faut croire que la passion, l'énergie et surtout l'engagement ont raison de toutes les difficultés.

Le résultat se mesure en chiffres : 162 spectacles, 88 masterclasses, 64 963 spectateurs, 8 festivals, 20 stages professionnels, 1 école et 3 promotions, d’innombrables heures de cours amateurs et d’actions auprès de publics très variés. Il compte aussi en images dans un diaporama qui file trop vite, sur lequel j'identifie des moments, des visages connus … que je ne vais pas citer ici pour ne pas risquer de susciter la moindre jalousie … à l'exception de Daniel Buren qui, hasard ou coïncidence était présent le soir d'un autre cinquième anniversaire, celui du théâtre La Piscine (qui s'appelait alors encore Firmin Gémier).

Le petit film s'achève en lettres capitales formant le mot MERCI. On aurait bien envie dans la salle d'en dire autant mais on se satisfera de faire du bruit en applaudissant. The show must go on et voici sur la scène Yuming Hey et quelques artistes du prochain spectacle Les déshérités, l'ère des enfants sans père, qui dansent et chantent sur Like a Virgin de Madonna avant de se retourner et de lancer leurs bouquets de fleurs au-dessus de leurs têtes dans le public comme il serait de coutume à un mariage.
Ils représentent un avenir proche. Yuming Hey signera sa première mise en scène, une relecture ultra queer de Platonov de Tchekov qui explorera les tourments de la jeunesse moderne. Les sept épisodes seront joués en une (longue) session de 10 heures, avec plusieurs entractes bien évidemment, qui commencera à 14 heures les 31 mai et 7 juin 2025.

Et parce que le Théâtre 14 n'a pas fini d'évoluer il y aura en 2025 une nouvelle salle de travail, un agrandissement du hall et de nouveaux bureaux.
Mais revenons au présent avec Mathieu Touzé, très ému de rappeler les grands moments de cette aventure collective, dont la plus belle réussite est d'être parvenu à tisser des liens intergénérationnels et interculturels qui se traduisent par voir des enfants émerveillés, une personne descendre de son appartement, des échanges autour d’un bol de soupe, lire dans le New York Times que la Porte de Vanves est The place to be.

dimanche 19 janvier 2025

Et si le bleu était la nouvelle couleur à la mode ?

Je sais bien que la couleur de l'année est le Mocha Mousse, une teinte marron chaude et riche qui alimente notre désir de réconfort en évoquant subtilement le cacao, le chocolat et le café.

Légèrement poudrée, cette nuance brune, se marie facilement à du vert sauge, du grège, du vieux rose ou du bleu gris. On la voit partout, jusque dans les chambres des enfants.

Mais si ce bleu n'était pas n'importe quel bleu, mais le bleu maya ?

Se pourrait-il qu'il devienne le Pantone 2026 ?


J'ai eu le sentiment de le voir partout en taches subtiles tout au long de mon parcours dans la dernière édition de Maison & Objet.

Par exemple sur les tables et dans les propositions de cannage, de L. Drucker ou chez Fermob.
Les Mayas accordaient une place particulière à cette couleur parce que c'est celle de l'eau, ni nécessaire à la vie, régie par le dieu de la pluie Chaak. On le remarque dans les peintures murales et les poteries. Ils l'utilisaient pour peindre les humains sacrifiés afin d'invoquer la pluie.

On l'oublie parce que les pyramides sont aujourd'hui de la couleur d cela pierre mais elles étaient autrefois décorées de couleurs vives. Le rouge, le blanc, le noir et le jaune avaient tous une signification religieuse. Les couleurs les plus sacrées étaient le bleu-vert et le bleu.

Le bleu Maya est une nuance de bleu lumineuse et captivante avec une légère teinte verdâtre, inspirée des pigments utilisés par l'ancienne civilisation maya. Cette couleur symbolise la spiritualité, la résilience et l'innovation.
A force de chercher le bleu Maya je le remarque même qyuelques heures plus tard sur les mythiques sièges "A Kiko" installés dans les années 2000 dans les couloirs du métro. Serait-ce alors le signe que cette couleur est à la mode depuis longtemps déjà ?

Du nom de l’équipe de designer qui l’a conçu, ce siège est accueillant dans sa forme circulaire bien enveloppante, percé en son centre d’une fente qui évoque un sourire. Il est disposé par séries de trois à cinq sièges très visibles, dans une gamme de sept couleurs chaleureuses rendues brillantes et profondes par une finition de peinture thermolaquée … bleue Maya à la station Denfert-Rochereau.

samedi 18 janvier 2025

Drôles d'espèces, album de l'Homme Héron

J'ai reçu l'album de l'Homme Héron et je n'avais pas pris garde, au premier regard, à ce que Drôles d'espèces était accompagné d'une plume, que j'ai remarquée à la troisième écoute.

En l'écoutant, on devine que cet auteur-compositeur-interprète est un oiseau d'une espèce rare, aussi authentique que véloce, féroce et ironique quoiqu'au coeur tendre pour ses semblables, pourvu qu'ils soient honnêtes et surtout pas de la race des rapaces.

