C'est sous l'impulsion d'une collectionneuse pékinoise, Mme DENG Xihong, que 28 artistes chinois et 14 artistes français sont exposés du 22 au 28 octobre dans un pavillon sur les Champs-Elysées pour la première édition de ChiFra, consistant en un cycle d’expositions internationales.
Le vernissage de cette manifestation exceptionnelle a eu lieu hier soir dans une ambiance où se mêlait l'étonnement et la joie de la découverte qu'une certaine cohue a failli compromettre, mais failli seulement.
Le nombre des personnes invitées devait être colossal, à la mesure de l'évènement qui se déroulait en marge de la FIAC, à deux pas du Grand Palais. On pouvait entendre des remarques assez drôles témoignant d'une petite confusion. C'est une femme qui demande à son mari de se renseigner sur le prix des oeuvres qui lui plaisent le plus et dont elle lui donne la liste, ignorant que ce soir rien n'est à vendre. C'est un homme qui affirme haut et fort le talent des artistes chinois devant des toiles d'artistes français. ChiFra est conçu comme une rencontre culturelle. Ce n'est pas du tout un salon et certainement pas une foire. C’est un lieu de réflexion sensible à partir des œuvres proposées.
Il faut dire que c'était la première fois qu'on pouvait approcher la peinture (il y avait peu de sculpture) contemporaine chinoise, et même discuter avec les artistes, avec le secours d'interprètes qui faisaient de leur mieux pour ménager les réticences des chinois à aborder certains sujets.
Il n'empêche que le choix des artistes n'avait été imposé par aucun organisme officiel à la mécène chinoise dont on doit louer les qualités et la volonté d'exposer trois générations d’artistes chinois, probablement les meilleurs artistes à l'heure actuelle. L’exposition est coordonnée par le directeur du Namoc, Dian Fan.
Madame DENG Xihong a étudié à la State University of New York et à l’Université de Tsinghua à Pékin. Economiste, elle est spécialiste en ingénierie financière, en levée de capitaux et dans l'introduction en bourse de sociétés. Cette expérience dans le domaine de la banque l’a menée à la vice-présidence de J.P. Morgan et au board de la Citibank. Depuis 2004, elle dirige la société Hony Capital, fondée en 2003. Avec plus de 6,8 milliards d’USD dans ses actifs, Hony gère des industries de hautes technologies pharmaceutiques et a des parts dans les médias.
DENG Xihong collectionne l’art de son temps. Depuis très longtemps, son amour de l’art l’a conduit à réunir des œuvres et à titre personnel et elle a toujours manifesté son intérêt pour la peinture en agissant comme mécène. ChiFra est la première exposition qu'elle organise pour faire connaître au public des artistes chinois et leur histoire. La scène artistique chinoise est très diversifiée, et son but a été de montrer des œuvres de nombreux artistes vivants en Chine à des gens qui n’ont jamais été dans le pays. Elle a choisi Paris parce qu’elle a un attachement particulier à la France. Elle possède à Grasse une propriété où elle vient de créer une Fondation à vocation caritative, Sofia Art Foundation.
Commençons la visite par quelques artistes chinois. Je ne pourrais pas rendre compte de la totalité de la manifestation. Je renvoie au catalogue ceux qui cherchent l'exhaustivité. Je dois prévenir que je n'ai pas non plus pour prétention d'établir un palmarès mais de pointer quelques oeuvres.
Voici Colline et rivière, peint en 2012 par CHAO Ge. Né en 1957 à Hohhot (Mongolie-Intérieure), d’ethnie mongole, l’artiste est diplômé du département de peinture à l’huile de l’Institut Central des Beaux-Arts dont il est aujourd’hui, sous-directeur et professeur. L’artiste est par ailleurs membre de l’Académie Chinoise de Peinture à l’Huile et de l’Association des peintres chinois.
