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dimanche 28 avril 2013

Le Palmarès du théâtre ... il y a urgence à faire mieux


On a été privé de Molières l'an dernier pour cause de mésentente entre directeurs de théâtre public et directeurs de théâtre privé. Comme si le théâtre avait les moyens de se diviser... mais passons et saluons l'initiative du Palmarès.

C'aurait pu être une belle soirée. Ce fut une sorte d'ersatz de la cérémonie traditionnelle. Et quand je dis ersatz c'est déjà trop gentil. A tout prendre il aurait mieux valu ne rien faire plutôt que rebuter le peu de téléspectateurs favorables à cet art. Moi la première.

Le Palmarès avait lieu en deux temps. D'abord l'annonce des lauréats à 18 h 50, et ensuite, une fois le Journal télévisé achevé, une soirée entièrement consacrée au théâtre. L'horaire de l'annonce n'était pas favorable, ce qui fut un avantage ... en restreignant l'audience on a en quelque sorte limité les dégâts.

La remise des prix était en direct, allez savoir pourquoi ... La honte n'en fut que plus flagrante. Pas question de gommer au montage les euh affolés du lauréat pressé de résumer ses émotions en 1 minute chrono. Et si je vous dis une minute ce n'est pas une métaphore. Une sonnerie tapageuse annonçait le passage des 45 secondes avant de retentir comme un couperet 15 secondes plus tard.

Quelle misère ! Prenez la servante et cassez-vous ! Au suivant !

Il n'y eut aucun extrait alors que la bande-annonce est pratiquée dans l'univers du théâtre. le réalisateur n'a même pas concédé l'insertion en arrière-fond l'affiche du spectacle primé, ou le défilement du titre de la pièce sur une bande en sous-titre. Le communiqué de l'AFP ne fait guère mieux puisque les théâtres ne sont même pas cités. Je serais leur directrice ... je m'étranglerais de cette tartufferie. Jugez plutôt :

Prix de la comédienne: Audrey Bonnet ("La Clôture de l'amour" de Pascal Rambert)
Prix du comédien: Grégory Gadebois ("Des fleurs pour Algernon")
Prix de l'auteur: Pascal Rambert ("La Clôture de l'amour")
Prix de la comédie: François Morel ("Carte blanche à François Morel")
Prix du second rôle féminin: Marie-Julie Baup ("Le Songe d'une nuit d'été")
Prix du second rôle masculin: François Loriquet ("Les Revenants")
Prix d'honneur du jury: Francine Bergé ("Le Prix des boîtes")
Prix d'honneur du jury: Robert Hirsch ("Le Père")
Prix "seul en scène": Didier Brice ("Le Journal d'un Poilu")
Prix de la révélation féminine: Sarah Capony ("Femme de chambre")
Prix de la révélation masculine: Félicien Juttner ("Hernani")
Prix "coup de coeur" théâtre public: Romane et Richard Bohringer ("J'avais un beau ballon rouge")
Prix "coup de coeur" théâtre privé: "L'étudiante et Monsieur Henri" (de Ivan Calberac, mise en scène José Paul)
Prix du spectacle privé: "Des fleurs pour Algernon" (Daniel Keyes, mise en scène Anne Kessler)
Prix du spectacle public: "La réunification des deux Corées" (De et mise en scène Joël Pommerat)

Il y a des stages d'initiation à la communication qui se perdent ... Les spectacles se jouent-ils encore ? A vous de chercher ! Faire de l'anti-pub à ce point relève de l'art.

Je ne pointerai qu'un seul, un des coups de coeur, celui qui concerne J'avais un beau ballon rouge, mis en scène par Michel Didym, venu chercher son prix (ils n'avaient pas tous fait cet effort) et qui a fort bien parlé dans le temps imparti. Le directeur de la Manufacture de Nancy voit récompensé le fruit d'un long travail avec Romane et Richard Borhinger qu'il connait de longue date. La pièce est actuellement à l'affiche du Théâtre du Rond-Point ... et jusqu'au 5 mai.