Il est probable -car il en est coutumier- que pendant une semaine il dormira toutes les nuits sur la scène pour vivre les vibrations qu’il connaîtra avec son public. Il sera en concert à Paris pour la sortie de Drôles d'espèces le jeudi 30 janvier à 20h à l'Auguste Théâtre et je suis bien chagrinée de n'être pas libre pour aller l'écouter. Si vous loupez cette date il vous faudra patienter jusqu'au 7 février pour écouter cet album qui est son premier, et sans doute pas le dernier. Sachez aussi qu'il sera au Figuier Pourpre (Maison de la poésie) 6 rue Figuière pendant le festival d'Avignon 2025.

Petite fille qui danse (piste 1) célèbre sans doute notre monde d'aujourd'hui, tant qu'il en est encore temps car il se délite. La structure évoque le poème Liberté de Paul Eluard. A l’instar du poète qui dresse la liste de tous les endroits essentiels, le chanteur invite chacun de nous à protéger les sites mis en péril par nos erreurs logicielles … qui à la toute fin doivent être comprises comme autant d’horreurs.

C’est que Stéphane Barrière, alias l’Homme Héron, cultive l’art des métaphores, que ce soit celles des idées comme celles des mots, qu’il fait rimer et jouer pour le meilleur et pour contrer le pire.

Le coeur d’Ulysse (piste 2) compare notre existence à un voyage ponctué de travaux colossaux.

Dans La grande lessive (piste 3), le blanchisseur est celui des lobbies, des élites et des politiciens corrompus...  La réflexion est amère sur notre monde en crise, sublimée par l’énergie de la musique et par une revanche d’humour noir quand, dans les eaux sales, on ne gagne pas à tous les coups. La chanson devient amusante … immorale et lucrative dans les coursives du monde qui gronde de peur ou de faim.

Alice rêve (piste 4) doit sans doute être comprise comme une référence au monde d’Alice au pays des merveilles. Ce prénom est devenu indissociable de l’univers du rêve même s'il s'agit de dérives cauchemardesques.

Dans Poudre blanche (piste 5), l’auteur déforme légèrement la célèbre formule de Pascal, Je pense donc je suis, en Je pense donc j'écris (…) j'explore la métaphore. On peut entendre je crie. L'homme aime les mots et jouer avec. Voilà sa poudre blanche, les mots le font rêver. Et nous avec par voie de conséquence.

L’accompagnement musical des Damnés de la terre (piste 6) installe une atmosphère religieuse que viennent perturber des sons évoquant le frottement de lanières de fouet. Il fera chanter le public après l'avoir entrainé à fredonner pa-pada-pada.

Manifestement l’artiste ne s’interdit aucun sujet. Olga (piste 7), l’archange infernal, est une chanson interprétée en grimpant dans les aigus, et à comprendre de toute évidence au second degré. Il est rare qu’on brosse ainsi des pratiques sado-masochistes.

Les ascenseurs (piste 8) donnent l’occasion à sa voix de prendre de la hauteur pour traiter, avec humour ironique ou tendresse, une phobie très courante chez les personnes qui ne supportent pas ce «monde à part». Les paroles ont ravivé chez moi le souvenir de moments précieux, totalement hors du temps, quand je prenais l’ascenseur qui conduisait spécialement à l’Espace Culturel Vuitton, 60 rue de Bassano dans le VIII° arrondissement de Paris, hélas fermé depuis la création du bâtiment de la Fondation et où j’ai vu tant d’expositions remarquables.

Se rendre à une exposition dans ce lieu commençait par le rituel de la montée en ascenseur qui avait pour objectif de nous préparer à changer de repères et consentir à la surprise. Ce bref voyage était vécu comme un rite de passage. La cabine, conçue par l’artiste Olafur Eliasson, était moelleusement capitonnée, totalement insonorisée et plongée dans une obscurité parfaite. Le visiteur n’y était jamais seul, sans doute pour éviter aux claustrophobes d’avoir peur et jouir pleinement d’une petite relaxation. Il fallait un certain temps pour accéder au 7ème étage, suffisamment pour s’être dépouillé du stress et avoir pu changer d’état d’esprit. J’adorais.

Même si la terre est ronde (piste 9) représente le film de toute une vie traversée de voyages, de bonheurs et de soucis jusqu’au dernier envol, à l’instar des amoureux de Chagall dans un ciel étoilé.

L’album s’achève sur une note pessimiste avec Passent les heures (piste 10) et nous laisse un peu désemparé. Tout est beau. Le regard est poétique. Les accompagnements musicaux sont soignés. Pourtant le constat écologique et sociétal est sans concession et son acuité si juste dépeint notre époque contemporaine comme un monde qui n'est décidément pas joyeux ni rassurant.

La formation de Stéphane Barrière est triple, en musique, chant et théâtre, ce qui fait qu’il a pu devenir un auteur-compositeur interprète accompli.

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