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La publication des articles est conçue selon une alternance entre le culinaire et la culture où prennent place des critiques de spectacles, de films, de concerts, de livres et d’expositions … pour y défendre les valeurs liées au patrimoine et la création, sous toutes ses formes.

lundi 22 avril 2013

Plein soleil de Valérie Clo chez Buchet-Chastel


On ne lit pas toujours les livres dans l'ordre de leur parution. J'avais découvert Valérie Clo avec les Gosses, un bouquin très joyeux qui m'avait apporté une bouffée de plaisir dans un mois d'avril qui s'avérait plutôt revêche.

J'ai rencontré l'auteure et ce qu'elle m'a dit de son précédent ouvrage m'a donné envie de le lire sans délai. J'avais compris combien Plein soleil était un livre capital pour elle tant il est vrai que l'empreinte du père pour une fille est très importante, qu'il ait été présent, absent, bon ou mauvais....

La narratrice a tout juste un an quand son père meurt d’un accident du travail. Ce choc a été une grande douleur pour Valérie Clo jusqu'à ce qu'elle puisse écrire sur le sujet. Parce que l'écriture est à la fois un partage et un moyen de prendre de la distance. Je me doutais que cette lecture me toucherait moi aussi.

Je ne m'attendais pas à retrouver les formules qui m'avaient distraites dans les Gosses. Je savais que le sujet était grave mais que le roman s'achevait sur des pages positives. Valérie a traqué les maigres souvenirs qu'elle avait de la disparition de son père pour en faire un récit sensible sur les répercussions qu'un tel choc ne cesse de provoquer.

Plein soleil est un très beau livre. Pour sa sincérité, évidemment, mais aussi pour la justesse de l'analyse qui y est faite, non seulement de l'absence du père mais aussi du processus d'identification. Le livre est très personnel et pourtant il en émane une universalité qui touche le lecteur. Chacun y trouvera un écho avec sa propre histoire. J'ai envie de faire un parallèle avec  Jean-Philippe Blondel qui publie lui aussi chez Buchet-Chastel et qui alterne la comédie et le tragique avec un talent très comparable. Et rester vivant est d'une certaine manière comparable.

Les adultes s'imaginent préserver les enfants en les écartant des évènements douloureux, en particulier le décès du père, ou de la mère. On croit qu'avec le temps tout "rentrera dans l'ordre" et c'est le contraire qui se produit. La culpabilité s'ajoute au chagrin de l'absence :
Comment aimer ce père dont je ne me souviens pas ? Comment trouver le chemin qui me conduise à cet amour-là ? Il doit bien exister quelque part en moi mais je n'y ai plus accès. J'ai tout oublié. J'éprouve de la culpabilité devant ce manque d'amour, cette absence de sentiment. je fais des efforts. j'essaie. Mais rien. Je ne ressens que du froid. Obligée d'emprunter un autre chemin, un chemin de traverse. (...) C'est un amour dévié de sa trajectoire, qui fait des détours pour atteindre sa cible, un amour par procuration. (p.22)
L'auteure tricote les chapitres à la manière d'un roman policier, évoquant des hypothèses à partir du moindre souvenir, vécu ou raconté, échafaudant des scenarios, resituant le récit dans le contexte historique.

Inévitablement surgit le "si" : Et s'il n'était pas mort ? (p.57) qui provoque deux très belles pages sur ce que serait sa vie si le chemin ne s'était pas arrêté. Et qui explique aussi la trajectoire que Valérie a suivie parce qu'on comprend que l'écriture est née de ce manque là.

La manière dont nos parents vivent leur place dans le monde de l'entreprise impacte notre façon d'être en rabotant en quelque sorte la part de liberté que l'on pense avoir quand on prend une décision. L'analyse de sa vie professionnelle (p.112) m'a fait réfléchir sur mon propre parcours.

N'allez pas croire que Plein soleil est un livre qui plombe le moral. Il y a des éclats de rire possible. Le protocole de l'annonce de la catastrophe (p.82) donnerait à un humoriste matière à un sketch fort savoureux. Jusque là je n'avais pas perçu les avantages et les inconvénients d'une mort brutale.

Valérie Clo dénonce aussi les phrases toutes faites comme cette assertion qui prétend que ce qui ne tue pas rend plus fort. (p.95) La question de la force est relative. La force de l'auteure sera de savoir plier au moindre coup de vent.

Elle confesse avec humilité qu'elle est incapable de fluidité pour évoquer son père. Elle juge son texte fragmenté à la manière d'un puzzle (p.106). ... pourquoi pas ... mais il m'a semblé complet et abouti.

Plein soleil de Valérie Clo chez Buchet-Chastel, janvier 2011

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Bonjour, juste une précision, la phrase de Nietzsche n'est pas dans la sphère des idées comme un platonicien, car comme tout le monde le sait, Nietzsche n'a cessé de combattre les platoniciens justement, la phrase exacte est : tout ce qui ne ME tue pas, ME rend plus fort, autrement dit, il exprime ici un acte de volonté de la personne, et non une vérité idéalisée, l'idée n'est pas tout ce qui arrive est pour le bien non non, le sens de cette phrase, plus philosophique, que vous croyez, est de dire qu'il faut apprendre à rendre bon, ce qui nous apparait comme mauvais.

Une phrase comme "tout ce qui ne tue pas, rend plus fort" qui est un travestissement d'une idée bien plus profonde, traduit votre propre culpabilité d'où peut parfois ressortir une violence, qui, à mon sens, se doit d'être apprivoisée. Mais avouons, qu'il est difficile de lutter contre notre tendance à créer nos propres démons, contentons nous déjà, peut-être juste trouver le fouet, qui saura les tenir au delà de limites à ne pas franchir.

Marie-Claire Poirier a dit…

Je me suis demandé si votre précision s'adressait à moi ou à Valérie Clo. Elle ne cite pas nommément Nietzsche (page 95) dont elle connait sans doute l'exacte pensée. Elle fait référence à une de ces petites phrases qui sont passées dans le langage courant et que l'entourage se plait à employer ... comme si cela pouvait faire avancer les choses à peu de frais.

Dans le même style on entend souvent "Tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes" pour clore une dispute qui n'a pas lieu d'être.

Je me retiens à chaque fois d'ajouter "possible" car Voltaire ne songeait pas que notre monde était le meilleur. C'était tout le contraire. Mais puisque l'intention de l'interlocuteur est de faire la paix je ne vais pas jeter une allumette.

Dommage que votre commentaire soit anonyme. N'importe quel prénom aurait été plus audacieux. Merci en tout cas pour votre attentive lecture.

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