Un mot sur le trophée que l'on disait être une servante. Qui a eu cette idée passablement stupide ? Il faut avoir un certain niveau de culture pour savoir qu'il ne s'agit pas d'un clin d'oeil au personnage récurrent des pièces de Molière mais d'un accessoire. C'est une lampe posée sur un haut pied qui reste allumée quand le théâtre est plongé dans le noir, déserté entre deux représentations ou répétitions. Régulière, permanente, c’est elle qui veille lorsqu’il n’y a plus personne ce qui lui vaut parfois d'être appelée sentinelle.

Nul besoin d'avoir fait un doctorat de psychanalyse pour comprendre le lapsus. Il est inutile de rappeler ainsi combien les théâtres sont désertés. Quant à la sculpture elle même, on la doit à un jeune plasticien, Hubert le Gall, connu pour avoir décoré des restaurants branchés et la salle à manger du maire de Paris.

Je dois subir l'influence de la lecture des 50 Nuances de E.L. James, ou avoir été à mon insu conditionnée par le nom de "servante" ... j'y ai vu davantage un accessoire sado-maso qu'un objet de théâtre.

Il y eut Molière, n'aurait-on pas pu équilibrer avec une Sarah Bernhardt ? la comédienne aurait pu succéder à l'auteur ... parité oblige.

Je ne critique pas le choix du jury du Palmarès, encore que le nombre de votants ne soit pas représentatif. Ils ont couronné des personnes de valeur. Mais ce Prix en a-t-il ... de la valeur ? L'obtention d'une servante aura-t-elle autant d'impact que la remise d'un Molière ? Je le souhaite mais j'en doute. Le repas des fauves dont j'ai rencontré l'équipe en avril 2011 à la dernière Cérémonie officielle des Molières aurait-elle pu attirer autant de spectateurs, d'abord au théâtre Michel puis en ce moment même au Théâtre du Palais-Royal ? Sans parler de l'adaptation prévue pour le cinéma en 2014.
Le Molière jeune Public a été capital pour Vy, de Michèle Nguyen (photographiée au début de ce billet), comme il l'avait été pour Oh Boy l'année précédente.

Passons à la seconde partie avec les mêmes (la présentatrice a eu le temps de changer de coiffure ... à moins que cela n'ait pas été tourné le même jour ... il n'y a pas que Michel Drucker à nous faire le coup. Tout le monde -ou presque- sait que Vivement dimanche est enregistré le jeudi).

Pourquoi le théâtre à la télévision donne-t-il irrépressiblement envie de bailler ? Enfin ... ce théâtre là, qui devient mortel et qui finira par disparaitre si on oublie que sa particularité est précisément d'être du "spectacle vivant".

Il faut faire pour le théâtre l'équivalent de ce qui a été imaginé dans le domaine de la cuisine. On ne peut pas tendre la fourchette pour goûter à travers l'écran et pourtant cette frustration n'éloigne pas du poste de télévision les millions d'aficionados. C'est que les réalisateurs rivalisent d'imagination pour expliquer comment on choisit les ingrédients, dévoiler les dessous des grandes recettes, mettre en compétition des jeunes talents, imposer des contraintes qui rendent créatif, décortiquer les techniques ...

Transposé dans le domaine du théâtre on pourrait montrer comment on effectue un casting, faire un portrait d'un grand comédien, retracer une carrière, raconter des anecdotes, faire visiter des coulisses, mettre en avant des métiers tel que costumier, décorateur, sensibiliser le public aux aspects de la production, organiser des "battles" à l'instar de ce que faisait la ligue d'improvisation canadienne il y a (je n'ose l'écrire) plus de vingt ans ...

Ajoutez des extraits, des interviews bien rythmées, un jeu concours pour gagner des places ... bref tous les ingrédients qui donneraient envie de se lever, d'appuyer sur le bouton et d'y courir ... au théâtre.

Si les organisateurs manquent d'idées, qu'ils sollicitent les bloggeurs et le public, le vrai, celui qui est encore capable de s'enthousiasmer et faire vivre les salles par un bouche à oreille dynamique.

Pour ma part, le premier de chaque mois je récapitule les spectacles qui sont à l'affiche et dont j'ai déjà parlé sur A bride abattue, en veillant à ne pas m'enfermer dans un genre. En mai il y aura des places à gagner pour une comédie. Histoire de rire et de ne surtout pas se démoraliser !

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