WANG Yishi, est une autre figure emblématique de l'histoire chinoise récente. Ce n'est pas lui qui le raconte mais Mme DENG qui rapporte qu'il a été emprisonné pendant la Révolution Culturelle et condamné à mort. Il a été libéré et, en 1989, l’ambassadeur français a commandé une exposition de son travail. Le gouvernement français lui a permis de vivre en France, et il a vécu à Paris pendant six ans et où il a déjà exposé une dizaine de fois. Cependant, il s’est rendu compte que ses racines étaient en Chine et il y est donc retourné. Malgré cela, ses œuvres illustrent l’amour, la beauté et le bonheur – parce qu’il pensait qu’il allait mourir, chaque jour qu’il vivait comptait pour lui.
Elle compare avec un humour particulier les prisons chinoises à de riches centres culturels, étant donné le nombre d’artistes emprisonnés… Le compagnon de cellule du peintre était un chanteur d’opéra. C’est quelque chose qui l’a inspiré pour la création d’un certain nombre de ses œuvres.
Le théâtre classique chinois le passionne effectivement. Il déclare que Roméo et Juliette fut sa source d'inspiration pour la toile ci-dessus.
Ses oeuvres méritent d'être regardées de très près pour en apprécier le travail du couteau. C'est une évocation de l'univers de Kandisnsky qui apparait à moyenne distance.
Vermeer est quant à lui ici la référence évidente puisqu'on y voit une miniature de la Jeune fille à la perle. YANG Feiyun est né en 1954 à Baotou (Mongolie-Intérieure). L’artiste a été étudiant au département de peinture à l’huile de l’Ecole Centrale des Beaux-Arts. Il est actuellement directeur de l’Institut de Peinture à l’Huile chinois (qui dépend de l’Institut de Recherche des Beaux- Arts chinois), tout en y étant professeur et directeur de recherche.
Cette toile de GUO Runwen m'évoque une lecture récente, la Fabrique du monde de Sophie Van der Linden, où l'héroïne est une jeune couturière en usine mais on pourrait aussi songer à Balthus. Né en 1955 à Zhejiang, l’artiste a été diplômé en 1982 du département des arts de la scène de l’Académie de Théâtre de Shanghai. Il est actuellement professeur et sous-directeur du département de peinture à l’huile de l’Institut des Beaux-Arts de Guangzhou, vice-président de l’Association des peintres de Guangdong, et membre de l’Association des peintres chinois.
Avec YAN Ping on pense à Van Gogh. Née en juin 1956 à Jinan (Province du Shandong), l’artiste est diplômée en spécialité peinture à l’huile de l’Institut des Beaux-Arts du Shandong. Aujourd’hui, elle est membre du conseil de l’Association des peintres chinois, vice-présidente de l’Académie de Peinture à l’Huile de Shandong et professeur.
Le poisson géant de DUAN Zhengqu, impressionne. Né en 1958 à Yanshi (Province du Henan), l’artiste est diplômé du département de peinture à l’huile de l’Institut des Beaux-Arts de Guangzhou. Il est actuellement maître de conférences à la Faculté des Beaux-Arts de l’Ecole Normale de la Capitale de Chine.
La sculpture est représenté avec notamment SUN Jiabo. Né en 1940 à Pékin, l’artiste est entré au département de sculpture de l’Institut Central des Beaux-Arts tout en y étant actuellement membre du comité d’étude, directeur d’étude et de recherche du premier laboratoire du département de sculpture.
WANG Keju a saisi Les Mouvements du vent, une oeuvre immense qui a la légèreté d'une quarelle. Né en 1956 à Qingdao (Province du Shandong), l’artiste est diplômé en 1983 de l’Institut des Beaux-Arts de Shandong. Il est actuellement professeur à l’Institut des Beaux-Arts Xu Peihong de l’Université Populaire de Chine et membre de l’Association des peintres chinois.
BAI Ming a joliment intitulé son oeuvre vers célestes : observation des montagnes et des rivières. Né en 1965 à Yugan (Province du Jiangxi), l’artiste est diplômé du département de céramique de l’Institut Central de l’Artisanat et des Beaux-Arts. Il est actuellement chargé de cours au département de céramique de l’Institut des Beaux-Arts (qui dépend de l’Université de Tsinghua), membre de l’Académie Internationale de la Céramique (AIC) et membre de l’Association Chinoise de Peinture à l’Huile.
Alin AVILA, historien et critique d’art, a été présent sur les ondes de France Culture pendant plus de 20 ans. Il dirige depuis 2001 la revue Area. Engagé dans l’art contemporain, il a été commissaire d’un très grand nombre d’expositions et a publié de nombreux ouvrages monographiques. C'est le curateur de ChiFra en France et à ce titre il a eu la responsabilité de la sélection française.
Pierre CARRON a été qualifié de peintre de l’intime, et son œuvre a souvent été rapprochée à celle de Balthus ou de Vuillard. Il n'empêche que devant ses toiles immenses j'entendais des visiteurs estimer que cette "peinture chinoise" était tout simplement évidente, ce qui a fait dire à l'artiste qu'il était le plus chinois des artistes français.
J'ai donc été amusée de découvrir un coq émergeant des Croisillons.
Christine JEAN apprécie les grands formats. Elle aime toutes les forêts qu'elle peint de mémoire.
Pour moi la référence à Klimt est évidente, mais l'artiste n'y avait jamais songé.
Toujours souriante, DENG Xihong est ici à coté de Jean CARDOT. Elle présente trois générations d’artistes chinois. La première englobe des artistes âgés de 70 à 80 ans, tous nés dans les années 1930, et qui ont tous connu la Révolution Culturelle, une époque où l’art était interdit. Il y a aussi des membres de la génération « mid-age », toutes diplômées d’université, qui ont connu la fin de la Révolution Culturelle à la fin des années 1970. Beaucoup ont étudié dans des institutions occidentales et recherchent maintenant de l’inspiration dans leurs racines en Chine.
Les membres de la jeune génération sont concernés par la pollution environnementale qui affecte de magnifiques paysages en Chine. Leurs œuvres véhiculent des idées d’incertitude pour l’avenir, non seulement sur la société, mais aussi sur l’environnement. L’idée de la civilisation se heurte à celle de la nature, avec les immeubles, par exemple, qui détruisent les paysages.
La présence de Jean CARDOT dans l’exposition est une manière de rendre hommage au sculpteur qui réalisa en 2000 la statue de De Gaulle, sise à quelques pas de l’exposition, au rond-point des Champs-Elysées. Le Général Charles De Gaulle a effectué un voyage à Pékin en janvier 1964. L’événement fera date et marquera l’esprit des chinois. Le Général sera pour les Chinois celui qui va ouvrir la Chine au monde moderne. Nous commémorerons l’année prochaine la reconnaissance par le Général de Gaulle en 1964 de la République populaire de Chine sur la scène du Monde.
Le mouvement domine dans cette sculpture où le pied du militaire semble s'échapper du socle.
Avec Nathalie MIEL les couleurs explosent.
Philippe GAREL, Flux et reflux (détail).
Photo-souvenir avec, de gauche à droite, Marie Rauzy (artiste), Zwy Milshtein (artiste), Sylvia Beder (CommunicationCulture) et Alin Avila, en bas, Dorian Desmazeaud (son assistant )
Informations pratiques
ChiFra, sur les Champs Elysées du 22 octobre au 28 octobre
Tous les jours de 11h00 à 20h00
8€ (dont une partie sera reversée aux associations d’aide à l’éducation artistique d’orphelins en Chine) – Gratuit pour les étudiants, les demandeurs d’emploi, les jeunes de moins de 25 ans.
Nocturnes Mardi 22 octobre et Vendredi 25 octobre
Le projet s’étendra sur cinq ans, de 2013 à 2018. Chifra, en 2014 sera présentée dans sept musées de Chine, à Pékin, Shanghai, Canton ...
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